Front républicain ou… baiser de la mort qui mènera Marine Le Pen à l’Élysée ?

Lundi matin, la France qui, dimanche 30 juin, a voté massivement pour le RN, faisant arriver ce parti en tête - rappelons qu’en valeur absolue, le nombre de voix du RN a été multiplié par trois en deux ans -, se réveillera peut-être avec un gouvernement de gauche, ou en tout cas la perspective d’un gouvernement de coalition à gauche. La France, qui sondage après sondage, élection après élection, exprime un désir de moins d’immigration, de plus de sécurité, de plus d’autorité et tout simplement de plus de France, aura donc toujours plus d’immigration, moins de sécurité, moins d’autorité et plus de Palestine. Tout est normal. La démocratie à la française, Madame.

Car il faudra bien remercier, à l’extrême gauche, les partis qui se seront désistés pour leurs bons et (dé)loyaux services. Pensons, notamment, aux candidats les plus emblématiques : Leslie Mortreux (NFP), à Tourcoing, dont les électeurs sont priés d’aller voter… Gérald Darmanin. Sur X, il n’y a pas si longtemps, Leslie Mortreux conspuait « l’abjecte loi raciste de Gérald Darmanin ». Aujourd’hui, elle enjoint ses électeurs du 30 juin à voter, le 7 juillet, pour l’auteur de ladite abjecte loi raciste. Ce n’est plus une couleuvre, c’est un boa constricteur.

Et que dire des électeurs de Noé Gauchard sommés d’aller voter Élisabeth Borne, orfèvre de la réforme des retraites. Le candidat du NFP traitait lui-même sa concurrente, il y a quatre jours, de « casseuse sociale », sur X. Et Élisabeth Borne, pendant la réforme des retraites, appelait les manifestants les casseurs, tout court.

Ouverture à gauche, à l'espagnole

Imaginons que tout cela fonctionne, au moins suffisamment pour éviter que le RN ait la majorité absolue. Emmanuel Macron devra donc ouvrir son gouvernement à la gauche, y compris dans ses composantes les plus radicales, mutatis mutandis, comme Pedro Sánchez en Espagne, distancé par la droite aux élections, mais qui multiplie les compromis, les alliances, les coalitions avec l’extrême gauche, les communistes - de Podemos, puis Sumar - pour rester au pouvoir depuis 2018. À l'assemblée, une « majorité plurielle », selon le mot de Gabriel Attal. C’est joli, « pluriel », parce que ça donne une impression de diversité. La pluralité fait penser à la démocratie quand, précisément, on l’a éradiquée. C’est malin.

À moins que ce bidouillage des suffrages ne finisse par se retourner contre les bidouilleurs eux-mêmes. Des montages douteux qui explosent entre les mains des bricoleurs du dimanche, cela arrive souvent, les pompiers peuvent en témoigner.

D'abord parce que l’expression elle-même - « majorité plurielle » - porte la poisse : ce n’est pas Gabriel Attal qui l’a inventée. Cette trouvaille qui a fait florès à la fin années 90 et au début des années 2000 est une trouvaille de l’équipe de campagne réunie autour de Lionel Jospin en avril 1997, après la dissolution de l’Assemblée. Chacun sait que, pour contrer le FN, Jospin ne fait pas vraiment figure de winner.

D'insupportables postures

Ensuite, la grande coalition qu’appelle de ses vœux Yaël Braun-Pivet, embrassant tous les partis politiques - sauf le RN et les LR ralliés - de Mélenchon à Wauquiez, peut être, pour chacun d'entre eux, un baiser de la mort : ce conglomérat laisse imaginer qu’entre les uns et les autres, il n’y aurait qu’une différence de degré, pas de nature. En matière d’immigration, Emmanuel Macron ouvre un peu la porte, Mélenchon l’ouvre grand. C’est le même modèle sur le cintre, l’un est en version XXS, l’autre en XXL. Le résultat est le même. Ce n’est qu’une question de chronomètre. Que dire, aussi, de Xavier Bertrand et Christian Estrosi appelant à voter… communiste ! Toutes leurs postures de droite n’étaient donc que jeu de rôle ? « On dirait que je suis de droite et toi de gauche, moi gendarme, toi voleur, et on change à la récréation. » Estrosi a expliqué, sur Sud Radio, mardi, que les communistes étaient fréquentables puisqu'ils « n’appelaient pas à casser les vitrines ». Le communisme n’appelle pas à briser vitrines, mais il a fait 100 millions de morts. C'est un tout petit peu plus grave, non ?

Savez-vous ce qu’est un jyfoustout ? Ce n’est pas un volcan japonais mais un plat dans lequel on met tous les restes. Ma grand-mère, à la fin des vacances, accommodait ainsi tout ce qui traînait dans le frigo, pour ne pas gâcher. En rajoutant des œufs pour faire le liant. C’était indigeste à souhait mais personne n’osait le lui dire. Macron a fait un jyfoustout politique. Ici, le seul liant de ces ingrédients disparates est la peur du RN. Ce sera très indigeste aussi mais, contrairement à ma grand-mère, personne ne l'épargnera : tout le monde aura très envie de le lui crier dans les urnes en 2027.

Seul le RN restera identifiable

Dans le jyfoustout, on écrase à la fourchette les ingrédients tous ensemble, qui deviennent méconnaissables. Seul le RN sera encore identifiable en tant qu’opposition, car laissé de côté. Une seule différence : le jyfoustout est normalement un gratin. Là, il est préparé dans une cocotte minute, avec le couvercle sur les rancœurs et les frustrations de chacun, histoire qu’elles soient sous pression et qu’elles macèrent bien ! La France sera ingouvernable, tirée à hue et à dia dans tous les domaines. Autant dire que ce sera explosif. Peut-être en fait, bien un volcan, mais français, celui-là. Et pour le moment, nos politiques dansent dessus, inconscients, seulement ravis d’avoir trouvé le moyen, tordu s'il en est, de sauver momentanément leur siège.

• Je vous retrouve désormais le mercredi et le jeudi sur CNews dans Face à l'Info, chez Christine Kelly.

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