France-Algérie : Tebboune emboîte le pas de Macron vers un apaisement

Qu'espérer au bout du compte alors que la suspension des accords de 2007 annoncée par Bruno Retailleau n'a pas eu lieu ?
Capture d'écran
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Après avoir agité le chiffon rouge pendant des mois, le pouvoir algérien joue l’apaisement. Samedi 22 mars, lors d’un entretien accordé à des journalistes de médias publics algériens, le président Abdelmadjid Tebboune a estimé que le contentieux entre les deux pays « est entre de bonnes mains ». En d’autres termes, la France et l’Algérie seraient en pourparlers… Une déclaration qui tranche avec les tensions récentes, marquées par des expulsions avortées et des prises de position incendiaires. « [La France et l’Algérie sont] deux pays indépendants, une puissance européenne et une puissance africaine, et on a deux présidents qui travaillent ensemble. Tout le reste ne nous concerne pas », a-t-il ajouté, comme pour balayer d’un revers de main les polémiques. Reste que ce discours policé, qui fait écho aux appels de Macron à la réconciliation, laisse sceptique : les contentieux historiques et les différends actuels ne se règlent pas d’un simple communiqué - et ne feront pas oublier les multiples provocations.

Le président algérien ironise sur la « liberté d’expression »

Contrairement à ce que d'aucuns pourraient avancer, le sujet du Sahara occidental n'est pas présenté comme étant au centre des préoccupations algériennes, le président Tebboune l'évacuant d'un revers de main : « [Les liens entre la France et le Maroc] ne nous dérangent pas du tout, contrairement à ce qu'on dit. » L'affaire des influenceurs algériens, elle, semble être un sujet plus important. En refusant d’accueillir sur son sol ses propres ressortissants expulsés, Alger a mis le feu aux poudres. Revenant sur les cas d’expulsions, le président algérien a fait allusion au cas d’un « Algérien qu’on vient de mettre sous OQTF parce qu’il a dénoncé le génocide en cours à Gaza », sans pour autant préciser l’identité de l’intéressé. Il ironise : « Liberté d’expression oblige... » Et d’ajouter, d’un air inquiet : « Il y a beaucoup de cas comme ça. Ce sont des dizaines de cas par jour. »

« La liberté d’expression, c’est : je dis ce que je veux et tu te la fermes. Mais on ne peut pas se la fermer », ose même Abdelmadjid Tebboune, « oubliant » le cas de Boualem Sansal, enfermé dans les geôles algériennes pour avoir, précisément, parlé trop librement. Une sortie provocatrice qui sonne creux, quand on sait que le régime d’Alger musèle ses dissidents avec une constance implacable - en particulier depuis la fin du Hirak -, loin des leçons qu’il prétend donner à la France.

Le sort de Boualem Sansal reste préoccupant

Bien que les relations se réchauffent, l’affaire Boualem Sansal court toujours et continue d’inquiéter, dans l’Hexagone. Si Emmanuel Macron a ouvertement appelé à une « issue rapide », le sort de l’intellectuel franco-algérien reste incertain. « J’ai confiance dans le président Tebboune et sa clairvoyance pour savoir que tout ça [accusations visant Boualem Sansal] n’est pas sérieux », a déclaré Macron, jouant la carte de la diplomatie. Mais les belles paroles de Tebboune – « un moment d’incompréhension », selon lui – peinent à convaincre. Le cas Sansal, emblématique des dérives autoritaires du régime, reste un caillou dans la chaussure des deux capitales.

Tebboune, lui, persiste à minimiser les frictions, qualifiant le contentieux de « créé de toutes pièces » alors même que le pouvoir algérien s’est évertué, à coups de communiqués des manipulations venant de « l’extrême droite française revancharde ». « Pour ne pas tomber dans le brouhaha ni dans le capharnaüm politique là-bas [en France], je dirai seulement trois mots : nous, on garde comme unique point de repère Emmanuel Macron », a-t-il lancé, s’alignant ostensiblement sur son homologue. Mais qu'espérer, au bout du compte, alors que la suspension des accords de 2007 annoncée par le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau n'est pas entrée en vigueur ? Cette rhétorique apaisante cache mal une réalité : tant que des figures comme Sansal croupissent en prison, la normalisation franco-algérienne restera un vœu pieux, au grand dam d’une France qui espère tourner la page.

Vos commentaires

73 commentaires

  1. Le président français Emmanuel Macron a-t-il bénéficié, lors de son accession au pouvoir, du soutien discret d’un certain nombre d’oligarques algériens historiquement liés au régime du défunt Abdelaziz Bouteflika ou aux gros bonnets de l’armée ? C’est cette piste qu’explorent Yanis Mhamdi et Jean-Baptiste Rivoire, du tout média vidéo spécialisé dans l’enquête, Off Investigation. Ils viennent de publier sur la chaîne YouTube et le site Internet de Off un documentaire

  2. les Algériens ou Français qui naviguent dans ce courant méditerranéen considèreraient fortement que notre Pdt est sous pression, non pas du Pdt Algérien qui serait sans réel pouvoir mais du clan qui l’aurait désigné pour protéger ses intérêts et qui serait habitué depuis avant 2017 à récompenser et sponsoriser financièrement les candidats à la présidentielle. Après c’est une question de mémoire réciproque. Ceci est probablement sans fondement mais ils considèrent que la situation ne se dégradera pas, elle serait sous contrôle.

  3. Comparons 3 ex colonies françaises: Algérie, Maroc et Viet Nam.
    Toutes 3 ont connues une guerre de libération: 2 sont passées à autre chose une fois indépendantes, le Maroc et Le Viet-Nam. Aujourd’hui, elles prospèrent en paix. L’autre a choisi de se victimiser et de culpabiliser la France. Ses dirigeants ont multiplié les erreurs de gouvernances en chargeant l’ancienne métropole de tous les péchés. C’était la plus riche !
    Aujourd’hui, c’est la plus pauvre !
    La « victimisation politique » est plus qu’une erreur: c’est une faute qui ne pardonne pas.

  4. Il me semble que l’Algérie est devenue notre principal fournisseur de gaz. Si ceux qui nous gouvernent veulent que nous ne poussions pas des cris avec le prix du gaz, ils sont obligés de négocier…Avant, la Russie nous donnait plus de marges de manœuvre face aux algériens…

  5. Macron est l’interlocuteur idéal : compréhensif, à l’écoute, d’une promptitude rare à courber l’échine sans craindre la scoliose, poli « oui, merci, mille fois, merci MTebboune, à votre service M Tebboune, bien sûr que vous avez raison M Tebboune, c’est sûr que nous sommes d’horribles colonialistes, pardon, encore pardon, mille fois pardon ». Rien ne vaut la diplomatie douce pour résoudre les crises.

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