Frédéric Mitterrand : halte à la tartufferie
Une option élégante aurait pu être le silence. Sauf que la canonisation dont il fait l'objet force à rétablir la vérité.
Frédéric Mitterrand vient de mourir. Il est d’usage, quand on est de droite et chrétien - contrairement au communiste Boris Vian -, de ne pas cracher sur les tombes. On apprenait, autrefois, aux enfants à se signer et se découvrir au passage du corbillard, par respect pour le gisant à l’intérieur, au moment où il se présentait, transi, devant son créateur.
L’option la plus élégante aurait donc pu être le silence. Sauf que la surréaliste canonisation générale dont il fait l’objet dans les médias, le zèle de ses thuriféraires pour le porter au pinacle forcent à rétablir la vérité. Il ne manquerait plus qu’il soit - c’est tellement à la mode - panthéonisé.
Nicolas Sarkozy rend hommage à feu son ministre de la Culture, « enthousiaste et passionné qui exerça ses fonctions avec panache et talent », « un homme profondément cultivé et délicat », « un être à part, sensible et attachant ». Emmanuel Macron évoque ses « mille existences toutes tissées d’un fil rouge : la culture pour chacun » : « Ses légendaires bonsoirs vont nous manquer. » François Hollande affirme que « son engagement a marqué des générations » et retient qu’il a, toute sa vie durant, « transmis sa passion de la culture française ». Roselyne Bachelot se souvient « d'un ami, un frère », « un type adorable ». Et Rachida Dati, l'actuelle occupante de son ancien et prestigieux poste, confie « garder en mémoire le sourire lumineux de Frédéric et l’inimitable grain de sa voix ». Cette liste est loin, bien sûr, d'être exhaustive.
La fameuse « foire aux éphèbes »
Saperlipopette ! À l’heure de MeToo, on se pince ! Frédéric Mitterrand n’a, certes, jamais fait l’objet d’une condamnation en justice. A-t-on oublié cependant, ce qui était écrit dans son livre La Mauvaise Vie, présenté comme une autobiographie et faisant la promotion du tourisme sexuel en Thaïlande : « Tous ces rituels de foire aux éphèbes (sic), de marché aux esclaves (resic) m’excitent énormément », « la profusion de jeunes garçons très attrayants et immédiatement disponibles me met dans un état de désir que je n’ai plus besoin de référencer ou d’occulter, l’argent et le sexe, je suis au cœur de mon système ». Ce livre, quand il est sorti en 2005, a été un best-seller. Encenser son auteur urbi et orbi va relancer les ventes. Et susciter des vocations, qui sait ? Quelle bonne idée.
Frédéric Mitterrand s’en était défendu, sur France 2 : « Prostitution, oui, mais pas pédophilie, assurait-il. Je n’ai jamais été pédophile […] Quand les gens disent "les garçons", on imagine toujours les petits garçons ! », « on veut toujours noircir le tableau, compliquer le tableau. Ça n’a aucun rapport. » Ce que « les gens » ont l’esprit mal tourné ! Rappelons la définition d'éphèbe, puisque c'est le mot qu'il utilise dans son bouquin : « Jeune garçon arrivé à l'âge de la puberté ». Ce n'est pas bien vieux.
Pour que le tour d'horizon soit complet, il faut, en sus, rappeler que dans l’émission 93, Faubourg Saint-Honoré, sur Paris Première, animée par Thierry Ardisson en 2005, Frédéric Mitterrand avait, toujours à l'occasion de la sortie de son livre, débattu de l’âge que pouvaient avoir les partenaires sexuels : « Au-dessus de 14 ans, c’est dégueulasse », s’était-il exclamé, déclenchant l’hilarité générale. Cette boutade était tellement drôle. Surtout vue, aujourd’hui, à l’aune de la salutaire réforme du Code pénal par la loi du 21 avril 2021 : aucun adulte ne peut se prévaloir du consentement sexuel s’il a moins de 15 ans.
Les jeunes Thaïlandais compteraient-ils pour du beurre?
Quand il avait été nommé ministre la Culture par Nicolas Sarkozy - cette fameuse ouverture à gauche - en 2009, le FN avec Marine Le Pen, mais aussi le PS en la personne de Martine Aubry ou Benoît Hamon, avaient rappelé son chef-d’œuvre littéraire. À droite, on avait soutenu inconditionnellement le nouveau ministre. « Se servir de la vie privée des gens pour en faire des attaques politiques et politiciennes, avait dénoncé Xavier Bertrand, ça me rappelle les pires heures de notre Histoire, des heures que chacun veut oublier. Et personne n’a intérêt à se situer sur le terrain des extrêmes, c’est un danger pour la démocratie d’utiliser de telles méthodes. » Des propos qui ont mal vieilli : les agissements de Strauss-Kahn ou de Baupin font-ils partie de leur vie privée, et ceux qui les ont dénoncés sont-ils antidémocrates ou même de dangereux fascistes ?
