France-Allemagne : la fracture énergétique n’a jamais été aussi profonde !

@Yelkrokoyade/Wikimedia commons
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Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre Michel Barnier a mentionné deux points essentiels qui ne sont pas passés inaperçus. S’il ambitionne de poursuivre « résolument » le développement du nucléaire, il se montre en revanche plus mesuré sur les énergies renouvelables, et notamment l’éolien, qu’il souhaite placer sous surveillance, notamment quant à « son efficacité et ses impacts ».

Impact négatif sur l’environnement d’une part, avec de nombreuses résistances sociétales de la part des riverains. Cette opposition sociétale n’est pas qu’une question de nuisances visuelles ou sonores, elle est aussi foncière : un bien immobilier situé à moins de 2 km d’un champ d’éoliennes peut en effet perdre jusqu’à 30 % de sa valeur « marché ».

Mais aussi impact majeur sur le réseau de distribution d’électricité. Dû à ses intermittences totalement imprévisibles (on ne sait jamais ni quand, ni où ni combien !), l’éolien, en proportions significatives dans le mix énergétique, fragilise lourdement la tenue en fréquence du réseau. Sa stabilité devient alors totalement dépendante de sources alternatives suffisamment « réactives », et notamment de centrales gazières pouvant, contrairement au nucléaire, être arrêtées et redémarrées en des temps très courts. L’abondance instantanée d’éolien (à laquelle peut se rajouter une forte production solaire lors des heures méridiennes) est aussi le grand responsable de prix négatifs de plus en plus souvent observés sur les marches de l’électricité.

Bien qu’il n’y ait pas de chiffre officiel, on peut considérer intuitivement que la part de renouvelables (incluant les 15 % d’hydroélectricité) ne pourra techniquement excéder 50 % du mix énergétique.

Message antinucléaire

La phrase justifiée du Premier ministre a soulevé l’ire de France Renouvelables, qualifiant le discours de Michel Barnier de « populiste ». Porte-parole des ENR, l’association y lit en filigrane « la main du Rassemblement national favorable depuis toujours à un moratoire sur l'éolien ». Dommage de transformer des critiques techniques et économiques objectives en propos idéologiques ou politiques. L’énergie mérite mieux. Alors que la France confirme donc, par la voix de son Premier ministre, son engagement pour le nucléaire du futur, les voix venant d’outre-Rhin et de Bruxelles sont pour le moins discordantes.

Réélue à la tête de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a intégré dans sa nouvelle équipe le Danois Jørgensen à l’Énergie et au Logement et l’Espagnole Ribera à la Transition propre, juste et compétitive. Défenseurs irréductibles du Green Deal dans sa version la plus radicale (100 % renouvelables), ils sont également des opposants dogmatiques à l’atome. Lors de l’âpre négociation sur l’introduction du nucléaire dans la taxonomie verte, Jørgensen en avait été l’un des opposants les plus féroces.

Un Scud antinucléaire venu... d'Allemagne

Le message antinucléaire de l’Union européenne a été relayé de façon très claire à Berlin par le secrétaire d’État à l’Économie allemand, Sven Giegold. Se positionnant sur le futur « Clean Industrial Deal », Giegold a indiqué que l’UE « a besoin d’une énergie renouvelable abordable… et en grande quantité ». Critiquant, au passage, le retard de la France en matière de renouvelables (cible moyenne de 42,5 % à l’horizon 2030), l’écologiste allemand a aussi lancé un Scud antinucléaire en affirmant qu’il « fallait exclure l’énergie nucléaire et sa production de tout financement de l’UE ».

Sans le dire, l’Allemagne remet donc en cause l’intégration du nucléaire au sein de la taxonomie verte, une victoire chèrement acquise en 2023 par la ministre de l’Énergie de l’époque, Agnès Pannier-Runacher. La fracture énergétique n’a jamais été aussi profonde entre les deux poids lourds de l’Union européenne.

Philippe Charlez
Philippe Charlez
Chroniqueur à BV, ingénieur des Mines de l'École polytechnique de Mons (Belgique), docteur en physique de l'Institut de physique du globe de Paris, enseignant, expert énergies à l’institut Sapiens

Vos commentaires

44 commentaires

  1. Bien dit Crusader,
    Giegold a indiqué que l’UE « a besoin d’une énergie renouvelable abordable… et en grande quantité ».
    Il oublie le coût faramineux des éoliennes qui enrichissent surtout ceux qui les construisent (avec nos impôts) et les usines au gaz qui les complètent . l’idéologie verte est un vrai poison !

  2. La France aussi dispose de son scud : ne plus vendre à bas prix son électricité à des concurrents créés de toute pièce, et refuser le système aberrant de tarification du kWh basé sur le prix du gaz. À quand un Premier ministre qui refusera de se tirer des balles dans le pied ?

  3. Que ces icoulos soient rassurés avec les nouvelles taxes sur notre électricité on va pouvoir leur offrir encore l’électricité et ils n’auront qu’à dire qu’elle est bio lol.

