Fin de vie : un vrai tabou, la grande misère des soins palliatifs

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C’est une loi qui date du siècle dernier : le 9 juin 1999 était votée à l’unanimité la loi visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs. Elle stipule en son article 1er alinéas A et B que « toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement » et que « les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. »

25 ans après, ce droit dont devraient bénéficier tous les malades en fin de vie est-il pleinement respecté en France ? Assurément non.

Interviewée ce mardi sur Europe 1, le docteur Ségolène Perruchio, chef du service de soins palliatifs du Centre hospitalier de Rives de Seine et vice-présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), rappelle la vraie urgence en matière de fin de vie et ancre dans la réalité les termes du débat : « On sait accompagner correctement les malades pour peu qu’on nous en donne les moyens. Le premier scandale, c’est qu’un patient aujourd’hui en France qui devrait bénéficier de soins palliatifs ne peut pas en bénéficier. C’est un rapport de la Cour des comptes qui le dit. »

21 départements sans centre de soins palliatifs

En effet, ce projet de loi sur l’euthanasie et le suicide assisté est l’occasion de (re)découvrir la grande misère des soins palliatifs français. 21 départements sont totalement dépourvus d’unités de soins palliatifs, que ne peuvent remplacer les équipes mobiles qui interviennent à domicile, dans les hôpitaux ou les EHPAD, ou les services hospitaliers non spécialisés. Interrogé à l’antenne d’Europe 1, Olivier Polidori, médecin dans une unité mobile de soins palliatifs dans l’Indre, avertit : « Certains soins ne pourront pas être forcément faits et l'expertise ne sera pas forcément bonne. Pour la douleur, nous utilisons des antalgiques, mais certains ne sont maîtrisés que dans les CHU. »

Concrètement, cela signifie, selon Europe 1, que la France dispose d’à peine 2,8 lits pour 100.000 habitants quand il en faudrait au moins 5 pour 100.000 habitants. Sans une révolution des soins palliatifs, la France s’enfoncera à coup sûr dans une culture euthanasique : comment peut-on le nier, quand on sait que selon les projections de l’INED, la France comptera plus de 125.000 centenaires en 2050 ?

Un dangereux précédent

Claire Fourcade, médecin en unité de soins palliatifs et présidente de la SFAP, détaille dans Le Figaro l’hypocrisie d’une telle loi où « le vrai choix du patient n’est qu’une cynique entourloupe : les soins palliatifs étaient pourtant censés être la priorité des priorités. [...] On nous annonce une unité de soins palliatifs dans chaque département alors même que les unités actuelles ont du mal à survivre. »

Le 11 mars, un collectifs d’associations de soins palliatifs a publié un communiqué de presse qui montre, outre leur colère et leur tristesse, leur lucidité au sujet de cette loi : « [Le Président] emploie également un procédé rhétorique visant à minimiser la capacité à accompagner la vie dans la dignité. Qui justifierait le bien-fondé de l’aide à mourir, pour mieux masquer l’insuffisance en soins palliatifs. »

Un « procédé rhétorique », pour ne pas dire un mensonge, repris dans les colonnes de La Dépêche par Jean-Luc Romero, militant historique en faveur de l’euthanasie : « La loi actuelle laisse sur le côté plein de gens qu'on ne peut pas soulager psychiquement et physiquement. Des douleurs insupportables qui concernent plusieurs dizaines de milliers de Français chaque année. » Il conclut : « Le droit de mourir devrait être constitutionnel, comme l'IVG. »

Après le permis légal de tuer, son inscription dans la Constitution ? Le vote de la semaine dernière a décidément créé un dangereux précédent.

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Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

Vos commentaires

13 commentaires

  1. Les soins palliatifs vont être supprimés là où ils existent, une petite piqûre finale sera bien moins coûteuse et à la moindre hospitalisation d’une personne de plus de 80 ans, on lui détectera une maladie terrible et incurable..il faut faire des économies.

  2. Allez, encore un peu de patience, Mesdames et Messieurs, une bonne petite guerre mondiale, comme semble nous y emmener notre président, réglera bientôt le problème !

  3. Manque de moyens comme partout dans ce pays .Le peuple le plus taxé mais qui n’en profite pas Macron a d’autres priorités que le bien de son peuple qui n’est bon qu’a payer .

    • Mais où passe notre argent? De plus en plus de taxes et d’impôts divers et de moins en moins de services, fermetures de bureaux de poste et de commissariats de quartiers et de nombreux services. De plus en plus de fonctionnaires à des postes moins utiles qui, à 16h.30 ne décrochent plus le téléphone. Les parlementaires, eux, augmentent leurs… »indemnités »…et les cabinets ministériels où se succèdent tous ceux qui auront une rente à vie même s’ils n’y sont restés que quelques jours…La liste est trop longue. Il faut assainir notre Pays et évincer tous ces profiteurs.

  4. La seule chose que Macron va laisser c’est la mort assistée. En France on tue les futurs enfants et on va tuer les personnes fragiles ou trop âgées sous le prétexte de fin assistée. On sait comment ces lois sont détournées. Soins assistés, il faudrait déjà que la douleur soit traitée convenablement et avec autre chose que du doliprane sur une intervention de 15 cm en colonne vertébrale qu’il a fallu réouvrir pour nettoyer une infection dûe à deux bactéries
    « gagnées » à l’opération.

  5. Jean Léonetti, lors d’un colloque à la Faculté de médecine d’Angers:  » Quand un malade est parfaitement pris en charge, tant au plan médical, qu’au plan affectif, il ne demande JAMAIS l’euthanasie « .

    • Sous peu, nous n’attendrons pas qu’il la demande, on l’imposera, au besoin en provoquant des souffrances, les laboratoires se feront un plaisir de trouver la substance adéquate.

  6. Totalement d’accord avec les termes de cet article. L’IVG constitutionnalisée a ouvert une porte dangereuse. Il semble évident, vu l’époque actuelle et ses dirigeants que l’on connait, qu’aucun effort sera fait vers l’hôpital et notamment vers les soins palliatifs, et que le palliatif à ces décisions sera le recours à la mort : euthanasie ou suicide assisté. Cela coûte si peu de tuer versus prendre soin de notre humanité.

  7. « Pour la douleur, nous utilisons des antalgiques, mais certains ne sont maîtrisés que dans les CHU ». La mort est partout, pas que dans les CHU. Ces antalgiques puissants peuvent être maîtrisés dans n’importe quel service palliatif décent. Mais voilà, on a resserré la médecin autour des CHU, et laissé tomber le reste. Comme la SNCF: tout pour les TGV, adios les petites lignes. Tout est à refaire, mais les impôts sont records et le pays est ruiné.

  8. Avec des soins palliatifs décents un patient ne meurt : ni de faim – ni de soif (mort horrible) – ni de peur – lavé – dans des draps propres – sans avoir froid ou trop chaud – douleur contrôlée – et entouré de l’amour des siens. Au lieu de ça on nous propose la piqûre qui tue. Le cauchemar arrive, les sondages disent qu’une majorité de Français – ces gogos, ces naïfs – est pour l’horreur.

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