Face aux violences de L214, des éleveurs et des professionnels de la viande déterrent la hache de guerre

église campagne

C’est un jeune agriculteur, tête ronde, épaules rondes, accent du terroir. Il est mal à l’aise, posé sur un tabouret dans un appartement parisien mobilisé pour une conférence de presse. Ce 10 février, Guillaume Divanach, 24 ans, a quitté pour Paris son élevage de vaches laitières et de porcs en Bretagne. Il raconte ce jour où il s’est levé à l’aube pour soigner ses bêtes. « J’ai grandi dans la ferme, dit-il, en malaxant ses larges mains. J’ai découvert cela dans la pénombre. » Cela ? Deux inscriptions bombées en lettres énormes et noires sur ses bâtiments : « Élevage = nazisme » et, plus loin, « Auschwitz n’a jamais fermé ». « J’ai compris tout de suite qui était venu, dit-il. J’en ai pleuré de tristesse et de colère. Il y a eu des larmes dans la famille. On aime nos animaux… », explique-t-il. Il n’est pas le seul à avoir subi cette violence.

En 2019, les agriculteurs français ont compté une intrusion par semaine, avant que la pandémie ne fasse baisser les chiffres. « Cela fait trente ans que j’exerce, raconte Michel Bloc’h, lui aussi éleveur laitier et de porcs en Bretagne. Mon fils de 20 ans reprend. La ferme a toujours été ouverte, mais maintenant, on cadenasse les élevages. »

Cette fois, des agriculteurs prennent le taureau par les cornes. Enfin ! Venus pour la plupart de Bretagne mais ouverts à d’autres régions, un groupe de professionnels de l’alimentaire a créé une association, Les Z’Homnivores qui veut défendre « la liberté alimentaire ». Un an durant, elle a tenté de rencontrer des agriculteurs « visités ». Quelques-uns témoignent à visage couvert dans un court film. Les mains caleuses tremblent, les voix se voilent.

Cette profession solitaire, qui se bat seule contre les éléments et des conditions de marché très difficiles, est passée du camp des professionnels reconnus à celui des criminels désignés ! Elle ne s’y attendait pas. Les agriculteurs ne sont pas toujours assez forts pour le supporter. « Il y a une sorte de psychose, raconte Michel Bloc’h, éleveur de porcs et de vaches laitières et président de l’UGPVD. Quand l’alarme sonne la nuit [durant les mises bas, NDLR], ma femme n’y va plus. ». Il se lève et surveille ses bêtes.

C’est peu dire que la profession n’était pas préparée à faire face à ces associations violentes, aux batailles idéologiques et aux luttes d’image qu’elles déclenchent sur les réseaux et dans les milieux associatifs ou politiques. Isolés dans leurs fermes, les agriculteurs sont projetés dans une guerre qui les dépasse. Selon Les Z’Homnivores, L214 a reçu plus de 3 millions de dollars de dons de la part de l’organisme américain Open Philanthropy Project, entre 2017 et 2019. Ils s’ajoutent aux nombreux dons venus de France ou des États-Unis. En France, l’association dispose de 7 millions d’euros de budget annuel et de 7 millions d’euros de réserves. L214 emploie 76 salariés, soit 55 équivalents plein-temps, et reçoit le financement de 125 entreprises via des dons défiscalisés. Les Z’Homnivores ont étudié leurs modes d’actions, enseignés par des militants venus spécialement des États-Unis : dénigrer un élevage sur la base d’images chocs, concentrer les attaques (2.000 militants vont, par exemple, appeler une entreprise le même jour pour jeter la panique) et s’attaquer aux élus pour exiger leur allégeance à la doctrine animaliste. « Ils jouent sur la culpabilité, explique Yves Fantou, dirigeant des entreprises Fantou et président délégué de Culture Viande. La personne du standard culpabilise, les enfants des agriculteurs ou des entreprises agroalimentaires concernées sont saisis par la honte. » Et ils multiplient les actions.

« C’est une machine de guerre », estime Jean-Baptiste Moreau. Cet agriculteur, élu député LREM de la Creuse, est la bête noire des animalistes. Habitué des articles à charge, il affirme avoir reçu des menaces de mort. L214 a invité à visiter son élevage. « Propagande, manipulation des foules, c’est de l’anti-humanisme et c’est fascisant », martèle-t-il. Quand ils en auront fini « avec les élevages hors-sol, ils s’attaqueront aux vaches dans les prés, affirme Jean-Baptiste Moreau. Leur but, c’est la fin de l’élevage. Plus d’éleveurs, plus d’élevage, des forêts partout. » Il cite Peter Singer, le théoricien de l’antispécisme, favorable à des expérimentations médicales sur des enfants en mauvaise santé ou sur des vieillards plutôt que sur des animaux… « Les mêmes sont favorables à la viande artificielle fabriquée en laboratoire », dénonce-t-il.

