« Féminicides » : quand les mots ne disent plus les choses

Le samedi 6 juillet, un rassemblement s’est tenu à Paris pour demander au gouvernement de reconnaître officiellement les féminicides. Non pas au singulier mais au pluriel, en ces temps de langue inclusive. Pour mieux distiller cette dernière, il faut le poids des mots et le choc des photos. Ce n’est, donc, pas un hasard si des comédiennes comme la triste humoriste Muriel Robin (connue, à présent, pour ses crises de nerf à la télé) se sont mises en première ligne dans ce nouveau combat. « Combien coûte la vie d’une femme ? », demande-t-elle, avec véhémence, au Président Macron.

Deux jours avant, le quotidien Libération avait titré en une : « Féminicides, Halte au massacre » et, en introduction, « Chaque année, 220.000 femmes sont victimes de violences de la part de leur conjoint. 107 sont mortes en 2018. » Prise de court par un plan de communication bien rodé (par, entre autres, Caroline De Haas, pour qui « un homme sur deux ou trois est un agresseur », en février 2018), la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, se sent obligée de réagir dans le JDD du 7 juillet : elle annonce, à la hâte, un « Grenelle des violences conjugales » en septembre.

Pourtant, au-delà de la condamnation naturelle contre toute forme de violence à l’endroit du « sexe faible », il convient de prendre conscience qu’un nouveau totem crée toujours, inconsciemment, un nouveau tabou. Parce que, sous couvert de réponse au cri d’alerte des familles des victimes, plusieurs associations féministes entendent imposer ce concept dans les esprits : un nouveau mot pour une nouvelle législation. Le terme « homicide » – signifiant, stricto sensu, « assassinat » ou « meurtre » – aurait le vilain défaut de mettre en exergue l’homme comme genre sexuel, et non comme espèce singulière parmi les vivants. Voilà un projet qui a pris forme dès le 20 juin dernier, devant le Panthéon, selon la mise en scène suivante : des femmes allongées sur le sol, certains membres du corps en sang, et entourées, chacune, par leur silhouette dessinée à la craie blanche, cette pratique étant habituelle lorsque débute toute enquête criminelle. Une image pour une idée : induire le fait que l’homme peut, volontairement, tuer une femme parce qu’elle en est précisément une.

Au final, l’homme – d’abord celui d’origine indo-européenne et de plus de trente ans – serait porteur d’un instinct meurtrier à l’endroit de la Femme. En attendant, le ministre de la Justice, Nicole Belloubet, promet une législation plus adaptée : la généralisation du bracelet électronique pour tous ces hommes susceptibles de passer à l’acte. Une véritable guerre des mots pour provoquer une fausse guerre des sexes.

Mais pourquoi en est-on arrivé là ? À partir de l’avènement des Lumières, la mort de Dieu – celle du dieu personnel de l’ordre judéo-chrétien – a introduit une béance dans l’inconscient collectif européen. Le XXe avait déifié l’État, le XXIe siècle déifie ou bien la femme, ou bien l’enfant, ou bien l’animal, ou bien le végétal… En d’autres termes, la société individualiste, pour qui tout se vend et tout s’achète, ne peut que se choisir, selon les cas ou les humeurs, un totem de circonstance. Aujourd’hui, c’est la femme ; demain, ce sera le robot.

Alors, au nom d’une course à l’échalote conforme aux directives du laboratoire d’idées Terra Nova (Projet 2012, Contribution n° 1) vers toutes les minorités possibles et imaginables, la voie est pleinement ouverte à la surenchère. Assurément, on ne badine pas avec l’angoisse.

Henri Feng
Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

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