Gabriel Attal face à Jérôme Bayle : joli coup, mais la révolte continue

Quand le malaise est tellement profond, même les mesures de bon sens de Gabriel Attal ne suffisent plus.
attal agriculteurs

Il y a une chose que l'on ne pourra pas reprocher à Gabriel Attal : le choix des images et des lieux. Venir annoncer ses mesures destinées à répondre à la révolte des agriculteurs dans une cour de ferme, derrière une botte de paille, puis aller rencontrer, sur l'A64 bloquée, les agriculteurs, dont Jérôme Bayle, leader du mouvement dans la Haute-Garonne, que l'on prenait pour un gros dur indomptable : l'image du vendredi soir est parfaite. Pour Gabriel Attal, qui traînait le boulet Oudéa-Castéra depuis sa nomination, l'adoubement par Jérôme Bayle, avec apéritif improvisé sur le blocage pour célébrer les « preuves d’amour » données, est une aubaine médiatique. Coup double pour le nouveau Premier ministre : il y a de fortes chances qu'il éteigne le mouvement et il vient de gagner, en un vendredi soir, son diplôme « cul des vaches » que ses prédécesseurs mettaient des décennies à acquérir. Gabriel Attal est un habile, c'est confirmé. D'autant plus qu'il n'est pas venu les mains vides : la fin de la hausse de la taxe sur le GNR (gazole non routier) - un camouflet pour Bruno Le Maire et le ministre du budget de l'époque, un certain ... Gabriel Attal - faisait partie du voyage. C'était une revendication phare du mouvement. Le gouvernement ne pouvait pas faire moins.

Et pourtant, vendredi soir, plusieurs signes montraient que, contrairement aux troupes de Jérôme Bayle, d'autres agriculteurs n'étaient pas prêts à s'arrêter là. À Nîmes, dans la soirée, un bureau des douanes était incendié, causant d'importantes dégradations. À Agen les agriculteurs étaient toujours très mobilisés. Au niveau national, la FNSEA a appelé à poursuivre le mouvement, estimant que le Premier ministre n'avait répondu que partiellement aux raisons de la colère. Pour Arnaud Rousseau, son président, « il y a encore beaucoup de revendications auxquelles le ministre n’a pas répondu, notamment sur le prix, les surtranspositions européennes en droit français, les retraites agricoles parmi les plus faibles ou sur la question de l’élevage ». On en arrive au paradoxe de voir les syndicats traditionnels, jugés cogestionnaires, dépassés dans un premier temps par la base et un leader improvisé comme Jérôme Bayle, se positionner eux-mêmes en plus radicaux que cette base. Très compréhensible : en termes de crédibilité, ils ont eux aussi besoin, comme Gabriel Attal, de profiter de ce mouvement.

Sur le fond, le cahier des doléances est tellement large (120 revendications ici, 80 ailleurs) qu'évidemment, le compte n'y est pas. Pour Jérémy Choquet, secrétaire général des Jeunes Agriculteurs en Bretagne à l'origine des blocages bretons, « les annonces ne semblent pas suffisantes. L’élevage est le grand oublié du jour. La concurrence ukrainienne sur la volaille n’a même pas été abordée. »

Mais plus profondément, les agriculteurs, comme l'opinion publique qui les soutient massivement, savent que c'est le cadre général (européen, mondial, écolo-dingo) qui est la source de leurs problèmes et qui les tue. C'était, en substance, la réaction de Marine Le Pen, vendredi soir, et l'analyse de Philippe de Villiers.

Quand le malaise est tellement profond, tellement ancien, même les bonnes initiatives, comme les mesures de bon sens indispensables annoncées par Gabriel Attal, ne suffisent plus. C'est trop peu, et trop tard. Et quand la conscience se fait qu'il faut sortir du cadre, c'est que l'on va vers une révolution. Ou une grande alternance.

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Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

65 commentaires

  1. Et pendant ce temps là l’autre signait des accords avec le Chili pour importer encore davantage de produits , hors normes évidemment , pour inonder le marché français et tué davantage nos paysans .

  2. Je ne sais pas si vous avez compris ce que ATTAL a proposé sur le GNR. Moi rien. Le problème, ce n’est pas ATTAL, c’est Macron et sa soumission absolue aux dictats de la commission. Instance à laquelle, on ne sait pourquoi, les pays de L’euro ont délégué leur souveraineté. Il faut abolir ce machin d’urgence avant qu’ils ne détruisent définitivement par l’immigration et le mondialisme ce qu’il reste de nos civilisations…