L214 applique la technique de la roue à cliquet ou du garrot. Chaque avancée est sécurisée, pas de retour en arrière possible, et aussitôt suivie d’un nouvel objectif.

Mais ces élevages sont-ils tous irréprochables ? Bien sûr que non, répond Jean-Baptiste Moreau. Il y a des cas particuliers, minoritaires qui servent de prétexte. Les services vétérinaires contrôlent et font alors leur travail, selon lui. Ils classent les élevages selon trois catégories A, B ou C, les élevages classés en C sont fermés. Ces agriculteurs accusent clairement les militants de manipuler les images. « Oui, il y a des morts dans nos élevages : si on filme le bac à équarrissage, ce n’est pas beau. ». Le paysan suit le cycle de la vie, assiste aux naissances et aux morts de ses bêtes. Un spectacle insoutenable dans une société qui a écarté ces images. « Autrefois, on allait en famille à la campagne aux veillées mortuaires, raconte Michel Bloc’h. Aujourd’hui, la mise en bière est cachée. Ces gens ne veulent plus voir la mort en face. ». Ils préfèrent rêver de transhumanisme et de vie éternelle.

Au fond, le choc provoqué par les vidéos de L214 s’explique : « Ils ont brisé un tabou, ils ont filmé la mort, poursuit Michel Bloc’h. Daech a fait la même chose pour les humains. Mais lorsqu’on tuait un poulet, ma grand-mère me disait : “Les enfants, ne venez pas !” Je crois que ces images-là ne se filment pas. ». Il défend la ferme France, la ferme familiale qui reste compétitive, contre les laboratoires. L’élevage moyen, en France, compte une centaine de bêtes : en Australie, un élevage peut compter 60.000 bovins. En tuant les fermes françaises, on offre le marché France à ces élevages industriels. Un comble !

Ces agriculteurs sont ouverts à des conversations avec ceux qu’ils appellent les welfaristes, comme WWF, qui cherchent l’amélioration du bien-être animal. « Ils sont rationnels, on peut avancer, dit Jean-Baptiste Moreau. Les autres veulent notre disparition. » Et exploitent les sentiments de citadins qui projettent volontiers sur les animaux d’élevage le sentiment qu’ils portent à leurs animaux de compagnie. Mais L214 cache soigneusement ses objectifs finaux, la disparition de tout élevage, et reste discrète sur son opposition aux animaux de compagnie.

La consommation de viande baisse depuis 30 ans, c’est une tendance lourde de la société : « On n’a pas besoin, en plus, de ces intoxications et de cette violence insupportables », dit Jean-Baptiste Moreau. Face à ces puissances financières disposant de relais puissants qui militent pour la disparition des éleveurs en France, les éleveurs jouent leur survie. Les Français ouvriront-ils les yeux à temps ? La question se pose crûment en pleine campagne présidentielle.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

90 commentaires

  1. Dans un feuilleton sur TF1 (ici tout commence) une poignée de jeunes apprentis cuisiniers exigent que leur école cesse d’acheter la viande dans un élevage « dénoncé » par un ancien ouvrier licencié. Comme cela ne va pas assez vite à leur yeux ils vident les frigo arrosent la viande de javel et la jettent dans les bennes. Belle propagande pour ces malades qui se trompent de combat.

  2. Bizarrement cette assos nuisible et destructrice ne s’attaque pas à l’abattage halal , la connivence avec cette religion éclate au grand jour , ces assos au même titre que les écolos sont des mondialistes destructeurs de notre civilisation .

  3. L’humain est omnivore (comme le cochon d’ailleurs) il a besoin de protéines animales pour un bon équilibre de son alimentation. Il faut faire fermer les élevages industriels, mais faire confiance (avec des contrôles bien entendu) aux éleveurs français et à la taille familiale des exploitations. Le cycle de la vie c’est la naissance, la vie, puis la mort qui existe pour TOUT le vivant. Il faut veiller au bien être animal durant sa vie, et à une mort respectueuse de la souffrance des animaux

  4. Cette association se rend t-elle dans les abattoirs Halal, à Meaux (77) par exemple ? Soutient-elle le Docteur Alain De Peretti ? ou se contente-t-elle lâchement d’attaquer des boucheries ou des élevages isolés ?

