« Il faut exclure le terrorisme de la compétence de la CEDH ! »

À l'instar de Valérie Boyer, qui a dénoncé dans l'Hémicycle les dérives de la Cour européenne des droits de l'homme, Julien Aubert s'insurge contre la CEDH qui impose sa vision alors que, sur les sujets de terrorisme, il y a un consensus politique au niveau national.

Julien Aubert, votre collègue Valérie Boyer a dénoncé dans l’Hémicycle les dérives de la Cour européenne des droits de l’homme. "Nous devons renégocier les conditions de saisine de la CEDH sur les questions de sécurité nationale et de terrorisme", a-t-elle déclaré. Partagez-vous cette analyse ?

C’est une analyse que je partage totalement. J’ai d’ailleurs déposé, pas plus tard qu’aujourd’hui, une proposition de résolution appelant à dénoncer le protocole numéro 11 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit de saisine individuel afin d’exclure les questions de terrorisme de la compétence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Je rappelle, à ce sujet, que la France a été condamnée récemment parce que nous avons voulu extrader un terroriste vers l’Algérie. Et ce n’est pas la première fois.

De Gaulle et Pompidou avaient refusé, à l’époque, de ratifier la Convention. C’est Alain Poher, pendant son intérim, qui l’avait fait. Ne faudrait-il pas, finalement, revenir au gaullisme et sortir de la CEDH ?

C’est l’utilité qui m’intéresse. Le problème, ici, est qu’il y a d’un côté le texte et de l’autre la Cour. Nous avons signé le texte dans les années 50. Mais nous n’avons reconnu la compétence de la Cour que très tardivement. C’est, d’ailleurs, Alain Poher qui a profité de son intérim pour la reconnaître. Par la suite, nous l’avons progressivement élargie avec le recours individuel.
La France ne doit pas apparaître politiquement comme un pays qui estimerait que la question des droits de l’homme tirée du texte de la Convention elle-même serait aujourd’hui dépassée. Nous appartenons à la patrie des droits de l’homme. Assumons-le !
En revanche, de mon point de vue, le vrai problème est l’interprétation que fait ladite Cour de ce texte. On pourrait, effectivement, sortir de la Convention, mais j’espère qu’on pourrait obtenir le même résultat, notamment pour les questions de sécurité nationale, en excluant ce droit de recours individuel. Ce serait, ainsi, nos juridictions qui, pour les questions de terrorisme, appliqueraient la Convention européenne des droits de l’homme en application des articles 54 et 55 de la Constitution.

Valérie Boyer a également pris la GPA en exemple. C’est, évidemment, un autre sujet, mais cette solution permettrait-elle de couper court à ce problème ?

Le problème de la GPA est un sujet qui se pose évidemment au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme qui ne nous protège pas.
Le sujet est différent dans la mesure où il n’y a pas de consensus national. En revanche, sur les sujets de terrorisme, il y a un consensus politique au niveau français. Par conséquent, c’est la Cour européenne qui nous impose sa vision.
Une partie de la classe politique française estime que la PMA et la GPA sont une grande avancée technologique ou technique et un grand progrès social.
On ne peut pas dire que je suis très fan de la jurisprudence de la CEDH, mais je me dis qu’on va l’obliger à lui envoyer un coup de semonce en se retirant en cas de terrorisme. On verra, ensuite, si cela suffit ou non. Si, à la fin, nous n’obtenons de cette institution aucun changement de politique, alors il faudra effectivement en arriver à l’arme lourde qu’est le retrait.
Concernant la PMA et la GPA, même si nous nous retirons de la Convention européenne ou que nous dénoncons le droit au recours individuel, je crains que nous ayons quand même un problème au niveau national. Il faut donc, d’abord, gagner la bataille au plan national pour montrer que la GPA est une forme de marchandisation de la femme.

Plus largement, on a l’impression que, chez Les Républicains, il y a toujours cette espèce de guerre interne entre, d’un côté, ceux qui seraient fédéralistes, et ceux qui seraient plus partisans d’une Europe des États-nations de l’autre.
Pensez-vous qu’à l’approche des européennes, Les Républicains pourront un jour parler d’une seule voix et porter un seul message à ce sujet-là ?

Le débat est-il réellement entre fédéralisme et Europe des États-nations ?
C’est plus compliqué que cela. Les fédéralistes ne sont pas si nombreux. En revanche, depuis trente ans, nombreux sont ceux qui ont arrêté de réfléchir au sujet européen. Ils réagissent de manière pavlovienne en faveur d’une politique qui encourage le fédéralisme, tout en ne le souhaitant pas au fond d’eux. Par paresse intellectuelle, ils ont arrêté de rétablir la cohérence de la réflexion. Et ils se laissent un peu emporter comme des feuilles mortes.
La complexité est de faire sortir de l’apathie et de l’indifférence une partie des cadres des Républicains pour avoir un débat sur la finalité de l’Union européenne. Sur le degré de finalité de l’Union européenne, je pense qu’il y a beaucoup de gens qui sont favorables à une Europe d’États-nations. Mais ils ne souhaitent pas passer pour des anti-Européens. Je pense que les lignes sont en train de se clarifier et que nous pouvons y arriver. Le consensus a évolué. Et la génération qui a suivi un peu docilement le mouvement sans trop se poser de questions est devenue minoritaire.

Julien Aubert
Julien Aubert
Député de la 5e circonscription de #Vaucluse

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