Exposition Art déco : un voyage transatlantique
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Plus qu'une semaine pour visiter la superbe exposition « Art déco : France-Amérique » à la Cité de l'architecture et du patrimoine, à Paris. Riche et pédagogique, elle raconte les échanges qui ont eu lieu entre les États-Unis et la France de 1910 aux années 1940.
Chacun s'intéresse à ce qu'il n'a pas et admire la spécificité de l'autre : au début du XXe siècle, les Américains envient l'architecture séculaire française, tandis que les Français sont ébahis par l'audace tout américaine qui consiste à bâtir des gratte-ciel. Des photomontages de 1928 réalisés par Louis Bonnier illustrent cette imbrication de styles, mêlant sur une même photo imaginaire Notre-Dame de Paris et le Woolworth Building - avec ses gargouilles et ses arcs-boutants - de New York, ou encore les places de la Concorde et de la Madeleine surplombées par de gigantesques gratte-ciel. Et ce rappel de l'historien Louis Réau : « Les gratte-ciel de New York et de Chicago n'ont rien de commun avec l'architecture française moderne et cependant ils sont l'œuvre d'anciens élèves de notre École des beaux-arts. » Un peu plus loin, il ne faut pas manquer une très amusante vidéo de 1931 dans laquelle on voit des architectes déguisés en gratte-ciel qu'ils ont conçus ; la meilleure panoplie revient à William Van Alen, qui a supervisé la construction du Chrysler Building.
Après la Grande Guerre, l'armée américaine décide d'ouvrir une école d'art destinée à occuper les soldats démobilisés, dans l'attente de leur rapatriement. C'est dans une ancienne propriété de la danseuse Isadora Duncan que l'école de Meudon ouvre ses portes. Pas moins de 400 étudiants y reçoivent une formation courte mais intensive, dispensée par des professeurs américains et français. Certains noueront des liens qui les amèneront à collaborer plus tard, comme le Français Jacques Carlu et l'Américain Rene Paul Chambellan qui exécuteront la décoration du grand magasin new-yorkais Stewart and Company. Dans le sillage de l'école de Meudon naît un projet permanent : l'École des beaux-arts américaine de Fontainebleau, dans une des ailes du château.
L'Exposition de 1925 inspire les créateurs
Une partie du parcours revient sur l'Exposition des arts décoratifs et industriels de 1925 à Paris. Les États-Unis y envoient une délégation d'observateurs, accueillis par le président du Conseil Paul Painlevé, qui reviennent émerveillés et pleins d'idées pour concevoir des produits modernes, en mobilier, joaillerie, textile ou encore papier peint. Paris est appelée « the prophetic city » par le journaliste Edgar Miller. On peut observer divers dessins et maquettes de deux paquebots fameux conçus dans la foulée de l'Exposition de 1925 : l'Île-de-France, en 1926, et le Normandie, en 1935.
Les échanges entre les deux continents se manifestent particulièrement dans les arts décoratifs. Les grands magasins américains comme Eaton, Macy's ou Lord & Taylor font appel aux décorateurs français pour rendre leurs boutiques uniques. Les façades ornées de bas-reliefs Art déco marquent les esprits par leur esthétique moderne et élégante. Le design se développe pour les produits de luxe comme les parfums et le maquillage - on en verra une jolie sélection exposée dans une vitrine. De grands couturiers français comme Paul Poiret ou Schiaparelli connaissent un succès retentissant à New York.
Une époque marquée par les défis technologiques
Qui dit échanges dit transports. Plus rapides que les paquebots luxueux, mais aussi plus expérimentaux, les avions se mettent à survoler l'Atlantique. D'abord dans le sens du vent, avec Charles Lindbergh qui relie sans escale New York à Paris en mai 1927, puis dans le sens contraire trois ans plus tard, avec Dieudonné Costes et Maurice Bellonte, à bord d'un Breguet, le bien nommé Point d'interrogation. Les femmes participent à l'aventure de l'aviation avec Amelia Earhart, Hélène Boucher et Maryse Bastié. Des affiches, bustes et maquettes témoignent de l'esprit d'optimisme et d'espoir qui traverse une époque dans laquelle le mot « progrès » résonne toujours de façon positive.
L'exposition s'achève par une présentation des productions, moins luxueuses, des années post-crise de 1929. L'Art déco devient plus populaire et prend forme dans des objets du quotidien aussi divers que le radiateur, la luge ou la machine à écrire.
Chronologique, riche en informations et en œuvres, l'exposition Art déco est à voir - jusqu'au 6 mars - car elle illustre une période riche en collaborations artistiques de l'amitié franco-américaine. À notre époque plus pessimiste, il est toujours bon de se rappeler comment naît et croît l'amitié entre deux peuples, et les fruits que celle-ci produit.
3 commentaires
L’Art Déco ou la pureté des lignes. Plus un style est épuré, plus la pureté des lignes est difficile à réaliser, le moindre défaut est immédiatement visible, au contraire la profusion de détails permet d’en dissimuler les imperfections.
Merci de cette bouffée d’air frais !
Art Nouveau, Art Déco… ces époques de renaissances technique et culturelle dans l’enthousiasme, font rêver aujourd’hui. Où sont nos lendemains qui chantent ?