Faut-il ne pas naître ou mourir à temps ? Les « boutades » écolos font froid dans le dos

Laure Noualhat

La scène se déroule dans le cadre feutré de « C ce soir », une émission de débat vespérale à vocation « intellectuelle » de France 5. Le service public, donc.

Le sujet du débat porte sur ces fameux « 8 milliards d’hommes » agités comme un épouvantail depuis quelques jours. On s’attendait, donc, à l'habituel développement malthusien. Il ne faut plus avoir d’enfants, on vous dit ! D’enfants européens, s’entend. Car comme l’explique Sandrine Rousseau, « le ventre des femmes africaines n’est pas un problème ». Seul le ventre des femmes européennes, donc, en est un. Puisque d’aucuns doivent se dévouer pour ne plus procréer, il faut que ce soit nous. Parce que nous sommes coupables, forcément coupables, comme dirait Marguerite Duras. À force de l’entendre, nous nous sommes habitués. La première fois qu’Yves Cochet l’a assené, dans L’Obs, ça nous a fait tout drôle - l’Europe connaît un hiver démographique, loin de lutter, il faudrait apporter en sus des canons à neige ? -, mais c'est comme pour tout, nous nous y sommes résignés. Par médias interposés, des mères de famille nombreuses épuisées se font régulièrement traiter d’égoïstes par de pimpantes célibataires altruistes, forcément altruistes, qui, elles, ont pensé à la planète. Tout est normal.

Mais l’affaire ne s’arrête pas là, car il y a l'autre bout de la vie.

Il ne suffit pas de ne pas naître. Encore faut-il mourir à temps. C’est ce qu’explique tranquillement, légèrement, comme si c’était drôle - « c’est pour rigoler que je dis ça ! » -, Laure Noualhat. Pour cette« ancienne journaliste à Libération, engagée en faveur de la protection de l’environnement, autrice et réalisatrice de documentaires », comme la présente Le Monde où elle a son rond de serviette, un reportage pour le média Reporterre a sonné comme une révélation : « Les personnes âgées au-delà de 60 ans en Europe ont un bilan carbone important, et un mode de consommation hérité des Trente Glorieuses, des habitudes auxquelles on ne renonce pas. »

D'ailleurs, rajoute Laure Noualhat, tout cela n’est pas seulement une question de « limite planétaire » mais aussi de « confort de vie ». Pour votre confort, mourez à temps. Attention, la dame précise quand même aussitôt qu’elle n’est « pas là pour dire on va supprimer les enfants et les vieux ». Rires jaunes un peu gênés sur le plateau.


Dans une vidéo publiée par L’Obs, en décembre 2018, Laure Noualhat avait déclaré « politiser son ventre vide ». Afin de lutter contre ce qu’elle appelle la « surpopullulation » (sic), elle avait décidé de ne pas avoir d'enfant et affirmait, ainsi, « faire du bien à la planète et aux enfants qu’elles ne faisait pas » (resic). De la même façon, les vieux, en mourant à temps, font donc du bien à la planète mais aussi à eux-mêmes. Au moins sont-ils priés de le croire.

C’est un renversement copernicien de l’écologie, qui n’est plus la défense de l’environnement. Car l’environnement est fait pour environner. Sans son objet - c’est à dire l’Homme à protéger, au centre de la nature, selon l’anthropologie chrétienne, qui doit réciproquement protéger la nature parce qu’elle le sert -, l’environnement n'est rien. Comme tente de le rappeler la jeune journaliste du Figaro Aziliz Le Corre, présente sur le plateau, l’écologie n’est pas le culte rendu à la Terre, sorte de déesse Gaïa, à laquelle on offrirait en expiation des sacrifices humains.

La phrase de Jean Bodin « Il n’est de richesses que d’hommes » est devenue blasphème. Comme de rappeler que c’est en domestiquant la nature, par son génie, que l’homme a pu se nourrir et survivre. Et que rien n’empêche de penser que nos descendants trouveront à leur tour d’autres ressources pour satisfaire leurs besoins.

D’aucuns diront que l’écolo radicale Laure Noualhat est une excitée autant qu’une exception. Sauf que ses invitations dans tous les médias mainstream montrent son admission tacite dans le cercle des gens raisonnables. Et le projet de constitutionnalisation de l’IVG, comme celui, à peine plus lointain, de légalisation de l’euthanasie mettent tous deux, comme Laure Noualhat, un curseur sur la valeur d’une vie en mesurant son rapport utilité/nuisance.

Le premier âge et le grand âge, les plus fragiles, sont menacés. « Les vieux sont tous des c..., disait Coluche, on devrait les tuer à la naissance. » Un peu comme les boutades de Laure Noualhat, cela ne fait finalement plus tellement rire.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

65 commentaires

  1. N’était ce pas Bernard Attali qui disait à peu près la même chose mais qui a bien oublié de se l’appliquer. Tous ces malades ont plus leur place à l’asile que sur les plateaux télé.

  2. Je ne ferai pas un seul – et je dis bien pas un seul – geste pour la planète tant que n’aura pas été résolu le problème de la démographie africaine galopante…

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