Franc CFA : prendre notre destin en main !
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La statue du général Faidherbe, ancien gouverneur colonial, qui s’écroule du fait d’intempéries, la célébration d'un grand résistant à la conquête coloniale du nom de Cheikh Ahmadou Bamba, religieux, visionnaire et stratège qui a inculqué à sa communauté les vertus de la non-violence ainsi que le culte du travail et le compter sur soi, tels sont quelques faits saillants de ce début septembre au Sénégal sur fond de débat houleux à propos du franc CFA (Communauté française d'Afrique), monnaie qui lie la France à certains pays africains.
Les détracteurs de cette monnaie reprochent au FCFA son arrimage à un euro fort qui handicape les exportations de ses pays membres, le coût excessif de la garantie de convertibilité : 50 % des recettes en devises pouvant dépasser parfois les 10.000 milliards de FCFA (15,2 milliards d’euros) logés au Trésor français, son effet défavorable sur l’intégration des trois zones qui la composent, obligées d’utiliser des coupures différentes en dépit du fait qu’elles appartiennent à la même galaxie monétaire.
Cette monnaie infantilisante ne peut plus, à notre avis, demeurer en l’état actuel pour plusieurs raisons.
La première est liée à son cachet historique et colonial qui ne colle plus avec les exigences du XXe siècle. L’ancien Premier ministre français Édouard Balladur déclarait, dans l’édition du Monde du 9 février 1990 : "La monnaie n’est pas un sujet technique, mais politique, qui touche à la souveraineté et à l’indépendance des nations", et, plus tard, après la dévaluation du franc CFA de 1994, "parce qu'il nous a semblé que c'était la meilleure formule pour aider ces pays dans leur développement". C’est symptomatique de l’état d’esprit qui habite cette monnaie.
Par ailleurs, le contexte aussi a changé : fin de la guerre froide, avènement d’une élite africaine mieux formée, bilingue parfois, citoyenne et très avertie, existence d’un dispositif de surveillance multilatérale qui encadre mieux les risques de mauvaise gestion, pays européens endettés, diversification des partenariats commerciaux avec les BRICS.
La deuxième raison est économique : le FCFA n’a pas réussi à arrimer ses pays membres dans la prospérité ; les résultats économiques atteints sont décevants : 10 sur les 15 pays qui composent la communauté CFA faisaient partie des 25 pays les plus mal classés dans l’indice du développement humain du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) 2016 ; les pays anglophones et arabophones qui gèrent leurs propres monnaies s’en sortent mieux.
La troisième raison est technique. Le coût de la garantie de convertibilité supportée par les pays membres, à savoir 50 % de leurs recettes d’exportation, n’est plus compatible avec le niveau de risques encouru par le Trésor français. Sur un autre plan, les objectifs macroéconomiques, transposition des pratiques européennes, ne sont pas pertinents pour des pays encore sous-développés.
La quatrième raison est dogmatique. Le monde, au regard des nombreux défis à relever en matière de pauvreté, de croissance et de paix, devrait réinterroger l’idéologie monétarisme incarnée par Milton Friedman, qui fait de la lutte contre l’inflation son objectif principal. Le bon sens voudrait qu’avant de s’inquiéter d’une augmentation des prix, l'on produise d’abord. Il faudrait désormais, à notre avis, prôner de véritables politiques de relance économique et amener les États à prendre leurs responsabilités dans un monde en crise.
Nos recommandations portent sur le changement de la dénomination du franc FCFA pour lui extirper toute connotation coloniale, le placement des réserves en devises des pays concernés en dehors du Trésor français, la renégociation à la baisse du coût de la garantie de convertibilité en deçà des 50 % actuels et l’instauration d’un système de taux de change flottant en fonction d’un panier de monnaies composé des devises des principaux pays partenaires de la zone (euro, yuan, dollar).
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