  5. Le fond de l’affaire, c’est le fric : l’idée est de remplacer les agriculteurs, artisans indépendants, par une agriculture industrielle, maîtrisée par les grands groupes financiers en quête de nouveaux profits. La viande chimique est pour bientôt !

    • Comme pour les fruits, les céréales, les légumes, quelques variétés stérilisés dont est obligés de racheter les graines chaque années.

  6. Enfin dernière précision : les images de mort évoquées, exploitées par L214, sont celles de cadavres de poules parmi les poules vivantes et qui pourrissent souvent parmi elles, sans être retirées, les cadavres de porcelets, amoncelés après avoir été tapés cruellement parce que ne répondant pas aux « normes » ou trop faibles pour être commercialisés. Le marché de la viande est moche et rien ne sert de s’agiter pour le cacher. Ceci dit, respect aux éleveurs traditionnels où les animaux sont libres.

  7. Ce sont les USA et donc leur dictature économique mondialiste qui sont à l’origine de ces attaques et qui les finance, et en Europe, ce sont leurs serviteurs libéraux.
    Leur seul objectif est la réorientation du marché de la viande vers des industries de type australien.
    La violence faite aux animaux n’est qu’un honteux prétexte malhonnête.
    Sinon ils parleraient d’abord du rituel islamiste de l’abattage halal.

  8. Votre titre est mensonger puisque L214 ne commet pas d’actes de violence.
    De plus, vous faites passer les éleveurs pour des victimes sans défense, alors qu’ils ont largement les moyens de s’organiser en associations professionelles.
    Autrement dit, vous pratiquez la même technique de victimisation que vous reprochez à d’autres.

  9.  » Ils jouent sur la culpabilité ». Pas du tout. Ils jouent sur l’intimidation, la violence et la peur selon le bon vieux triptyque du trotskisme mafieux.
    « En tuant les fermes françaises, on offre le marché France à ces élevages industriels. Un comble ». Ce n’est pas un comble, c’est le but recherché. 7 millions d’€ de budget, il faut que ça rapporte.

  10. Ceux qui aiment consommer de la viande devraient être d’accord pour demander la fin des élevages industriels : producteurs de mal-bouffe, de viande de mauvaise qualité, non seulement par le stress mais aussi en raison des produits toxiques qui y sont imposés pour raison sanitaire. Il faut comprendre que des milliers de poules entassées – ou de porcs – représentent un risque sanitaire de pandémie… Et seuls des produits puissants peuvent empêcher la propagation des maladies chez ces animaux.

    • mais  » on comprends tout çà » Madame, et  » on le conteste » néanmoins çà ne donne aucune légitimité à ces aggresseurs patentés qui s’en prennent à des élevages et des éleveurs qui aiment et traitent correctement leurs animaux – ces gens là ne s’attaquent pas aux productions de masses que vous décrivez, ils s’attaquent aux petits producteurs, ceux qui font de la qualitée, ceux qui travaillent sans compter leur peine et leurs heures, ceux qui font qu’en France on a une  » gastronomie » !

  11. Comme toujours votre article manque d’objectivité. Ceux qui agressent les élevages traditionnels relèvent-ils de L 214 ? Ce dont je suis sûre et qui prouve la maltraitante animale ce sont les photos prises dans les élevages industriels : truies entravées leur vie durant par des barreaux de fer, empêchant tout mouvement, même allaitante, poulets génétiquement modifiés, à l’engraissement si rapide que leur squelette ne leur permet plus d’en supporter le poids, abus qu’il faut dénoncer !

  12. Comme pour le reste, ceci est une histoire de groupe de pression (lobbying en bon français). Pour que ça cesse, il convient de dissoudre ces associations financées et de poursuivre les financeurs et surtout, arrêter de les subventionner pour de l’argent publique. Le deuxièmes axe de lutte réside dans la promotion du localisme et dire NON une fois pour toute aux viandes transgeniques américaines…

  13. L214 ferait mieux de s’attaquer à ceux qui égorgent les moutons pour un rituel religieux ignoble !
    Nos agriculteurs éleveurs sont respectueux de leurs animaux et n’en déplaise aux végans stupides l’homme est omnivore donc mange de la viande animale pour avoir des protéines sans celles ci nous tombons malades !

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