Faut-il payer l’impôt sur le revenu dès le premier euro ?
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Les membres du gouvernement tirent à hue et à dia. À la suite du grand débat, chaque ministre ou secrétaire d’État soumet publiquement sa petite proposition personnelle aux médias. Celle-ci fait généralement le buzz. Les médias la commentent et la décortiquent. Puis, au bout de quelques heures, le Premier ministre indique que la proposition n’engage que son ministre et nullement le gouvernement. Le soufflé retombe aussitôt.
C’est ce qui s’est passé avec la suggestion de Mme Gourault, ministre de la Cohésion des territoires (le titre de son ministère est vraiment étrange !). Elle préconise de faire payer l’impôt sur le revenu à tous dès le premier euro de revenu. Bien sûr, les sommes versées par les plus modestes seraient faibles mais, par principe, personne ne serait écarté de l’impôt sur le revenu. Celui-ci a une puissance symbolique plus forte que les autres taxes, car il est un des seuls à être progressif avec l’IFI et l’impôt sur les successions. Il est, aussi, déséquilibré puisque seuls 43 % des contribuables le payent, et que 40 % des 75 milliards récoltés sont fournis par les 2 % les plus riches. Mme Gourault, pour compenser (idéologiquement) cette aggravation de l’imposition des plus pauvres, propose d’ailleurs la création d’une nouvelle tranche au-delà des 43 %, ce qui aggraverait le déséquilibre constaté.
L’impôt sur le revenu pour tous est une idée déjà émise à de nombreuses reprises dans le passé et elle est très populaire. Selon un sondage du Figaro, 8 % des lecteurs du quotidien approuvent cette mesure. De même, la création d’une nouvelle tranche sonne agréablement aux oreilles de beaucoup de Français, toujours prêts à faire rendre gorge aux « riches. » Cependant, le Premier ministre a mis aussitôt le holà. Il avait déjà expliqué, en début d’année, que les classes défavorisées payaient déjà dès le premier euro un impôt sur le revenu avec la CSG.
Qui a raison, entre M. Philippe et Mme Gourault ? D’abord, si on fait payer l’impôt sur le revenu dès le premier euro perçu, il faudrait augmenter d’autant tous les revenus sous peine de voir éclater une nouvelle fronde des gilets jaunes. Ensuite, actuellement, le contribuable qui doit moins de 61 euros d’impôt sur le revenu n’est pas prélevé. Percevoir 5 millions de fois 30 euros est un non-sens économique, même si le prélèvement à la source rend les petites opérations de taxation plus faciles. Enfin, la CSG est sans conteste la part fixe de l’impôt sur le revenu, une flat tax, puisque le taux est le même quel que soit le revenu. La TVA est également payée par tous. La symbolique voulue par Mme Gourault, l’universalité de l’impôt, est déjà en place ; la position de M. Philippe me paraît être, donc, de bon sens. En fait, le grand danger serait de moduler la CSG suivant les revenus et d’en dispenser les plus modestes. Si la gauche revient un jour au pouvoir (hypothèse qu’on ne peut écarter), cette réforme désastreuse pour la cohésion de la nation sera inévitablement à l’ordre du jour.
La solution n’est pas de faire payer l’impôt sur le revenu au premier euro mais de prendre en compte tous les revenus quels qu’ils soient (RSA, allocations familiales, d’invalidité, allocations journalières) et de baisser les taux pour tenir compte de cet élargissement de l’assiette. Ceux qui font l’effort de travailler gagnent, certes, plus que ceux qui vivent des minima sociaux, mais leur avantage est rogné par les impôts qu’ils doivent payer sur leurs revenus. La réforme que je propose corrigerait ce désavantage.
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