La France manque d’une (vraie) devise, et d’hommes d’honneur à sa tête pour s’y tenir
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Si l'on prononce le mot "devise", on risque bien de faire penser à de l'argent, étranger, et qu'on peut changer en une autre monnaie.
Or, la devise peut aussi, devrait surtout, faire penser à la noblesse, celle qui possède un blason, et quelques mots qui lui imposent une règle qu'elle se doit d'appliquer sous peine de déchoir.
Il en va ainsi de toutes les devises, et celle de la République française, en particulier.
La fraternité des Français, prompts à se déchirer, et dont l'esprit de solidarité nationale n'est pas toujours évident, reste un terme décoratif, à défaut d'être significatif.
À y regarder de plus près, les libertés sont-elles davantage réelles ? Elles paraissent en régression, et notamment pour la plus importante d'entre elles - la liberté de s'exprimer - sans laquelle il n'y a évidemment pas de démocratie. D'année en année, des tabous s'installent, qui transforment les opinions contraires en hérésies condamnables persécutées par de nouveaux inquisiteurs : les associations autorisées à porter plainte. Les subventions qu'elles reçoivent leur donnent les moyens de dissuader le penseur désargenté d'exprimer une opinion susceptible d'être une "phobie" quelconque. Ce mot, qui désigne une pathologie mentale, n'est pas sans rappeler l'utilisation de la psychiatrie à des fins répressives en URSS.
L'égalité est-elle plus sérieuse ? Jamais, sans doute, la fracture entre la France "métro-mondialiste" et la France périphérique n'a été aussi profonde.
Devant cette pancarte de notre devise qui tombe en morceaux comme dans "L'Avenir radieux", le roman si drôle du dissident Alexandre Zinoviev, l'on pourrait songer à d'autres formules qui seraient plus judicieuses, sinon plus respectables.
Le malheur a voulu que l'État français en emprunte une aux Croix-de-Feu du Colonel de La Rocque : "Travail-Famille-Patrie". Celle-ci avait le mérite de quitter la métaphysique révolutionnaire pour affirmer la nécessité de respecter les éléments concrets du bien commun : la famille, le travail et la patrie. Mais était-ce bien le moment de parler de famille, alors qu'un million de pères et de maris étaient retenus en Allemagne loin d'elle ? Était-ce sensé d'évoquer le travail quand il devenait obligatoire au profit de l'occupant ? Quant au mot "patrie", se rendait-on compte du ridicule qu'il y avait à l'employer par des gens prosternés devant l'ennemi vainqueur. Le résultat a été catastrophique. Il est impossible d'employer ces termes en trio sans évoquer les heures sombres de l'Histoire, au risque de contaminer chacun d'entre eux.
Les résistants de Londres avaient appelé une de leurs émissions, durant laquelle on entendait la voix si reconnaissable de Maurice Schumann, "Honneur et Patrie", la devise de la Légion d'honneur. Cette devise avait le grand mérite d'associer à la patrie une notion qui la lavait des errements de l'autre camp, l'honneur dont le général de Gaulle avait fait l'un des trois arguments pour continuer le combat. L'honneur, voilà un mot qui nous ramène à la noblesse, à l'idée qu'il n'y a pas de nation qui tienne, même lorsqu'elle est une démocratie, sans qu'il y ait à sa tête une aristocratie, un groupe d'hommes et de femmes qui ont une légitimité morale à la gouverner. Les Compagnons de la Libération correspondaient assez bien à cette idée d'une chevalerie animée par l'exigence d'une devise.
Le déclin actuel de notre pays tient, avant tout, à ce que l'égalité formelle des chances et l'inégalité réelle des pouvoirs a créé les conditions d'une oligarchie sans honneur, peuplée d'arrivistes sans foi ni loi. La médiocrité, le caractère sordide de certains comportements de nos élus ou de nos ministres, qu'on évoque dans l'actualité judiciaire, ne le révèlent que trop !
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