François Bégaudeau, avocat en cassation au procès de la gauche morale

À force de prendre en pleine figure, plusieurs fois par semaine, le mur des faits, la pensée de gauche, jadis dominante, n’en finit pas de reculer. C’est un procès que le monde, le vrai (pas le journal), lui fait régulièrement, et qu’elle perd. Elle a perdu en première instance face au réel vers 2010, quand le Front national d’alors est devenu le premier parti ouvrier de France. Elle a perdu en appel en 2022, quand il a manqué 400.000 voix à Jean-Luc Mélenchon pour faire triompher la dictature, tandis qu’Anne Hidalgo clouait solidement le cercueil du Parti socialiste. Mais, comme tous les condamnés qui sont certains d’être victimes d’une terrible erreur judiciaire, la gauche morale insiste. Son procès en cassation est en train de se dérouler sous nos yeux, chaque jour. C’est un enjeu de vie ou de mort pour sa survie en tant que catéchisme souterrain de la France qui pense comme il faut. Et elle a un avocat talentueux : François Bégaudeau.
Les gens de droite, des pauvres types
Rocker agrégé de lettres, écrivain talentueux, acteur principal d’un film primé à Cannes, François Bégaudeau a un CV sympathique. C’est comme ça, en France, malgré Bourdieu, on regarde encore les CV, dans lesquels il y a toujours une part de vérité. L’homme se revendique libertaire, ne déteste pas les blagues lestes et prétend (nous apprend sa notice Wikipédia) critiquer avec la même férocité la bourgeoisie de droite et celle de gauche. Ce dernier point n’est pas tout à fait vrai. Le 3 avril dernier, par exemple, Bégaudeau, invité dans une librairie et entouré d’un public conquis, se livrait ainsi à une critique féroce de Pascal Praud, justement sur le mode du racisme de classe. Caricaturé en « Clint Eastwood de La Baule », en faux anarchiste (de droite) et vrai bourgeois catho raciste (tout ça est pareil, bien sûr), Praud en prend plein la gueule, justement parce que c’est un bourgeois - nantais, tout comme Bégaudeau, qui lui trouve au passage « la gueule de l’emploi » (à droite, on dirait « le physique de ses idées »). Défendre la gauche à tout prix, c’est d’abord rappeler que les gens de droite sont des pauvres types. Ne jamais se départir d’une position de surplomb intellectuel et d’arbitraire moral (« Je le trouve beaucoup plus talentueux que tous ses sbires. Il a plus d’épaisseur. Bon, il est tout aussi de droite et tout aussi abject politiquement… »).
Pascal Praud "facho et raciste" par François Bégaudeau, 3 avril pic.twitter.com/cFT6tDfyFm
— Destination Télé (@DestinationTele) April 23, 2025
Plus récemment, toujours en défense de la gauche morale, le même homme s’est livré à un filandreux exercice de sophistique au sujet du féminisme, dans l’émission L’Explication du média QG. Une argumentation en trois points : oui, la gauche est silencieuse quand des musulmans oppressent les femmes… mais c’est la droite qui a commencé, en ne s’intéressant pas aux autres occurrences que celles-ci ; par ailleurs, on peut se dire que le patriarcat musulman est hérité d’un complexe colonial et de la domination subie par ces populations ; de la même façon, le sur-virilisme des jeunes de cités viendrait (Bégaudeau ne reprend pas totalement ces propos à son compte, mais les trouve intéressants) d’une réaction de défense face à l’oppression policière. Traduisons-le : tout ça, c’est de la faute des Blancs. Ce qui, formulé ainsi, serait, pour le coup, tout à fait raciste.
François Bégaudeau : « L'oppression des femmes dans la culture musulmane vient d'une domination que subissent ces populations. Leur sur-virilisme vient possiblement de la fragilisation de ces hommes par le pouvoir policier » pic.twitter.com/bL47kPQWIx
— Fdesouche.com est une revue de presse (@F_Desouche) April 23, 2025
Rebelle punk de classe prépa, icône pour salle des profs, pourfendeur de totems déjà honnis (Praud), défenseur de populations déjà surcotées (les « quartiers populaires »)… et si c’était François Bégaudeau lui-même, le faux anarchiste ? Pour rester dans le domaine du western, mais de gauche cette fois-ci, il se prend peut-être pour Silence (Jean-Louis Trintignant), le justicier du chef-d’œuvre anticapitaliste Le Grand Silence, de Sergio Corbucci (1968), alors qu’il n’est qu’une sorte de Monsieur Homais, coq de village péremptoire qui recevra, un de ces jours, « la croix d’honneur », comme à la fin de Madame Bovary ? Sauf que lui, avocat de la gauche morale, a le droit de se rêver plus grand qu’il n’est…

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Un commentaire
Je ne connais pas ce monsieur, et visiblement c’est très bien comme ca!