Fraudes aux prestations sociales, l’éternel scandale…

Capture écran Assurance maladie
Capture écran Assurance maladie

En voulant sécuriser la Carte Vitale en la fusionnant avec celle d’identité, Michel Barnier, le nouveau Premier ministre, aurait-il mis les pieds dans le plat ?  C’est à croire.

D’où ce commentaire de Guillaume Bizard, tenu pour « économiste de la santé » par BFMTV, qui affirme, que « les fraudes à la Carte Vitale ne concerneraient que 3 à 5% des prestations sociales. » Ce qui fait illico dire à Charles Prats, magistrat et ancien membre de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLS), sur un message posté sur X : « J’adore le journaliste “les fraudes à la carte Vitale ne concernent QUE 3 à 5 % des prestations sociales”… En restant juste sur l’assurance maladie, 3 à 5 % ça ne représente QUE 7,5 à 12,5 milliards d’euros par an… Changez rien les gars ! »

De quoi reboucher le trou de la Sécu

Joint par nos soins, cet homme, fort de « 25 années de lutte contre la fraude aux prestations sociales », met à son tour les pieds dans le même plat : « Les dépenses de l’Assurance maladie se montent à 250 milliards d’euros chaque année. Quant au fameux “trou” de la Sécurité sociale, il pourrait être résorbé si l’on en finissait avec ses fraudes en bandes organisées. » En effet, poursuit-il, « à en croire un rapport de la Cour des comptes remontant à septembre 2020, il y aurait 75,3 millions d’assurés bénéficiant de ces prestations, alors que la population française n’était alors que de 67 millions de personnes résidant sur notre territoire. Cherchez l’erreur… » Mais d’erreur, il n’y a peut-être pas, à en croire cet autre rapport d’enquête de l’Assemblée nationale venant valider les chiffres de ce trublion : « Il y aurait donc quelques quatre millions de bénéficiaires qui poseraient problème, ce que vient confirmer une fois de plus un autre rapport de l’Inspection générale des Finances, rendu public en avril 2023. »

Michel Barnier pourra-t-il nettoyer les écuries d’Augias ?

Voilà qui pourrait expliquer l’empressement de Michel Barnier à aborder de front cette épineuse question. Charles Prats, toujours : « Je connais bien l’actuel Premier ministre, l’ayant sensibilisé à ces sujets brulants, dès décembre 2021, à l’occasion des primaires des LR. Mais désormais, il faudra encore qu’il ait le courage de lutter contre sa propre administration. »

Ce qui, manifestement, ne coule pas de source, d’où cette confession de ce magistrat : « En 2011, dans l’un de ces départements donnés pour être “sensibles”, j’ai été mandaté pour lutter contre les fraudes massives aux prestations sociales. Tout était prêt pour le coup de filet. Seulement voilà, au dernier moment, le préfet nous a ordonné de faire machine arrière. Il y avait manifestement trop de gens impliqués dans cette affaire, des médecins aux infirmiers, des pharmaciens aux ambulanciers, sans même parler de leurs patients respectifs. » Bref, de là à penser que tout le monde en croquait plus ou moins, il n’y a qu’un pas, hypothèse que Charles Prats n’infirme pas…

Si l’on résume, mieux vaut pour l’État acheter la paix sociale en certains endroits, plutôt que de laisser la justice faire son travail. Une fois de plus, notre homme ne contredit pas, tout en souhaitant que « Michel Barnier, malgré sa position politique des plus fragiles, ne désarme pas. » Nous en sommes là. Et il n’est jamais interdit de rêver.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

2 commentaires

  1. Il semblerait pourtant que certaines instructions aient été données, mais pas officiellement. Je suis professionnel de santé dans le 93 et nous avons d’une part énormément de dossiers qui sont contrôlés et contestés par la CPAM (sur environ 3 ans), souvent à tort d’ailleurs. Ce qui n’était pas le cas auparavant. D’autre part, nous avons beaucoup de bénéficiaires de l’AME qui présentent des cartes valables (non frauduleuses et en cours de validité) pour lesquels lesquels la CPAM refuse de payer les dossiers. Quand nous contactons la caisse, la réponse donnée est floue : la situation de l’assuré a changé et la caisse ne paiera pas. Dans tous ces cas, le praticien n’a pas de recours, malgré une carte valide. Pour éviter cela, il nous faut désormais contrôler les droits en temps réel (au jour des soins). Mais cela peut se retourner contre le professionnel, car cela peut être considéré comme un refus d’accès au soin et de la discrimination. Je ne sais pas si toutes les caisses font de même, mais dans le 93 il y a clairement un renforcement des contrôles depuis quelques mois, du moins c’est ce que nous ressentons sur le terrain. Je dis en plaisantant que la faillite n’est plus loin, mais c’est un signe que la réalité est en train de s’imposer au système.

  2. La carte vitale biométrique évite l’usurpation d’identité.
    On valide une transaction par soit un code pin ou les empreintes digitales.
    Cela rend plus difficile la surfacturation par les professionnels de santé et l’usage pour les « cousins « .
    D’autre part il faut généraliser les ordonnances sécurisées par QR code .

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