Le foulard de l’Iranienne
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Des images ont un pouvoir : elle véhiculent qui une histoire, qui une émotion. Les mots s’effacent, passent au second plan ; l’image dit l’indicible, écrit l’ascriptible. Elles entrent parfois dans l’Histoire avec un H majuscule et deviennent documents qui illustrent et renseignent un fait historique. Par exemple, la guerre du Vietnam se résumera à quelques clichés ; nous nous représentons tous (ou presque) la photo d’une fillette nue qui court en hurlant sa peur et sa douleur causée par le napalm. Le profond clivage que causa cette guerre dans la société américaine trouvera son illustration dans l’image d’une jeune femme qui porte une fleur face à des soldats brandissant des baïonnettes à Washington. Et puis il y a la violence crue de cette exécution sommaire d’un vietcong à Saïgon, une fraction de seconde avant que le policier-bourreau ne presse la détente de son arme.
Une image fait le tour du Net, via les réseaux sociaux : en Iran, une jeune femme tête nue montée sur un caisson de mobilier urbain se tient debout dans une avenue bondée. Au bout du bâton qu’elle tient, son foulard, celui que lui impose la loi des mollahs. Elle l’expose à la vue de tous comme un forçat brandirait ses chaînes dont il est enfin libéré. Des hommes la regardent.
Depuis que la République islamique a été instaurée et fait peser sur la société iranienne le carcan trop lourd d’un islam chiite rigoriste, ce n’est pas la première fois que la jeunesse souhaite s’en émanciper, mais jusqu’ici sans succès. Les réseaux sociaux regorgent de ces montages qui montrent des jeunes femmes iraniennes modernes et occidentalisées d’avant la révolution islamique, et les juxtaposent à celles d’aujourd’hui, camouflées sous une tenue conforme aux exigences de la police religieuse locale.
Sans abolir la loi en vigueur, le chef de la police de Téhéran a annoncé la fin des arrestations et des poursuites judiciaires pour non-respect du code vestimentaire. S’agit-il de jeter un peu de lest afin de tenter de préserver un semblant d’ordre ? Est-ce une simple et hypocrite tactique pour identifier plus facilement les opposantes, pour ensuite les mettre hors d’état de nuire au régime en place ? Ou est-ce le simple constat que les idées ne restent pas dans les prisons où les régimes autoritaires voudraient les voir croupir ?
Le printemps arabe n’a pas eu d’effet en Iran, et nul ne sait ce qui adviendra de cet « hiver perse » qui s’y déroule peut-être. Je souhaite bon courage aux Iraniennes qui oseront défier cette société patriarcale rétrograde, et bonne chance aux Iraniens. Trente-neuf ans d’obscurantisme, ça suffit. Mais le libéralisme à la sauce occidentale, même s’il les fait peut-être rêver par certains de ses aspects, n’est pas une panacée. Et dans notre société libérale où la bien-pensance remplace la réflexion, le courage et la morale, nous laissons le voile asservir sournoisement des femmes.
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