  4. Ce n’est pas seulement une fracture énergétique entre l’Allemagne et la France. C’est une course à la domination de l’Europe. Si l’UE se pérennise, c’est la mort de la France au profit de l’Allemagne. Si la France retrouve sa souveraineté, et des gouvernants intelligents, elle peut rebondir.

  5. bien qu’ayant passé 13 années en Allemagne je me demande si la sacro sainte amitié franco germanique n’est pas un mythe qui n’aura duré que , au choix , le temps de la poignée de main De Gaulle Adenauer ou le temps de la présence du bouclier Français en garnison à Berlin et à l’ouest .

  6. Invitons tous ces adeptes du Green Deal à s’appliquer eux même ceux qu’ils veulent imposer aux autres. Qu’ils ne vivent qu’au rythme de la nature et demain alors, nous en reparlerons. Adieu voitures avec chauffeur, palaces dorés et climatisés, avions et transports rapides. Apprenez les bienfaits de la marche et l’agrément de la coupure intempestive du courant.

  7. Monsieur Sven Giegold n’en a plus pour très longtemps ….. L’Allemagne grâce à des gens comme lui est en train de perdre sa compétitivité industrielle qui reposait en bonne partie sur un gaz russe abondant et bon marché (qui permettait de contourner les contraintes absurdes de l’éolien et la médiocrité du solaire en Allemagne. Les industriels allemands sont furax … et de l’autre coté l’AfD bondit de succès en succès électoraux. Macron non plus n’en a plus pour très longtemps. Alors VDL …. dont le procès « sms » est en train de s’ouvrir elle aussi pourrait ne plus en avoir pour très longtemps.

  8. IL est impératif de savoir que la France ne facturerait pas notre électricité aux allemands est que pour eux elle est totalement gratuite. Que nos particuliers et nos PME subissent des augmentations c’est au bonheur de l’état et surtout de ceux qui nous dirigent.

  9. Ce n’est pas de la fracture dont il faut parler, mais plutôt de la facture d’énergies en nette hausse que les Français ont dû subir ;mais aussi les Allemands, suite à la politique énergétique stupide inspirée par les Verts.

  10. Il faut sortir des projets européens sur l’énergie, et garder une grande indépendance dans ce domaine. Le gaz et l’électricité ont une dimension stratégique, au même niveau que l’armée, que le pays doit maitriser; Il faudrait commencer par virer l’ingérence allemande du ministère (dit) de l’écologie français.

  11. Pour faire plaisir à  » Nos amis Allemands  » Hollande et Macron ont détricoté notre parc de centrales , Fessenheim en est le triste exemple . Macron a fait un virage à 180° mais c’est un peu tard . Oui nous payons trop cher notre électricité , quand allons nous enfin sort de cet accord européen ?? Barnier veut combler un partie du déficit en augmentant les taxes qui sont déjà très nombreuses. La baisse annoncée sera finalement moindre . Que dire de ces fournisseurs qui ne produisent rien ou presque ! Une arnaque, EdF est contraint de brader le KW/H. Ces éoliennes , ne nous rapportent rien , fabriquées à l’étranger, entre autre par les Allemands. Une énergie éolienne capricieuse , alors que le nucléaire n’est pas soumis aux caprices du vent . Enfin , les propriétaires voient le prix de leur bien immobilier s’effondré par la proximité des ces moulins à vent, ça bien sûr Macron s’en fiche royalement ! Et au Touquet pas d’éoliennes ?

    • Quand il va falloir démonter ces tas de ferrailles avec les tonnes de béton qui leur sert de pied, nos braves agriculteurs qui se sont fait embarquer dans l’aventure vont amèrement le regretter, car on leur opposera une obligation de sécurité.

    • Ainsi que nos « amis » anglais et nos « amis » américains.
      Faut-il que nos élus et hauts fonctionnaires soient stupides ou corrompus pour y croire !!!

  12. Les allemands brûleraient des centaines de millier de tonnes de lignite, expropriant les propriétaires des maisons qui gêneraient l’exploitation ! Ils n’auraient alors pas de leçons à nous donner !

  13. Pourquoi, croyez-vous , Macron s’acharne-t-il à détruire la France dans tous les volets qui ont fait sa grandeur ? C’est pour répondre, le petit doigt sur la couture du pantalon, à la feuille de route europeiste et mondialiste de ceux, nombreux , qu’elle dérange depuis toujours, à commencer par les anglo-saxons, allemands inclus bien sûr.

    • Allemands, Anglais, Américains interviennent dans la nomination et l’élection de nos hommes politiques et ça fonctionne parfaitement, combien ont souscrit aux French leaders groups US et Chinois et aux deux à la fois, il faut bien s’assurer sur l’avenir, n’est-ce pas Messieurs Raffarin, Veran etc …

  14. Mais de quoi se mêlent les allemands, on devait leur interdire leurs centrales à charbon et ne plus leur vendre d’électricité. Mais avec notre gouvernement !

Commentaires fermés.

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