Faut-il légaliser le cannabis ? Rendons à l’Orient ce qui lui appartient
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Rendons gloire à nos ancêtres et à leurs bacchanales sous les treilles, les grappes et les pampres. Rendons aussi hommage aux banquets gaulois, aux cornes remplies de cervoise et de potions magiques.
Les peuples issus du monde gréco-romain sont des peuples du vin. Ceux issus du monde celtique, germain et nordique, sont des peuples de la bière. En mélangeant ces deux liquides dans un cratère antique qui s’appelle aujourd’hui un « shaker », on obtient un cocktail unique : la civilisation occidentale. L’alcool est une des composantes de notre culture commune. Ce bon camarade et ce meilleur ennemi nous ouvre les portes de l’amitié, du contact, de la parole, de la poésie mais aussi des excès et des querelles. C’est un excitant qui nous permet de sortir de nous-mêmes, pour le meilleur et pour le pire.
Les peuples orientaux sont des peuples de la drogue. Pavots du Triangle d’or et d’Afghanistan, kif du Maghreb, haschich d’Arabie… Là-bas aussi, les hommes aiment se réunir mais la fête y a un autre sens : la contemplation et les paroles rares, énigmatiques et austères… Ces drogues sont des stupéfiants qui leur permettent de rentrer en eux-mêmes sans les pousser à l’action. Inch’Allah ou la roue de Samsara, même combat.
La passion orientaliste du XIXe siècle a fait le pont entre ces deux univers. Les croisières du haschich et de l’opium se sont calquées sur les routes de la soie et des courants de la mer Rouge. Nos élites avaient des appétits d'ailleurs. Ce n’étaient plus les épices qu’ils convoitaient mais des substances plus actives, plus transcendantes. Nos poètes rimbaldiens et nos aventuriers à la Pierre Loti jouaient sur les deux tableaux, du verre d’absinthe aux harems, narguilés et pipes de porcelaine en positions du Lotus bleu. « Tout le charme de l’Orient, moitié loukoum, moitié ciguë, l’indolence et la cruauté… en somme, le Coran alternatif », comme le disait Michel Audiard.
Aujourd’hui, en terre de France, comme un marronnier aux feuilles exotiques, on nous ressert le même plat réchauffé. Faut-il légaliser le cannabis ?
En mettant de côté la trivialité des étroits aspects économiques et le rocher de Sisyphe que pousse la police en une lutte sans fin, baisser le pavillon reviendrait à faire soumission, à s’acculturer à des coutumes et des dépendances qui ne sont pas les nôtres. Ce n’est pas qu’une question de toxicité et de santé publique, mais surtout une façon d’être au monde, car si l’homme occidental est plutôt un homme de l’action, l’homme oriental est surtout un homme de la contemplation. Un véritable choix de société qui a beaucoup d’incidences !
Au sujet de l’antagonisme entre ces deux attitudes, il existe, bien sûr, des exceptions qui n’infirment pas la règle : la Pythie respirait des effluves suspects, assoupie dans son temple de Delphes, tandis que les haschischins du « Vieux de la montagne » partaient en commandos chiites pour des assassinats terroristes… hyperactifs.
Alors, rendons à l’Orient ce qui lui appartient et contentons-nous de nos artifices coutumiers et bien assimilés que nous utilisons pour nous connecter à autre chose que nous-mêmes. Pour ceux qui croient au ciel, il y a le vin de messe, et pour ceux qui n’y croient pas, proclamons avec modération en entendant André Breton : « Je préfère le vin d’ici à l’au-delà. »
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