Faut-il rendre à l’Algérie le burnous d’Abd el-Kader ?

Abd el-Kader Bugeaud

Du côté du président algérien Abdelmadjid Tebboune, les choses sont claires : il ne mettra pas les pieds en France tant que celle-ci n’aura pas rendu à l’Algérie l’épée et le burnous de l’émir Abd el-Kader. Une condition clairement exprimée, fin 2023, par le ministre des Affaires étrangères algérien Ahmed Attaf. La question des restitutions « décoloniales » (il faudrait que l’Europe « rende tout », sans faire acception du droit ni du fait que, souvent, des œuvres, des objets furent achetés ou offerts) se tend davantage dès lors qu’il s’agit de la France et de l’Algérie. De la prise de la smalah d’Abd el-Kader aux accords d’Évian, le passif est lourd ; et la réécriture de l’Histoire encore plus radicale.

Le musée de Condé est concerné au premier chef par ces questions, puisqu’il fut fondé par le duc d’Aumale, qui opéra cette prise et qui en rapporta moults objets. Mais faut-il rendre le sabre qui était un cadeau de Louis-Philippe ? Faut-il rendre les manuscrits, dont une part avait été piquée à d’autres tribus par les troupes de l’émir ? Rebaptisé « caftan », sans doute pour ne faire suer personne, le burnous est au musée de l’Armée (dans les réserves, précise à BV le musée, sans nous répondre sur la question de la restitution). Le burnous avait été offert à la France par… un fils d’Abd el-Kader. Pourquoi reviendrait-il à l’Algérie?

Le destin hors normes d’Abd el-Kader

L’émir Abd el-Kader se battit contre la France avec bravoure et intelligence. Non moins intelligent, Bugeaud lui emprunta ses méthodes (celles que les wokistes lui reprochent d’avoir employées). Abd el-Kader perdit. Il fut beau joueur avec une hauteur d’âme et une intelligence qu’on chercherait en vain chez les dirigeants algériens actuels. Mais la monarchie de Juillet lui fit un sale coup : contrairement à ce qui avait été convenu lors de sa reddition, elle l’emmena de force en France en 1847. L’émir et ses proches séjournèrent au fort Lamalgue (Toulon), au château de Pau ou au château d’Amboise (1848-1852). La IIe République n’a pas plus relâché l’émir, c’est le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte qui le fit.

Il s’ensuivra une véritable amitié entre Napoléon III et Abd el-Kader, entre celui-ci et la France. Fervent musulman, l’émir est curieux de l’Occident. En 1860, à Damas où il s’est réfugié, il défend les chrétiens contre les persécutions druzes, protégeant des civils, des religieuses… Cet Algérien-là, historique, n’a que peu à voir avec la version officielle et antifrançaise, sinon anti-occidentale, qu’en donne aujourd’hui l’Algérie.

Témoin de la popularité de l’émir, la ville d’Amboise fêtait encore, en 1939 le souvenir de celui qui avait passé quatre ans au château. Samuel Buchwalder, chargé de communication du château d’Amboise, confirme à BV ce lien très fort. « C’est un personnage charismatique qui a marqué beaucoup de monde à Amboise au XIXe siècle. Sa résidence surveillée était assez lâche et lui permettait de sortir et de lier des amitiés avec la population. » Et côté restitutions ? « Nous ne possédons aucun des éléments liés aux restitutions, assure le chargé de communication du château d’Amboise. Actuellement, le château retravaille la scénographie. À la fin de l’année, toute une salle sera réaménagée en son honneur. À l’extérieur, l’élément phare est le jardin d’Orient : le cimetière musulman où sont inhumées des personnes de la suite de l’émir décédées pendant son séjour. » Des musulmans viennent s’y recueillir et admirer « le monument édifié par souscription des Amboisiens en hommage à l’émir quand il a été libéré. On mesure leur attachement », conclut Samuel Buchwalder.

