[EXPO] Aubusson tisse Tolkien : la féerie est au rendez-vous

Quel lieu plus digne d'accueillir ces tapisseries que le collège des Bernardins ?
Détail de Halls of Manwë – Taniquetil, d’après l'œuvre originale de J.R.R. Tolkien. © Samuel Martin
Détail de Halls of Manwë – Taniquetil, d’après l'œuvre originale de J.R.R. Tolkien. © Samuel Martin

Les illustrations dessinées par J.R.R. Tolkien pour ses récits, transposées en tapisserie par Aubusson ? Ce pari fou s’est matérialisé et le résultat, présenté par le collège des Bernardins, est à l’image de l’œuvre du romancier anglais : féerique et mythique.

L'œil et la main

Le Seigneur des anneaux et Le Hobbit se prêtent à être mis en images. La réussite des adaptations cinématographiques de Peter Jackson en est la preuve. Sur un mode moins narratif, plus contemplatif, ces tapisseries en sont une autre, de preuve. Encore y faut-il le talent, à une époque qui en dépense tant à s’enlaidir. Il ne s’agissait pas de demander à une quelconque intelligence artificielle de créer une image numérique transcrivant les aquarelles de Tolkien. Sont requis, ici, intelligence des matériaux, goût des proportions, acuité de l’œil et habileté de la main – bref, que de l’humain. Cela est encore tolkénien, où le mécanicisme est la spécialité des forces obscures, tandis que l’art et l’artisanat sont l’apanage des sociétés équilibrées.

Pour ce projet, il a fallu l’accord et le soutien des héritiers de Tolkien - au premier desquels son fils Christophe, décédé en 2020 -, l’intelligence des dirigeants de la Cité internationale de la tapisserie d’Aubusson, le savoir-faire des cartonniers, teinturiers et lissiers. Et du temps. Sept ans, c’est un labeur de Hobbit auxquels les elfes auraient donné un coup de main, parsemant la trame de quelques fils de mithril offerts par les Nains de la Moria. J’en ai vu briller quelques-uns dans telle ou telle tapisserie.

Halls of Manwë – Taniquetil, d’après l'œuvre originale de J.R.R. Tolkien © The Tolkien Trust 1973, tapisserie, tissage Ateliers Pinton, Aubusson, 2018, Collection Cité internationale de la tapisserie - Studio Nicolas Roger

La porte des mines de la Moria, la voici, justement, révélée dans un format monumental. Mais aussi Rivendell, la demeure de l’elfe Elrond ; et les Montagnes de Brume, et le dragon Smaug veillant son trésor d’or et de pierres précieuses… Quant au mont Taniquetil, l’effet est à couper le souffle. Les arbres de la forêt de Taur-nu-Fuin sont de vrais arbres de Faërie. Ils auraient ravi le romancier, grand amoureux des arbres.

La carte de la Terre du Milieu fut dessinée par Christopher Tolkien à la demande de son père. Tissée en 3,5 x 4,6 mètres, elle est une invitation à l’aventure. Les lissiers ont déployé leur talent à matérialiser des images avec d’antiques techniques pour un résultat moderne. Mais moderne est tellement galvaudé qu’on dirait plutôt : pour un résultat hors du temps. On trouvera dans le catalogue (Lienart, 27 euros) - qui figurera dans toute bibliothèque tolkénienne digne de ce nom - quantité d’informations techniques du plus haut intérêt car, en art, la technique est ce qui permet à la pensée de se matérialiser.

Beleg finds Findling in Taur-na-Fuin © The Tolkien Trust 1973, tapisserie, tissage Ateliers Pinton, Felletin, 2024, Collection Cité internationale de la tapisserie - Studio Nicolas Roger

Le lieu même où sont présentées les œuvres contribue à la mise en valeur. Les murs et les voûtes gothiques du collège des Bernardins révèlent leur pleine capacité décorative. Dans la salle basse, la plate-tombe d’un moine entre tout naturellement en résonance avec l’univers de Tolkien, si médiéval dans son inspiration. Ce sont des tapisseries pour un palais royal - ou pour l’Élysée et un Président qui aurait du goût.

En parallèle, le collège des Bernardins organise un colloque international, mi-mai : « La consonance chrétienne de la Terre du Milieu », autrement dit : « J.R.R. Tolkien et la foi ». Vaste et beau sujet ! Des conférences sont également programmées, qui aborderont les trois aspects complémentaires que Tolkien prêtait aux contes : « la Mystique, tournée vers le Surnaturel ; la Magique, tournée vers la Nature ; et le Miroir du dédain et de la pitié, tourné vers l’Homme ». Qu’il s’agisse d’un conte ou d’un cycle épique, la création artistique est, pour Tolkien, une « petite » création ajoutée à la grande. Ce que sont, à leur tour, ces tapisseries d’Aubusson. Leur beauté accroît celle de notre Terre du Milieu à nous, toujours en péril de technocratie et d’invasion barbare.

• Aubusson tisse Tolkien. Jusqu’au 18 mai 2025, collège des Bernardins, 20, rue de Poissy, Paris Ve. Réservation gratuite (obligatoire) via ce lien.

© Samuel Martin

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Samuel Martin
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