Il en faut, du culot, pour se déclarer insoumis, constructif, audacieux, populaire…
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On peut vouloir refaire le monde comme chaque génération y aspire, si on suit Albert Camus.
On peut modestement souhaiter qu'il ne se défasse pas, en allant dans le sens d'Alain Finkielkraut.
On peut aussi le tourner en dérision et s'assigner la tâche de moquer des ridicules qui ont au moins le mérite de nous éviter de prendre trop au sérieux, par exemple, la sphère politique, ses illusions et ses réflexes.
La France insoumise, France audacieuse, Libres !, Les Constructifs, Les Populaires, Les Républicains, La République en marche, etc. Quel magnifique programme, et comme ces sigles sont bien choisis pour donner l'illusion que le nom correspond à la substance, la façade à l'intérieur !
Ce n'est pas rien que de se décréter insoumis, audacieux, libre, constructif, républicain, mobile ou même populaire. De prêter ainsi ces vertus fondamentales à des structures qui, à l'évidence, vont être plus accablées que stimulées par ces prestigieuses qualifications.
On pourrait ne pas s'appesantir et considérer que tout cela fait partie de la règle du jeu, personne n'étant dupe. Les insoumis sauraient qu'ils ne sont pas moins soumis et ligotés que les autres, les audacieux qu'il leur arrive de manquer de courage, les libres qu'ils se plient à des dépendances, les républicains qu'ils lorgnent parfois du côté du muscle démocratique, les populaires qu'ils frôlent par instants le mauvais populisme, les constructifs que l'opportunisme les a pris dans ses rets.
Dans la classe politique, ce serait une comédie générale qui ne tromperait aucun élu, aucun député, aucun responsable de courant, de clan ou de faction : la magie du mot, de l'adjectif pour qu'il y ait au moins une lumière projetée de l'extérieur sur un contenu qu'on perçoit médiocre, en tout cas décalé par rapport à ses espérances.
On a surtout la conviction que l'audace, la liberté, l'insoumission ainsi affichées mobiliseront le citoyen qui, naïf, prendra au pied de la lettre, de l'hyperbole l'ornement dont se sera paré son parti ou son groupe préféré.
Si un seul adhère parce qu'il a cru à la splendeur du sigle, si d'autres sont tentés de se fonder sur l'apparence, si certains trouvent de l'allure à ces pieux mensonges démocratiques et les valident, le jeu républicain en vaut la chandelle.
Mais acceptons aussi l'idée que, de bonne foi, Jean-Luc Mélenchon, Christian Estrosi, Valérie Pécresse, Thierry Solère, Guillaume Peltier aient pu proclamer les exigences de l'insoumission, de l'audace, de la liberté, de la construction et du populaire en faisant plus qu'y croire, en se servant d'eux pour leur ressembler dans leur pratique le moins mal possible ! Comme un rêve à concrétiser, un horizon à atteindre, une promesse à tenir, d'abord à l'égard de soi.
Peut-être ai-je eu tort de songer, même fugacement, à rire de ces paroxysmes car, à les supposer purs affichages, il n'est tout de même pas neutre de les avoir choisis. Ils ne peuvent que pousser la politique vers le meilleur.
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