Fin de vie : l’hypocrisie d’Emmanuel Macron a ouvert la porte à toutes les dérives

©shutterstock_1016600908
©shutterstock_1016600908

« Aujourd'hui, nous venons de faire un pas de plus dans l'horreur... La commission spéciale de l’Assemblée nationale sur la fin de vie a adopté un amendement qui fait sauter le critère du pronostic vital en le remplaçant par "une affection grave et incurable en stade avancé ou terminal". […] Cela veut-il dire que les personnes avec un handicap lourd, comme moi, seront éligibles ? Je commence à craindre pour ma vie. » Sur son compte LinkedIn, Louis Bouffard, étudiant en droit atteint de la myopathie de Duchenne - un handicap qui le prive de l’usage de ses facultés motrices et qui l’oblige à avoir recours à une assistance respiratoire -, s’inquiétait du texte adopté, ce 18 mai, par les députés de la commission spéciale sur la fin de vie. Ce texte fait en effet sauter les derniers garde-fous du projet de loi initialement déposé par le gouvernement.

 

Les derniers verrous ont sauté

 

Fini, le texte « d’équilibre » promis par le ministre de la Santé Catherine Vautrin. Adieu, l’aide active à mourir « sous certaines conditions strictes » voulue par Emmanuel Macron. Après près de 100 heures de débat en commission spéciale sur la fin de vie, les députés ont adopté à main levée un texte qui fait sauter les derniers verrous éthiques et ouvre un accès beaucoup plus large et permissif à l’euthanasie et au suicide assisté. Dans sa nouvelle version, le projet de loi de fin de vie ne prévoit plus de réserver le suicide assisté - ou l’euthanasie - aux patients atteints d’une maladie incurable dont le pronostic vital est engagé à moyen ou court terme, comme le voulait l’exécutif, mais ouvre l’aide active à mourir aux personnes atteintes d’une « affection grave et incurable en phase avancée ou terminale ». Il n’est donc désormais plus question d’un projet de loi sur la fin de vie au sens littéral du terme, dès lors que ce nouveau texte pourrait également concerner les patients atteints de maladie chronique ou de cancer à un stade « avancé » mais qui ont pour autant plusieurs années d’espérance de vie.

Autre changement, et non des moindres : la proposition du texte initial qui entendait faire du suicide assisté - la personne s’injecte elle-même la dose létale - la norme, et de l’euthanasie - recours d’un tiers pour injecter la dose létale - l’exception, a été retoquée. Un amendement adopté prévoit dorénavant de laisser le choix au patient entre ces deux modalités. Cela ferait de la France l’un des pays les plus permissifs en matière d’aide à mourir.

La question du plein discernement du patient qui demande le suicide assisté, ultime garde-fou prévu par l’exécutif pour se prémunir des abus, a lui aussi été balayé. Le texte modifié et adopté en commission spéciale autorise désormais à inscrire une demande d’euthanasie sur les directives anticipées - volontés écrites du patient que le médecin se doit de respecter si le malade n’est plus conscient ou en état de faire valoir clairement sa volonté. Mais qui peut anticiper une telle demande avant d’être confronté à la maladie ?

À cela s’ajoutent des délais de réflexion assouplis, une collégialité remise en cause et, surtout, un délit d’entrave à l’aide à mourir. Alors qu’Annie Vidal, députée Renaissance, proposait la création d’un délit d’incitation à l’aide active à mourir afin de préserver les plus vulnérables, c’est finalement un délit d’entrave, proposition d’une députée de La France insoumise, qui a été retenu. « Que les groupuscules intégristes soient avertis, ils s’exposent à un an de prison et 15.000 € d’amende s’ils veulent entraver le droit d’une personne d’accéder à l’aide à mourir ! » prévient Danielle Simonnet, députée LFI de Paris. Une disposition qui remet totalement en cause la prévention du suicide...

 

La responsabilité du gouvernement 

 

Les craintes des personnes vulnérables, comme celles exprimées par Louis Bouffard, rejoignent celles d’une partie de l’opposition et de nombreux soignants. Une vingtaine d’organisations de soignants ont décidé de « lancer l’alerte ». « En moins de cinq jours, les députés de la commission spéciale ont davantage élargi l’accès à la mort provoquée que ne l’ont fait les deux pays les plus permissifs sur l’aide à mourir, la Belgique en vingt-deux ans et le Canada en huit ans », dénoncent ces collectifs, qui redoutent une remise en cause de leur vision du soin et du « devoir fondamental de l'humanité de ne pas provoquer la mort ». Comme eux, Emmanuel Hirsch, professeur émérite de médecine, se dit, au micro d’Europe 1, « révulsé par ce qu’on est en train de faire de l’éthique ». De nombreux élus des Républicains s’inquiètent, eux aussi, de ce texte qui, comme le résume Bruno Retailleau, « va mettre en insécurité tous les malades et vulnérables ».