Et si l’Algérie rendait les pensions aux descendants d’Abd el-Kader?

La France a déjà restitué à l’Algérie, en juillet 2020, les crânes de 24 combattants anticoloniaux. En réalité, seulement six des crânes étaient réellement identifiables comme tels, selon le New York Times. Mais l’administration Macron avait voulu aller vite, avec une complaisance douteuse. C’est tout le problème. Après tout, on pourrait envisager, au cas par cas, des restitutions - sans avoir le couteau sous la gorge. Mais elles se font sous pression wokiste et « décoloniale », dans la crainte et la culpabilité, comme se sont faites trop souvent les décolonisations elles-mêmes. Et sans contreparties aucune. Pourquoi la République ne demande-t-elle pas à l’Algérie le remboursement des pensions qui furent annuellement versées aux descendants de l’émir, de 1884 aux années soixante ? Généreuse République, mère des allocations ! Même sous l’Occupation, exsangue, l’État français ne dérogea pas à ce versement. Au budget de 1944 de l’État français figuraient 503.000 francs « pour la famille d’Abd el-Kader »

Même sous l'Occupation, les descendants d'Abd el-Kader touchèrent leur pension (L’Œuvre, 22 janvier 1944).

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

47 commentaires

  1. Dans la requête du président Tebbounn est-il précisé qu’au titre de la réciprocité, son pays s’engage à restituer tous les « trop-perçus » par ses anciens-combattants « centenaires », auxquels la France à tant versée de pensions ?…
    Sans oublier les arriérés des soins médicaux non acquittés par son prédecesseur Bouteflicka et d’autres membres « importants » du FLN qui venaient se faire soigner dans ce pays de colonisateurs, opresseurs, durant tant d’années…
    Et bien d’autres aides financières outrageusement offertes à ceux-là mêmes qui font crever de faim leur peuple !…

  2. Mais il faut au plus vite rendre à l’Algérie l’épée et le burnous d’Abd el-Kader, et tout aussi vite rendre à l’
    Algérie tous les Algériens qui sont en France, car ils y sont très malheureux, et y souffrent terriblement.

  3. Les élections approchent. Leur rendre avec – bien sur – une cérémonie protocolaire, en mentant sur l’histoire et en ajoutant moult courbettes serait un grand signe d’allégeance et une démonstration pour ceux ayant le droit de vote.

  4. Il faudrait surtout leur rendre leurs ressortissants. Si en prime ils veulent le burnous d’Abd el-Kader, pourquoi pas?

  5. Enfin quelqu’un qui connait l’histoire !!! Et qui donne une leçon à ces incultes politique de tout bord, Algérie comprise !
    Bravo et un grand MERCI, Monsieur Samuel MARTIN pour votre page d’histoire qui remet les pendules à l’heure !
    Suivez mon regard…..

  6. « La question des restitutions « décoloniales » (il faudrait que l’Europe « rende tout ». Y compris les millions d’Algériens vivant en Europe, légalement ou non? Chiche!

  7. Profitons-en ! Gardons les reliques et ce triste sire ne viendra plus jamais souiller le sol sacré de notre patrie !

  8. Si la conservation de ce bout de tissus peu nous garantir de l’éloignement de tebboune, alors gardons le ! Par contre on pourrait renvoyer pas mal de descendants d’abd el kadder au pays !

  9. D’après leurs historiens, soutenus pas LFI, ils auraient apportés à Paris, à dos d’hommes, les poutrelles ayant servi à la construction de la Tour Eiffel et les auraient hissés au sommet à la seule force de leurs bras.
    Doit-on les leur rendre ? Si oui, avant ou après les JO ?

  10. Rendons leurs aussi leurs délinquants et leurs terroristes et qu’ils remboursent ce qu’ils ont coûtes a la France depuis 1830

  11. Je m’excuse mais tous ces béni oui oui de la repentance et les sbires de Mélenchon commencent vraiment à nous casser les pieds pour être poli.

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