Saluons Le Gorafi qui, sous couvert d’humour (noir), a osé lever l’omerta : « Mort de Frédéric Mitterrand - la Thaïlande décrète trois jours de deuil national. » Pourquoi les « jeunes garçons » thaïlandais seraient-ils moins respectables que les starlettes à peine nubiles du cinéma français et les enfants de chœur du rapport Sauvé, pourquoi les immigrationnistes échevelés de notre monde politique ne semblent n'en avoir aucunement cure, s'empressant de canoniser celui qui qualifiait ces « jeunes garçons », textuellement, « d'esclaves » ?
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste
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98 commentaires
Merci , madame , de cette remise à l’heure des pendules dans ce monde pourri qui ne sait plus où il habite.
Ce concert de louanges médiatiques en dit long sur la moralité de la caste qui nous gouverne ; à noter que la chaîne « rebelle » C News, n’était pas en reste….
Frédéric Mitterrand bénéficie simplement de ce que G.W. Goldnadel appelle très pertinemment le « privilège rouge ».
Un grand merci Mme Cluzel pour cette mise au point ô combien nécessaire qui, encore une fois, souligne l’hypocrisie générale face à des faits clairement abjects – et documentés. Où sont les Gardiens de la Bien-pensance toujours prêts à enfoncer l’homme-blanc-de-plus-de-50ans nécessairement violeur au moindre regard de travers? Ces éloges dithyrambiques sont écœurants mais montrent encore une fois l’instrumentalisation de l’Histoire, récente ou non.
Il serait bon de rappeler la liste des signataires de la fameuse pétition de Matzneff en faveur de l’accès à la sexualité des enfants… autrement dit, légaliser la pédophilie :Sartre, Beauvoir, Kouchner, Sollers, Lang… entre autres.
Le petit entre-soit du monde pervers protégé. Quand on est neveu d’un politique de gauche, devenu président, on est peu susceptible d’être évoqué par la presse … A-t-il été psychanalysé par Gérard Miller ? par Dany Cohn-bendit ?
Certains sont plus noirs que blancs et vice et versa. Il aurait pu en effet garder sous silence ses « appétits » au demeurant peu ragoûtants. Mais est-ce une raison pour vilipender l’homme dans sa totalité? D’abord parce que Frédéric Mitterand était un homme tourmenté. Il n’est pas le seul dans ce cas. Il en a fait part ouvertement ce qu’il aurait pu, par pudeur, garder là encore sous silence. Il ne l’a pas fait dont acte. Cependant on ne peut lui enlever un talent véritable de conteur, d’écrivain et donc de créateur. « Les aigles foudroyés » en sont un exemple parmi bien d’autres. Qu’il ait dilapidé son talent parfois et souvent par dilettante cela est bien possible. Il aurait sans doute dû travailler davantage. Quant à sa voix si particulière, certains auraient pu dire soporifique, elle était celle d’un vrai narrateur. C’est difficile de juger encore plus quand la personne est décédée.
Qu’en sera t’il lorsque Jacq, autre ancien ministre de la culture, fermera l’ombrelle ? Gageons que Gabrielle Cluzel, à nouveau et à bon droit, aura à s’exprimer, car là nous risquerons la Panthéonisation.
Merci chere Gabrielle de rétablir cette vérité. On doit pas dire du mal des morts mais au moins on peut garder le silence sans mentir.
Article parfaitement justifié : le silence, peut être pas mais surement pas ce battage. Présent à cette époque en Thailande, j’accompagnais un ami reporter. Le sujet, la prostitution. Son origine n’est pas occidentale surtout Chinoise et populaire. Chaque village, presque, avait son bordel. A Bangkok, tous les gamins cireurs de chaussures étaient disponibles. Un de ces amateurs, un Français, a fait l’objet d’une reportage télé : les « trottoirs de Manille », Manille pendant de Bangkok. Nous l’avons rencontré à BKK. Une autre époque ou c’était « normal », seule excuse de cet homme cultivé.
Quand on vient de mourir ,c’est fou comme les gens perdent la mémoire !! Merci Mme CLUZEL de nous rappeler certains comportements pas très glorieux !!
Inqualifiable avec des mots corrects. Sartre parlait de la nausée, sans réaliser qu’il la provoquait lui-même. On est dans le même registre…
Merci Gabrielle. Oui ce type était infréquentable au plan de l’honneur societal . Il est resté planqué de longues années bien payées à la Villa Médicis à Rome par son très vertueux oncle gauchiste, et à part sa présence très discutable au ministère des planqués de la République, et à part sa poésie honteuse de l’esclavage sexuel thaïlandais, qu’a-t-il laissé de digne ? RIEN .
Merci chère Gabrielle, de confirmer presque mots pour mots, ce que j’ai dit à propos de Frédéric Mitterrand, à l’annonce de sa mort.
J’en étais en effet, après ces derniers jours de commentaires laudatifs sur F. Miterrand à me demander quand Macron, qui n’a plus que cette décision pour se faire remarquer en bien (à son avis), aller décréter sa panthéonisation.