Français, vous verrez que ça sera de votre faute !

Au final, vous verrez, ça sera ni la faute à Rousseau ni celle à Voltaire, encore moins celle du gouvernement, s’il faut reconfiner. Mais la faute aux Français. Jean Castex, le « Monsieur déconfinement », ne l’a pas dit comme ça, mais si on lit entre les lignes, c’est tout comme.

Auditionné par le Sénat, ce mercredi, qu’a dit le coordinateur du groupe de travail interministériel sur les stratégies de déconfinement (il y aurait donc plusieurs stratégies !) ? « C’est pas le gouvernement, c’est pas l’État – bien sûr, ils doivent jouer leur rôle – qui ont remporté la victoire, ce sont les habitants de mon pays [Je crois que ces habitants s’appellent des Français, en général, mais il est vrai que…]. » Effectivement, M. Castex aurait pu ajouter – mais cela ne risquait pas ! – que l’État et le gouvernement sont peut-être un peu responsables de la situation dans laquelle le pays s’est retrouvé.

En effet, lorsqu’on apprend, par Le Canard enchaîné de ce mercredi, qu’Emmanuel Macron aurait été mis au courant dès le mois de décembre par notre ambassadeur en Chine des dangers de l’épidémie de coronavirus, ce qui ne ferait, finalement, qu’aller dans le sens des déclarations fracassantes d’Agnès Buzyn dans Le Monde en mars dernier, on est pris comme d’un « léger » doute. Et si la drôle de guerre attentiste menée par le gouvernement jusqu’à la mi-mars derrière cette magnifique ligne Maginot que constituait, on n’en doutait pas alors, le meilleur système de santé au monde, n’avait pas été une perte colossale de temps ? Et le temps, ce n’est pas seulement de l’argent, mais aussi des vies, notamment à la guerre. « Que tout le temps qui passe ne se rattrape guère, que tout le temps perdu, ne se rattrape plus », chantait Barbara…

Donc, si la victoire est dans les mains des Français, par construction, la défaite aussi. M. Castex, à la veille de la décision d’enclencher ou pas l’opération déconfinement, ne dit pas autre chose. « Il me semble observer un petit relâchement. Et c’est pas bon. » Cela dit sur le ton d’un instituteur grondant sa classe en plein mois de mai alors que les grandes vacances sont encore loin et que le soleil pointe le bout de son nez à la fenêtre de la classe. Un petit relâchement ? C’est-à-dire ? Sur quelles bases scientifiques, puisque la mode est de faire appel aux scientifiques, affirme-t-il cela ? Des statistiques ? Le doigt mouillé ? Certes, il semblerait que l’on observe de plus en plus de monde dans les rues. Mais, en même temps, ne s’agit-il pas que la machine France redémarre ? Il semblerait, aussi, que l’on observe de plus en plus de monde dans les rues avec un masque, sans pour autant que pèse la menace d’une amende. C’est plutôt bon signe, ça, non ?

Mais M. Castex a observé un relâchement. Ce n’est pas bon, dit-il. Et pourquoi ? « Si ce relâchement se prolonge en sortie de confinement, si on ne respecte pas les gestes barrières et la distanciation, on risquera la rechute. » Gestes barrières qu’il qualifie de « clé de voûte » dans cette lutte contre la pandémie. Comme s'il s'agissait de nous faire porter, par anticipation, le chapeau, si le nombre de victimes repart à la hausse lorsque métros, trains, bureaux, usines, écoles recommenceront à se remplir peu à peu. Ce qu'à Dieu ne plaise, mais ce qui est probable. Comme s’il s’agissait, alors que nous sommes encore confinés, grands enfants que nous sommes, de bien nous faire comprendre que le quartier libre qui va nous être accordé, ce n’est pas les grandes vacances.

Finalement, la faute ni à Rousseau ni à Voltaire, mais à Gavroche qui ne s'est peut-être pas complètement résigné à se barricader chez lui.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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