Face à CNews et à la droite : à gauche, l’irrésistible tentation de la censure

C’est fou, le nombre de chercheurs spécialistes de l’extrême droite, dans le monde universitaire français. Il faudra, un jour, qu’un autre chercheur fasse le compte. Dans une interview à La Croix, Samuel Bouron, maître de conférences en sociologie à l’université Paris-Dauphine-PSL, qui suit le dossier de l’extrême droite « depuis plus de quinze ans », se penche sur « la bataille culturelle » menée par « tout un ensemble d’organisations non partisanes, de groupuscules et d’intellectuels de la nébuleuse identitaire ». Ce chercheur publie en effet un livre appelé à une belle carrière critique dans les médias de la sphère mainstream : Politiser la haine. La bataille culturelle de la droite identitaire (La Dispute, 2025). Pour lui, ces idées progressent. Non pas parce qu’elles sont vraies (cette hypothèse n’est pas étudiée), mais parce qu’en « politisant des faits divers », ces fameuses idées suscitent des « paniques morales chez les gens ».
Régulation ou censure ?
Question de La Croix : « Est-il encore possible de limiter la généralisation de ces idées ? » Cette fois, plus personne ne parle de « bataille culturelle ». Non, c’est autre chose. On est là dans le camp du bien. Et dans le camp du bien, comme on sait, on cherche à « limiter la généralisation de ces idées », par tous les moyens, y compris par une censure pure et simple. Notre chercheur tourne donc autour du concept, sans citer son nom, ou plutôt en le déguisant des oripeaux de « la régulation des médias », dont on vient de voir un exemple frappant avec la disparition de C8 après une vendetta judiciaire inédite. Cela ne semble pas troubler notre chercheur. « Pour moi, la régulation des médias est cruciale, affirme Samuel Bouron. On sait que lorsque l’extrême droite reste infréquentable et que les médias grand public et les partis politiques dominants s’abstiennent de lui offrir une vitrine, elle a peu de chances de devenir crédible pour exercer le pouvoir. » C'est plus clair ainsi. Il suffit donc de la… priver de parole. C’est ce que fait la Belgique, avec la mise en place d’un « cordon sanitaire politique et médiatique », explique notre chercheur. On piétine là toutes les bases de la liberté d’expression, elles-mêmes fondatrices de la démocratie. Mais voilà, « l’extrême droite ne peut être considérée comme une famille politique comme une autre, dans la mesure où elle est incompatible avec un État de droit et les valeurs démocratiques ». Boum ! La boucle est bouclée. Pas de démocratie pour ceux que les tenants de la pensée unique ont rangés, sans contestation possible, parmi les ennemis de la démocratie.
La conclusion est logique : « Il est aujourd’hui impératif de mener une réflexion collective pour définir quel espace médiatique nous voulons, afin de prendre soin de notre démocratie », assure Samuel Bouron. CNews ou BV auront-ils leur place dans cet « espace médiatique » ? On ne le jurerait pas... En clair, il faut museler, bâillonner, interdire, censurer, punir, mais attention, c’est pour votre bien, pour « prendre soin de notre démocratie ». Le pénétrant Alexis de Tocqueville écrivait : « Les despotes eux-mêmes ne nient pas que la liberté ne soit excellente ; seulement ils ne la veulent que pour eux-mêmes, et ils soutiennent que tous les autres en sont indignes tout à fait. »
Ces nouveaux habits de la censure recouvrent un corps de pensée vieux comme la gauche. Sans remonter aux charmes de l’Union soviétique qui séduisirent tant la sphère intellectuelle française des années 1950 et après (l’Union soviétique exprime l’intérêt du peuple, celui qui s’y oppose lutte donc contre son propre intérêt, manifestant ainsi sa… folie. On lui réserve donc l’asile psychiatrique), tout un courant de gauche brandit les ciseaux aujourd’hui comme un oriflamme.
L’idéologue d’extrême gauche Geoffroy de Lagasnerie allait jusqu’au bout de l’idée, le 30 septembre 2020, sur France Inter : « J'assume totalement le fait qu'il faille reproduire un certain nombre de censures dans l'espace public, pour rétablir un espace où les opinions justes prennent le pouvoir sur les opinions injustes. »
« Hors de l'humanité »
Dans une autre mouture, plus réglementaire, le DSA [Digital Services Act/Règlement sur les services numériques, NDLR] cher à l’UE et à l’ex-commissaire Thierry Breton, qui menace toujours clairement la plate-forme X de bannissement, relève de la même philosophie. Cette pensée facile – interdire la droite de parole – n’a, en réalité, jamais tout à fait quitté la gauche : des décennies durant, les journalistes patriotes furent absents des grands médias. Venu du Figaro, Zemmour s’imposa, seul, presque par effraction, malgré les polémiques et les pétitions exigeant son renvoi de l’émission On n’est pas couché, sur France 2. Cette « faute » (le recrutement de Zemmour) fut et reste durement reprochée à son Pygmalion Laurent Ruquier, jusqu’à aujourd’hui.
En 2014, invitée sur le plateau de Thierry Ardisson à la sortie de son livre majeur Les Maîtres censeurs (JC Lattès), Élisabeth Levy expliquait qu’elle avait du respect pour ses contradicteurs et qu’elle les pensait sincères : « Mais ils ont un petit défaut, expliquait-elle. Quand vous n’êtes pas d’accord avec eux ou quand vous contestez le cœur de ce qu’ils disent, vous êtes un ennemi absolu, vous êtes un nazi, un facho un révisionniste, vous êtes hors de l’humanité. » Logiquement, il devient donc urgent, non de vous contredire mais de vous faire taire, de gré ou de force. Voire de vous coffrer, comme le pratique le pouvoir algérien vis-à-vis de Boualem Sansal ? En 2025, les mêmes « maîtres censeurs » sont toujours là, le bâillon dans une main, la muselière dans l’autre, l'exemple chinois en tête, face à un paysage médiatique dominé par les réseaux sociaux. Un paysage… un peu trop libre.
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Un commentaire
A quand un épidémiologiste spécialiste en gauchisme pour étudier la pandémie de cérébrogôchisme chez le « chercheur expert » ? Est-ce endémique ? Y a t-il un facteur chromosomique déterminant ? Comment le cérébrogôchisme a-t-il fini par se transmettre aux enseignants ? Le pangolin est-il vecteur de contamination ?