Fin de vie : une majorité de soignants entre colère et consternation

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La publication de l'entretien d'Emmanuel Macron à Libé et La Croix dévoilant « sa » proposition aux français d'un modèle « fin de vie » (avec la possibilité, pour certains patients, de recevoir une substance létale) soulève de nombreuses réactions négatives chez les professionnels de santé.

« Un retour en arrière »

« C’est avec consternation, colère et tristesse que les soignants réunis au sein du Collectif sur la fin de vie ont pris connaissance de l’interview du président de la République » : ce communiqué publié par des associations de soignants (dont la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), l'Association française des soins oncologiques de support (AFSOS) et l'Association nationale française des infirmiers en pratiques avancées (ANFIPA) donne le ton. Y sont dénoncés : « l'aveuglement sur les conditions d'élaboration du texte », sa « brutalité », le « calendrier indécent » imposé (« un texte sera transmis au Conseil d'État d'ici 8 à 10 jours pour un examen en mai »), « le mépris du travail des soignants », « le modèle ultra-permissif » proposé (sujet à multiples dérives à travers le monde), « la confusion sur le sens du soin », « la confusion lexicale regrettable » (« le Président n'assume pas que les options retenues relèvent de l'euthanasie et du suicide assisté »), l'abandon des promesses telles que la loi Grand Âge et « des annonces dérisoires sur l'accompagnement de la fin de vie ».

« Un retour en arrière » pour la présidente de la SFAP, Claire Fourcade, qui s'exprimait sur France Info, ce lundi : « Aujourd’hui, en France, 500 personnes meurent tous les jours sans avoir eu accès aux soins palliatifs, alors qu’elles avaient besoin d’être soulagées. Il nous semble que l’urgence, c’est d’accompagner toutes ces personnes. » « Ce que propose le Président, c'est un projet de loi pour faire mourir, un projet de loi euthanasie et suicide assisté sur décision médicale. »

Et d'en tirer cette conclusion effarante : « Il sera plus rapide d’avoir accès à un médecin pour demander une "aide à mourir" que pour être soigné. »

Pour le collectif Soulager mais pas tuer (parrainé par Philippe Pozzo di Borgo, dont la vie a inspiré le film Intouchables), le projet d'Emmanuel Macron est « une atteinte sans précédent à la fraternité due aux personnes les plus vulnérables ».

Marie de Hennezel, psychologue clinicienne et écrivain spécialiste du vieillissement, publie une lettre ouverte magnifique au Président « au nom des plus âgés et des plus vulnérables ». Elle lui fait part des « lourdes inquiétudes que lui inspire le projet de loi qui se dessine sur la fin de vie » et lui lance : « Vous rendez-vous compte de ce que cette perversion du concept de soin fera peser sur une profession déjà malmenée ? »

Même l'ancien député Jean Leonetti (le père de nos actuelles lois « fin de vie ») n'est pas satisfait : « On va avoir d'énormes difficultés dans l'application de la loi », qu'il juge trop floue et peu claire.

Libé, réceptacle de la parole présidentielle, pointe pudiquement « la division, réelle, de l'ensemble de la communauté médicale » dissimulée par la « forte et bruyante opposition des organisations soignantes contre l’évolution de la loi ». Bruyante, en effet, parce qu'extrêmement majoritaire chez les professionnels de santé. C'est aussi simple que cela.

800.000...

Il y un an, ils étaient déjà 800.000 soignants, regroupés dans treize organisations professionnelles et sociétés savantes, rédacteurs d'un avis pour dire non à la légalisation de l'euthanasie, estimant ne pas vouloir se retrouver dans une position impossible si « une forme de mort administrée était légalisée ». Une résolution sans équivoque : « L’ensemble des professionnels interrogés refusent catégoriquement la démarche euthanasique, et spécifiquement les actes de préparation, de mise en place et d’administration d’une substance létale. [Ils demandent] au gouvernement et aux parlementaires, s’ils décidaient de faire évoluer la loi, de laisser le monde du soin à l’écart de toute implication dans une forme de mort administrée. »

800.000 : un chiffre astronomique dans un pays qui compte 637.644 infirmiers et 230.143 médecins (INSEE, octobre 2023). Et parmi tous ces acteurs du monde médical, combien de démissions, d'abstentions, de découragements ? Beaucoup, à en croire ce sondage OpinionWay, publié en 2022, qui prenait le pouls des professionnels de santé : « Seuls 6 % des médecins et infirmiers accepteraient d'administrer un produit létal à un patient. » Un geste qui, s'il leur était demandé, provoquerait « pour 34 % d'entre eux la démission de leur fonction et, pour 35 %, l'usage de leur close de conscience. Pour 75 % des acteurs de soins, une telle évolution conduirait à des tensions dans les équipes. »

Alors, comment faire ? Faudra-t-il menacer, priver de liberté médecins et infirmières, ne pas leur laisser le choix comme avec l'IVG ? Ou bien augmenter les tarifs ? Pour interrompre une vie naissante dans le sein de sa mère, c'est, depuis le 5 mars, 25 % d'honoraires en plus ! Et pour l'interrompre en fin de vie, ça va chercher dans les combien ?

Décidément, cette Macronie pue la mort.

Sabine de Villeroché
Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

25 commentaires

  1. Macron va-t-il faire comme avec les soignants qui avaient refusé de se faire vacciner et dire en rigolant : »j’ai envie de les emmerder » avant de leur interdire de pratiquer et de les laisser sans ressource ?

  2. fin de vie au début (avortement) + fin de vie à la fin (euthanasie) + fin de vie à l’apogée de sa vie (jeunes adultes envoyés en guerre ) = disparition accélérée d’une civilisation toute entière . Voilà le programme de Macron. C’est beau un génocide !

  3. j’ai travaillé pendant 41 ans dans un CHU et croyez moi les malades en fin de vie d’une maladie incurable souffrent terriblement. Macron comme d’habitude n’y connait rien donc comme d’habitude il fait n’importe quoi. Les gens qui ont de l’argent iront en Suisse ou en Belgique et les pauvres souffriront jusqu’au bout voilà la réalité.

  4. Macron et ses amis militants pour l’euthanasie, comme Line Renaud ou Jean-Luc Romero, devraient donner l’exemple en s’aidant mutuellement à mourir dans un show télévisé à une heure de grande écoute. Ce serait chié, comme dirait Laurent Gerra imitant Jack Lang. Ce dernier, vu son grand âge, pourrait faire partie du casting.

  5. Si , comme l’écrivait Orwell, la Guerre , c’est la Paix, on dira que l’euthanasie doit faire parti du serment d’HIPPOCRATE.

  6. L’individu à la tête de notre pauvre pays ne connait qu’un mot : FRIC ! Prêt à tout pour faire des économies sur les soins, il va continuer d’acheter les médecins à coup de primes pour faire le travail létal, comme il l’a déjà expérimenté pendant le pseudo covid. Petit rappel : 1000 euros par jour pour les médecins acceptant d’injecter des citoyens SAINS, pendant que les malades attendaient que les dit-médecins s’occupent d’eux ! Ignoble !

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