Fake news du Média : le lycéen « bourgeois » de l’Émission politique n’habite pas Neuilly mais le 93
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La scène se déroule sur le plateau de "L’Émission politique" de France 2. Deux lycéens ont été choisis pour questionner le ministre de l’Éducation. L’un est en terminale, l’autre en première, et tous deux, sans doute légitimement émus de cette première intervention télévisée, sont bien coiffés et portent, pour l’occasion, une chemise et une veste.
Et voilà que, derrière son poste, par un tweet ironique, le site Le Média, proche comme l'on sait de Jean-Luc Mélenchon, pouffe de rire, se tape sur les cuisses, se paie la tête des deux adolescents, citant le refrain - éculé jusqu’à l’écœurement - des Inconnus : "Auteuil, Neuilly, Passy, c’est pas du gâteau, Auteuil, Neuilly, Passy, tel est notre ghetto."
Sauf que Le Média vient de commettre une fake news, sur une matière pourtant aisément vérifiable puisque le compte Twitter de "L’Émission politique" donnait obligeamment l’info : l’un des garçons fréquente un établissement de Villemomble, l’autre de Chartres. La Seine-Saint-Denis et l’Eure-et-Loir, la banlieue populaire et la petite ville de province, le 93 et la France périphérique. On est loin du triangle NAP, comme on appelait, dans les années 80, les quartiers chics de l’Ouest parisien. Mais qu’importe, Le Média continue de véhiculer lourdement ses clichés, non seulement aujourd’hui dénués de sens, mais même aux antipodes de la réalité. Rappelons que les frères Bernanos, impliqués dans l’incendie de la voiture de policiers en mai 2016, étaient des "ultras de bonne famille", pour citer L’Express, attifés comme des antifas, bien sûr, mais habitant le XIVe. Le bourgeois est comme le moine : ce n’est pas l’habit qui le fait.
Je crois l’avoir déjà écrit ici (pardon de radoter), mais cultiver le style débraillé n’est pas la marque du prolo mais le snobisme du bobo. Son privilège, l’apanage de ceux qui appartiennent à la jeunesse dorée et peuvent se permettre de se hâter avec lenteur dans leur cursus, papa et maman assurant le gîte et le couvert. Car si l’étudiant parisien peut, sans dommage, cultiver un look recherché de punk à chien mâtiné de révolutionnaire cubain, le serveur de restaurant et l’employé de charcuterie ne peuvent s’offrir les mêmes fantaisies.
Les codes vestimentaires ont été, comme le reste, brouillés, et le comble du mauvais goût serait au contraire, aujourd'hui, d’avoir l’air propret et endimanché. Telle candide grand-mère de mes connaissances - et c’est une histoire vraie - aurait donné de bon cœur deux euros - tenez, mon brave, vous irez vous acheter un sandwich - à Pascal Obispo, hirsute, mal rasé, les pieds dans des savates trouées, qui attendait derrière elle dans la Maison de la presse du Cap-Ferret, si sa petite-fille de 18 ans, épouvantée, ne l’en avait empêchée…
Le vérité est que ce sujet, aussi, aurait pu - aurait dû ? - être abordé par Jean-Michel Blanquer, en cette émission politique. Comme les mots et les gestes, la façon de se vêtir envoie des signaux. Connaître les règles de savoir-vivre élémentaires - et les appliquer - n’est pas qu’une convention mais la moindre des politesses. Et leur transmission fait cruellement défaut dans les établissements, avec les conséquences que l'on sait… depuis si longtemps que les profs de maintenant, adolescents d’hier devenus grands, semblent ignorer qu’être habillés correctement et non comme un éternel militant de l’UNEF pourrait, qui sait, les aider à se faire respecter.
Un proviseur ou des parents bien avisés ont, sans doute, convaincu ces lycéens qu’avoir le privilège de dialoguer, devant la France réunie, avec un membre du gouvernement exigeait de ne pas être sapé n’importe comment. Et voilà qu’ils se font moquer d’eux, railler, traiter de « bourges » parce qu’un média irresponsable les a jetés en pâture sur les réseaux sociaux. Il est probable qu’on ne les y reprendra plus. Beau résultat.
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