[EXPO] Notre-Dame de Paris : éloge des « Gardiens du Geste », par Laurence Bost

Il n'y a pas de « petits métiers », en ce domaine ; que de beaux métiers où la main est digne de celle des chirurgiens.
Laurence Bost, La restauratrice de dorures. © Samuel Martin
Laurence Bost, La restauratrice de dorures. © Samuel Martin

Les artisans de Notre-Dame ont reçu des hommages mérités au cours du chantier et lors de la cérémonie de réouverture, le week-end des 7 et 8 décembre. Une exposition du musée de la Légion d'honneur prolonge cet hommage et ces remerciements. Pendant les cinq ans qu’ont duré les travaux, la peintre Laurence Bost a transporté son chevalet sur le chantier et dans les ateliers pour fixer sur sa toile les gestes de chacun des nombreux métiers nécessaires à la restauration d’une cathédrale.

Laurence Bost, Taillandier © Gallimard

Tout le monde connaît les tailleurs de pierre, les ébénistes et les charpentiers. Le lustrier, comme son nom l’indique, s’occupe des luminaires. Mais les campanistes, les dinandiers, les rentrayeuses ? Voilà des métiers que les conseillers d’orientation, dans les collèges, ignorent vraisemblablement. Le campaniste s’occupe des cloches. Le dinandier fabrique des ornements en cuivre, étain ou fer-blanc. Le rentrayeur est le restaurateur des tapis et tapisseries. Tous ont besoin d’outils particuliers : le taillandier est là pour, par exemple, fabriquer une doloire. La belle toile qui le représente est un écho à La Forge des frères Le Nain.

Ces artisans et artistes sont là, peints en action, dans le contre-jour de l’atelier où la lumière vient illuminer le geste. Il ne manque personne : ni les doreuses qui restaurent les ornements dorés à la feuille, ni les restaurateurs en tout genre, ni les ornementalistes et les mouleurs qui prennent soin des frises et des statues. Les vitraillistes et les facteurs d’orgues s’activent. Que de savoir-faire ! Que de gestes sûrs ! Que de matériaux mis en œuvre ! S’il fallait une démonstration que les métiers d’art et l’artisanat sont une école d’excellence…

Laurence Bost n’a oublié personne. Le grutier est là, virtuose manœuvrant des charges lourdes dans un environnement périlleux et fragile. Les cordistes, également, suspendus comme des alpinistes le long des parois de pierre. Dans les hauteurs, à quelque 45 mètres, les couvreurs s’activent. À côté de ces gestes immuables, l’artiste a fixé quelques moments clés de la restauration. La dépose des cintres des voûtes, la pose du bouquet en haut de la flèche - ou la galette des rois sur le chantier, avec un échafaudeur couronné… par-dessus son casque.

Laurence Bost, les cintres. Photo © Samuel Martin

Un livre accompagne l’exposition, qui a fait l’objet, il y a quelques jours, d’une case du calendrier de l’Avent de BV. Les œuvres sont commentées de textes de divers auteurs, dont Sylvain Tesson. « Pour moi, la peinture se situe sur un plan supérieur, écrit Laurence Bost. Elle devrait permettre à ceux qui l'approchent (en la pratiquant ou en la regardant) de transcender leur vision du monde, de réveiller en eux l'émotion du Beau, du Bien et du Vrai. »

Les enluminures du Moyen Âge nous ont conservé des images de chantiers, que ce soit de cathédrales, de châteaux ou de la tour de Babel (traitée comme un chantier médiéval). En regardant les toiles de Laurence Bost, il est frappant comme l’essentiel du geste demeure. Certes, les gens d’aujourd’hui portent des casques de chantier, les échafaudages sont métalliques, les grues sont motorisées et quelques appareils électriques sont utilisés. Pour le reste, ce sont les mêmes outils qui sont la prolongation de la main, la même position du corps par rapport à la pierre ou à la poutre. L’éloge du geste est aussi l’éloge d’une tradition des métiers qui a été transmise.

• Les Gardiens du Geste. La restauration de Notre-Dame vue par Laurence Bost. Jusqu’au dimanche 2 mars 2025. Musée de la Légion d’honneur, 2, rue de la Légion-d’honneur, Paris VIIe. Du mercredi au dimanche de 13h à 18h, entrée libre.

Laurence Bost, Dinandier © Gallimard

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Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

4 commentaires

  1. Grand merci pour cet éloge des métiers manuels. Restreindre cet éloge à ceux exploités autour de la reconstruction de Notre Dame serait faire offense à tous les autres métiers. Pour cette raison j’associerai donc à votre magnifique présentation tous les métiers manuels. Lorsque l’on pense que certains voulaient faire de Notre Dame un catalogue de nos prétentions modernes … Quel outrage.

  2. Il est vrai que tous ces artisans ont des compétences hors du commun. Je dis toujours que ces gens là ont de l’amour au bout des doigts. Mais j’estime aussi qu’il n’y a pas de sots métiers, contrairement à ce que nous font croire tous ces enseignants qui tentent « d’interdire » à de « bons élèves » de se diriger vers des métiers manuels et/ou de choisir l’apprentissage. Malheureusement, il y a des sots dans tous les métiers … et c’est bien là le problème.

  3. Ceci est la preuve qu’en France nous avons les meilleurs artisans, les meilleurs ouvriers, ingénieurs, médecins, architectes et paysans. Nous n’avons besoin de personne pour construire nos cathédrales et notre avenir. Ceci est plutôt encourageant pour un Frexit en bon ordre n’en déplaise aux gens convaincus du contraire. Nous sommes le phare du monde et nous n’avons pas expressément besoin des autres.

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