Frédéric Pichon : « Je me félicite de l’abandon de cette disposition liberticide de la loi anti-casseurs »
Le Conseil constitutionnel a censuré, jeudi 4 avril, l’article 3 de la proposition de loi « anti-casseurs », qui aurait permis aux préfets d’interdire à des personnes de manifester pendant un mois.
Maître Frédéric Pichon réagit au micro de Boulevard Voltaire et revient également sur les récentes arrestations des gilets jaunes Éric Drouet et Maxime Nicolle qui relèvent, selon lui, d'une « intimidation d'État ».
La loi anti-casseurs est passée sous le crible du Conseil constitutionnel. L’article censé interdire administrativement les manifestations a été censuré.
Quelle est votre réaction ?
Je me félicite de cette décision. Dans une précédente interview, j’avais déjà alerté sur le risque particulièrement liberticide de cette disposition. Jusque là, c’était le juge judiciaire qui était chargé, le cas échéant, de prononcer des interdictions. Cela se faisait à la suite d’une condamnation au terme d’une procédure dans laquelle le principe du contradictoire était respecté.
Avec cette nouvelle disposition, on aurait donné tout le pouvoir au préfet de prendre des interdictions particulièrement liberticides, sur la base d’informations auxquelles on ne pouvait pas apporter de contradiction, alors même qu’elles pouvaient parfois relever de la barbouzerie.
Je me félicite de cette décision. C’était la moindre des choses.
Le Conseil constitutionnel n’a pas retoqué l’intégralité de la loi, mais il s’agissait évidemment de la disposition la plus importante de cette loi anti-casseurs.
Cette loi permet quand même la fouille et interdit la dissimulation du visage uniquement sur réquisition du juge. Néanmoins, la loi sur la dissimulation du visage existe déjà dans notre arsenal juridique.
Cette loi existe déjà, mais jusque-là c’était une contravention. Aucune peine d’emprisonnement n’était encourue ou tout au plus une amende. Désormais, il s’agit d’une peine correctionnelle. La personne qui contrevient à cette infraction peut donc encourir une peine de prison.
Les figures médiatiques des gilets jaunes, Eric Drouet et Maxime Nicolle, ont été interpellées. On leur reproche notamment d’avoir organisé des manifestations illégales.
Ces gens peuvent-ils vraiment être condamnés ou assistons-nous à une forme de coups de pression donnés par l’exécutif ?
En ce qui concerne Eric Drouet, il a déjà été condamné le 29 mars à une peine d’amende assez symbolique de 2000 euros pour avoir organisé une manifestation non déclarée. C’est quand même une condamnation.
Chacun d’eux a été convoqué par la suite pour des provocations à commettre des violences publiques. Je crois d’ailleurs qu’ils ont été relâchés. Cela prouve bien que les incriminations ne tiennent pas la route. Il me semble que cela tient davantage de l’intimidation d’État que de la poursuite réelle d’une infraction.
Génération Identitaire a fait parler d’elle jeudi dernier en envahissant la CAF de Bobigny.
Aujourd’hui, le gouvernement s’interroge sur la nécessité ou non de les interdire. C’est certainement lié au fait que le tueur de Nouvelle-Zélande aurait fait des dons à cette association.
Est-il possible et souhaitable d’interdire Génération Identitaire ?
Il me semble que les dispositions qui permettent de dissoudre des associations sont bien encadrées par le code de sécurité intérieure. L’article L 212-1 prévoit la possibilité de dissolution pour des groupes paramilitaires ou des milices privées qui ont pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’attenter, par la force, à la forme républicaine du gouvernement.
On voit bien que ces critères sont assez restrictifs.
Je ne vois pas en quoi monter sur un immeuble de la CAF avec une banderole constitue une atteinte à la forme républicaine du gouvernement. Dans ce cas-là, toutes les associations pour le droit au logement devraient être dissoutes pour atteinte à la forme républicaine du gouvernement.
On n’est malheureusement pas à l’abri que le Conseil d’État se plie aux injonctions du pouvoir politique. Cela s’est passé dans une décision récente relative aux libertés publiques. Je pense notamment à l’arrêt Dieudonné, même si c’est un autre domaine.
En soi, on voit bien qu’au regard des critères du code de la sécurité intérieure, c’est particulièrement disproportionné.
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