Feuilleton : Zorro, ce que vaut la nouvelle adaptation avec Jean Dujardin

zorro

Quand on a grandi avec la série télé produite par Disney en 1957, dans laquelle Guy Williams tenait le rôle principal, on a tendance à oublier que Zorro est, avant tout, un vieux feuilleton illustré paru dans la presse américaine. Imaginé par Johnston McCulley en 1919, le justicier masqué incarnait, à l’époque, les valeurs de la noblesse espagnole de Californie confrontée, dans les années 1820, aux abus des dirigeants mexicains, malhonnêtes et cruels à l’égard des paysans locaux. De quoi légitimer, a posteriori, la guerre américano-mexicaine de 1846-1848 et le traité de Guadalupe Hidalgo. Lequel entérina la conquête définitive de la Californie, du Nevada, de l’Utah, du Colorado, du Wyoming, du Nouveau-Mexique et de l’Arizona. Zorro ne fut donc pas une création totalement innocente ou dépourvue d’arrière-fond idéologique.

Adapté au cinéma et à la télévision à plus de cinquante reprises, Zorro a droit aujourd’hui à une énième itération, coproduite par Paramount+ et France Télévision. Sa diffusion sur le service public est prévue dans les prochains mois, mais les épisodes sont d’ores et déjà disponibles sur la plateforme américaine.

Créé par Benjamin Charbit et Noé Debré, ce nouveau feuilleton en huit épisodes de quarante minutes, marque le retour sur le petit écran de Jean Dujardin, vingt ans après la fin de la série Un gars, une fille.

L’intrigue se déroule en 1821, à la mort du maire vieillissant de Los Angeles. Son fils, Don Diego de la Vega, décide de prendre sa succession et d’entamer d’importants travaux pour améliorer les infrastructures de la ville. Hélas, c’est sans compter sur Don Emmanuel, un riche propriétaire foncier et entrepreneur local auprès duquel la population s’est massivement endettée.

Don Diego de la Vega n’a donc plus d’autre choix que d’enfiler son costume de Zorro, remisé depuis vingt ans dans sa cave. Cependant, à son grand désarroi, le jeune maire s’aperçoit que son épouse Gabriella, tombée sous le charme du justicier, commence peu à peu à le délaisser…

La dictature du second degré

Très soignée sur le plan esthétique, avec son générique inspiré, ses décors et ses costumes, cette nouvelle version de Zorro adopte un ton résolument plus ironique que les précédentes et, par conséquent, risque de perdre bien des spectateurs en cours de route… Jean Dujardin oblige, le cavalier masqué n’est plus tout à fait ce héros intrépide, juste et vertueux que nous connaissions mais un homme égocentrique, pleurnicheur, immature et peu responsable. En somme, un homme moderne, en pleine crise existentielle, davantage préoccupé par l’état de son couple que par celui de la société. Exit donc le modèle de rectitude morale et de bonté auquel nous étions habitués, Zorro n’est plus qu’un objet de dérision, très éloigné de ce qu’avait imaginé son auteur d’origine. À croire, décidément, qu’il est impossible, dans une fiction française, d’assumer pleinement la figure du héros vertueux sans finir par céder à la dictature du sempiternel « second degré ».

Néanmoins réussi – selon le cahier des charges qu’il s’est fixé –, ce feuilleton propose un casting alléchant. On pense à André Dussollier, à la trop rare Audrey Dana (espiègle et naïve à la fois), et surtout à Grégory Gadebois dans une composition originale du sergent Garcia, profileur bouddhiste et philosophe sentimental à ses heures perdues (!). Jean Dujardin, lui, fait du Jean Dujardin. Il faut aimer le personnage pour savoir apprécier pleinement ce feuilleton…

3 étoiles sur 5

Pierre Marcellesi
Pierre Marcellesi
Chroniqueur cinéma à BV, diplômé de l'Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle (ESRA) et maîtrise de cinéma à l'Université de Paris Nanterre

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