François Bert, sur Emmanuel Macron et les youtubeurs : « Il vaudrait mieux se taire plutôt que de continuer à chercher à plaire »

françois bert

Emmanuel Macron a promis aux deux youtubeurs McFly et Carlito de relever le défi du concours d'anecdotes. Une posture inappropriée pour un chef d'État que François Bert compare à une stratégie de « séduction de bas étage ». Il rappelle que « la jeunesse a besoin d'être embarquée, elle n'a pas besoin d'avoir une autorité qui passe son temps à s'abaisser ».

Emmanuel Macron avait lancé un défi aux youtubeurs Mcfly et Carlito. Ce défi avait pour but de faire un clip sur les gestes barrières et, en contrepartie, le président de la République tournerait une émission sur un de leurs formats. Que cela raconte-t-il de l’évolution de l’homme politique ?

Sur Radio Classique, ce matin, j’écoutais un de vos confrères, Guillaume Durand, dire une chose très simple et percutante : « Courir derrière les médias, c’est courir derrière la défaite. »

Je pense que c’est assez juste d’une position assez surréaliste dans un moment de fragilité comme ceux par lesquels nous passons. Aller courir derrière des médias qui sont à ce point peu représentatifs du côté institutionnel de l’État. On parle d’un besoin de plaire qui est, selon moi, absolument inapproprié. Si je devais le développer, je pense qu’il y a trois points clés. Premièrement, cela évoque une question de posture. Deuxièmement, une question de rapport à la réalité. Troisièmement, une question d’autorité.

Par rapport à la posture, il vaudrait mieux se taire plutôt que de continuer à chercher à plaire. Le silence a trois avantages. Il permet de se poser et de s’imposer. Il permet d’écouter. Et il permet l’action. Tout le temps que l’on épargne dans la communication, cela permet l’action. Aujourd’hui, on a besoin de coordination.

Pour finir sur cette première idée de la posture, je dirais qu’il faut davantage prouver par les faits plutôt que de chercher à faire de l’effet.

Le but d’Emmanuel Macron est de parler directement aux jeunes. La population qui regarde les vidéos de Mcfly et Carlito a entre 12 et 20 ans. Est-ce une volonté des politiques de toucher la jeunesse ?

Leur calcul est à côté de la plaque. La jeunesse a besoin d’être embarquée et non d’avoir une autorité qui passe son temps à venir s’abaisser à être comme eux. En revanche, plus elle prendra sa place et plus elle convaincra par la pertinence de son action qu’elle le sera. Cela me permet d’aller directement à mon troisième point.

L’autorité est la puissance d’accomplissement de la mission. Concrètement, l’autorité se prouve de manière évidente lorsqu’on est non pas perdu dans la relation mais lorsqu’on donne un débouché à l’action collective. On n’est donc pas en train de vouloir s’adresser à toutes les catégories de la population, mais où on arrive à donner un objectif commun.

Je reviens à mon deuxième point qui est le rapport à la réalité. On attend du gouvernement de se positionner sur les vrais sujets plutôt que de s’obstiner à prouver qu’il plaît sans avoir fait la preuve qu’il était à la hauteur. Cela me fait penser à cette pièce qui s’appelle Exercices de style, de Raymond Queneau. Il répète sur tous les tons et avec tous les effets possibles quelque chose d’absolument dérisoire.

La difficulté de l’État est de réussir à remotiver des gens qui sont écartés de plus en plus de la vie sociale avec des urgences psychiatriques qui explosent, une activité économique qui accumule des dangers et avec une cohésion nationale qui craque de partout. Vous allez embarquer jeunes et vieux à partir du moment où vous êtes à votre place, plutôt que de vouloir à tout prix faire de la séduction de bas étage, par des décisions claires tenues dans le temps.

D’un point de vue strictement politique politicienne, le pari d’Emmanuel Macron peut être gagnant. Les commentaires échangés sous les vidéos sont extrêmement positifs. D’un point de vue cynisme électoral, c’est une bonne opération…

Cela s’évapore très vite et plaît momentanément. Je connais beaucoup de chefs qui, au début, plaisent parce qu’ils sont dans ce rapport de séduction. Dès que le temps s’écoule, non seulement cette affection disparaît aussi vite qu’elle est apparue, mais il y a surtout une sorte de retournement. On a un mépris profond pour quelqu’un qui n’a pas été capable de tenir son rôle et sa position. Concrètement, c’est au moment où les choses sont difficiles que l’on voit si le chef est au rendez-vous ou non. Tout le reste va voler en éclat. Les difficultés accumulées par des non-décisions de repositionnement pour refaire partir le pays, mettre fin au couvre-feu et arrêter de gonfler les chiffres aura un prix à payer. L’écume de ce petit moment de youtubeurs aura vite disparu.

François Bert
François Bert
Saint-Cyrien, officier parachutiste à la Légion étrangère, il accompagne les dirigeants au « discernement opérationnel »

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