L’exécutif aura beau dire que son texte était un texte d’équilibre, force est de constater qu’il a ouvert la boîte de Pandore. En proposant un texte sur l’aide active à mourir aux contours flous et à la sémantique trompeuse, Emmanuel Macron a ouvert la porte aux abus des militants de l’euthanasie.

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

43 commentaires

  1. Délit d entrave , est ce à dire que moi en tant que soignant je risque la prison si je refuse d injecter le produit letal ?

  2. Que voulez-vous dans un esprit torturé que se croit « Mozart de la finance », permettre à la sécurité sociale et aux mutuelles de faire plusieurs dizaines de milliards d’économie en autorisant le départ programmé de plusieurs dizaines de milliers de vieillards un peu malades, c’est un drôle de « coup », n’est-ce pas ?.

  3. C’est le complément logique de l’avortement. Les rescapés de l’aspirateur ne couperont pas à l’injection létale. Et bien entendu, les « celles-et-ceux » qui auraient le mauvais esprit de tenter de s’opposer au crime organisé seront justiciables, et lourdement condamnés. Vous vous étonnez, ensuite, que des collégiens se suicident ? No future, mec…

  4. Aujourd’hui les vieux ,demain les handicapés,demain qui encore .? Ce sont des projets et idées infâmes et abjectes …dignes d’un esprit très torturé..souvenons-nous…

  5. Il n’était qu’à regarder ce que les feministes et leurs soumis ont fait de l’avortement voulu par Simone Veil pour savoir ce que sera l’euthanasie. Deux œuvres de mort légales, constitutionnelle pour l’une. , et tellement appréciées des français que toute critique est interdite de peur de les éloigner de ce progrès social.

  6. C’était prévisible et peut être prémédité.
    Quelle horreur…il fallait s’y attendre.

  7. Tout ce que Macron touche est hypocrite, et finit en catastrophe.
    Même la vie et la mort !

    • À noter chez lui une fascination pour la destruction et la mort, assez inquiétante.

  8. En 1982 on débattait sur l’abolition de la peine de mort pour les criminels. Et on a supprimé cette disposition. Aujourd’hui, un jeune président veut créer le droit de tuer. Il est au dessus des grands principes de notre civilisation et une foule de faux-culs le suit.

  9. D’abord 1984 et maintenant Soleil vert, les films d’anticipation de l’époque se rejouent aujourd’hui dans la réalité. Triste siècle.

  10. C’est un sujet trop intime pour que l’Etat puisse intervenir dans la vie des personnes
    C’est un gouvernement qui privilégie plutôt la mort que la vie ! Pathétique !

    • Oui. Chacun son terminus de vie ; l’Etat n’a pas à s’en mêler, même dans les hôpitaux publics . Au fait, l’amuseuse publique sur le retour , elle en est où ?

  11. Si je comprends bien, la vie n’est plus sacrée ! La vie ne vaut rien mais rien ne vaut la vie (Malraux)
    Le serment d’Hippocrate est bafoué , on légalise un « geste criminel » du soignant !
    Si un de mes proches était dans un état désespéré, je serais là pour l’accompagner jusqu’au bout par Amour et non pour « l’achever » pour abréger ses souffrances !

  12.  » l’hypocrisie d’Emmanuel Macron a ouvert la porte à toutes les dérives  » tout est dit dans cette seule phrase .

  13. Cette commission spéciale est-elle composée uniquement de députés de gauche? Cela devient n’importe quoi. Du droit a mourir, il ne faudra pas beaucoup d’années pour passer à l’incitation à mourir pour les malades qui ne pourront pas payer ou à des commissions qui décideront, vue votre état de santé (et vos idées) s’il vous êtes obligés d’accepter l’aide à mourir. Ils sont devenus fous. Ca fait peur.

    • Si l’un de mes proches souffrait le martyr jet que les soins palliatifs sont inopérants e me poserais la question
      de mettre fin à cette indignité. Mais je sais que ça pose un cas de conscience ÉNORME. Il ne faut pas être seul à décider et surtout avoir un amour énorme.

      • Souffrir n’est pas une indignité. Tout d’abord parce que cela se traite, mais parce qu’un être humain est digne de vivre et d’être aimé jusqu’à la dernière minute de sa vie. Je le sais non seulement parce que je l’ai appris, mais parce que, au niveau professionnel, je l’ai vécu auprès de mes patients pendant de très nombreuses années, tant à l’hôpital (en tant que Praticien hospitalier) qu’à domicile!
        Si la prise en charge est bien faite, avec des personnes qui aiment leurs patients et une famille aimante, jamais j’ai vu un malade demander la mort. La famille oui, comme si l’indignité c’était elle qui la subissait. Certains de mes collègues ont vu des malades demander l’euthanasie pour « faire plaisir à leur famille »! Un gros câlin et ces malades n’en ont plus envie!

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois