Faut-il forcément se réjouir de la condamnation de Nicolas Sarkozy ?
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Pour le magistrat honoraire Philippe Bilger, interrogé en ces colonnes, la condamnation de Nicolas Sarkozy à trois ans de prison, dont un ferme, n’a rien d’un « coup de tonnerre ». Voilà qui peut s’entendre, sachant qu’un président de la République, même si ayant quitté ses fonctions, demeure un justiciable comme les autres. D’aucuns se féliciteront encore que la justice puisse indifféremment s’appliquer aux plus forts comme aux plus modestes.
À ceux-là, il est pourtant légitime de rétorquer que même un ancien Président continue d’incarner l’image de la France et que cette dernière peut se trouver plus qu’écornée vis-à-vis du vaste monde ; lequel, on le sait, encore plus qu’avant, n’est pas régi que par le « doux commerce », la « concurrence loyale et non faussée » et autre « main invisible du marché », concepts si chers aux théoriciens de la fin de l’Histoire. Pareillement, le désir maladif de « transparence », autre concept importé des pays anglo-saxons et protestants, serait-il devenu une fin en soi ? Et si oui, est-ce forcément une bonne nouvelle ? Il est à craindre que non.
Il est encore licite de s’interroger sur le pouvoir que se sont arrogé les juges du PNF, parquet national financier, consistant à intervenir à tous propos dans la vie politique française. D’ailleurs, ce pouvoir, ils ne l’ont pas conquis, c’est l’Élysée qui le leur a abandonné, le 10 avril 2013, en créant à la va-vite cette institution, empiétant sur les prérogatives de la section financière du parquet de Paris. À l’époque, François Hollande est ébranlé par l’affaire Jérôme Cahuzac, ministre délégué au Budget et homme fort de son gouvernement. Il faut faire vite et bien ; soit la meilleure manière de faire n’importe quoi. Car c’est ainsi que ces dix-sept magistrats, au lieu de simplement rendre la justice, se sont senti pousser des âmes de justiciers ; la preuve par une autre affaire, celle touchant François Fillon, en 2017 et en pleine campagne présidentielle.
En effet, quelles qu’aient pu être les turpitudes, réelles ou supposées, de l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, force est de reconnaître que, pour une fois, la Justice – enfin, celle du PNF – a fait preuve d’une singulière diligence.
Quand il s’agit de faire rouler des têtes, se risquera-t-on à prétendre que le PNF a les siennes ? Ce serait aller vite en besogne, les dix-sept magistrats en question n’étant probablement pas tous de gauche, quoiqu’on n’en connaisse peu, ou pas, à se revendiquer de droite. Et Le Point du 25 février dernier de noter : « Le PNF se saisit d’office de révélations de presse dans l’affaire Fillon, mais n’ouvre aucune enquête contre Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, alors que la réalité de l’emploi fictif de son épouse, du temps où il était député, fait également les gros titres. »
Ensuite, il y a l’art et la manière. Les écoutes téléphoniques pratiquées sur les conversations entre Nicolas Sarkozy et ses avocats. Pour Éric Dupond-Moretti, actuel garde des Sceaux, il ne s’agissait ni plus ni moins que de « méthodes de barbouzes », tandis que les avocats de l’ancien président de la République évoquaient « une violation du secret de l’instruction ». Manifestement, le PNF n’a tenu aucun compte de ces observations, pas tout à fait anodines, au moment de rendre son verdict.
Et voilà qui pose une dernière question, au-delà des arguties juridiques de tel ou tel : qui détient, aujourd’hui, le pouvoir en France ? Évidemment pas le peuple, même si nos dirigeants se targuent de démocratie, ce même peuple ayant voté non au référendum de 2005 sur l’Europe avant que tout ne continue comme avant. Pas le monde politique non plus, pourtant à peu près démocratiquement élu, la preuve par ses mises en examen à répétition.
Alors, les juges, ou, tout du moins, certains d’entre eux ? C’est à croire.
Il n’y a sûrement pas matière à s’en réjouir.
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