  3. Gabriel Attal a fait preuve d’un cynisme très vicieux en laissant fuiter que ses annonces sont le fruit d’une négociation avec Jérôme Bayle ! En effet, il s’est affranchi d’une discussion avec tous les représentants syndicaux (FNSEA, CR, JA, CP, MODEF), ce qui les a vexés, et donc déterminés à continuer. C’était certainement le but recherché car ils misent sur le pourrissement. Et en négociant avec un agriculteur lambda à l’origine de la mobilisation, Attal pense délégitimer la poursuite du mouvement désormais amputé de son instigateur. Sauf que contrairement aux manifestations agricoles passées, ce n’était pas les sièges syndicaux nationaux qui ont porté la mobilisation mais bien la base syndicale qui s’est exprimé. Arnaud Rousseau, Véronique Le Floch, etc. n’ont eu d’autres choix que de dire On continue, car c’est bien la volonté d’en bas que de continuer ! D’où cette giletjaunisation. Mais personne n’en voudra à Jérôme Bayle car c’est une grosse pression que de négocier avec un premier ministre lorsqu’on n’a jamais eu aucun rôle de représentation. Peut-être étais-ce la proie la plus facile pour le gouvernement.

    • En effet, je partage votre analyse… Les syndicats, que ce soit ceux des agriculteurs ou ceux des policiers, n’empêcheront pas les uns et les autres de se suicider dans l’indifférence générale. Force est de constater que dans ce pays, les syndicats quels qu’ils soient, ne servent à rien. Pour être efficace, les agriculteurs Français devraient se coordonner avec leurs homologues Allemands. (Qu’ils mandatent les Alsaciens pour prendre contact) et d’autres professions, également touchées par les absurdités de l’UE devraient entrer dans la danse. C’est le moment où jamais. Les transporteurs, les TP, les petits artisans et commerçants…

      • En Moselle il y a eu des manifestions communes de part et d’autre de la frontière, même chose dans les Ardennes avec les agriculteurs belges. Pour le moment le mot d’ordre dans chaque pays semble que les agriculteurs de chaque pays demandent à leurs gouvernements respectifs de faire pression sur Bruxelles. Si après cela, les gouvernements n’ont pas ce courage de faire déchanter la commission européenne, il y a fort à penser que la profession s’en prendra conjointement directement à Bruxelles. Tout cela se traduira dans les urnes et créera un précédent.

  4. Belle pièce de théâtre. On a trouvé un porte-parole bidon, en maintenant, par un moyen ou un autre, on va lui faire fermer sa gueule. Et l’ordre reviendra. Bruxelles aura été obéit

  5. Cela se voyait comme le nez au milieu de la figure: Un homme que l’on voyait en arrière-plan, mal à l’aise, un peu perdu face au discours d’Atal mais qui dodelinait de la tête tout en acquiesçant les paroles de ce dernier. Puis le contentement voire le consentement à peine retenu de Jérôme Bayle comme s’il y avait eu un accord entre le Premier Ministre et lui-même pour approuver les mesurettes énoncées. On se fout vraiment des agriculteurs, ça au moins c’est une certitude.

  6. Pour moi cette révolte est terminée , les paysans se sont laissés berner par des mesurettes alors que l’essentiel est géré à Bruxelles et ne changera pas , ils vont tous disparaitre en regardant passer les camions de fruits et légumes de l’étranger ,les pêcheurs pareil au nom de la sauvegarde des dauphins .Attal leur a fait le coup du joueur de pipeau de Fulda et les a entrainés vers le néant. Ceci n’augure rien de bon pour les européennes , les Français vont continuer à creuser leur tombe avec le sourire .Je suis écoeuré .

  7. Nous n’avons que des communicants, mais ce ne sont pas des politiques. Ont ils pris la mesure qu’en annonçant la fin de la hausse de la taxe sur le gazole non routier pour les agriculteurs ils ouvrent ainsi la voie à l’extension de cette demande pour toutes les autres professions et même à l’ensemble des consommateurs. Non, c’est une mesurette et un report, ne nous leurrons pas. On ne peut à la fois se soumettre à l’Europe et annoncer qu’on a compris le malaise des paysans. La France dispose d’un atout imparable, celui de contribuer plus à l’Europe qu’il ne reçoit. Ne pas profiter de cet avantage pour relancer notre agriculture signe la volonté de ne rien changer.

  8. Bien roulés dans la farine par un communiquant qui n’a pas apporté grand chose …. Après on peut évidemment se demander ce qui s été promis à cet agriculteur pour son cas personnel…

  9. Sympathie ( ou quelque chose comme ça ) ; sorte de fragilité ( apparente ) etc Bonne volonté apparente ( en service commandé, certes ). Comment ne pas être « gentil » avec de tels personnages ? Le problème est la survie et la pérennité du métier d’agriculteur qui semble inérant à la France ! ( sans parler _ de plus_ de l’entretient des paysages etc ). Ce n’est pas de gaité de coeur que les paysans bravent le froid et s’occuppent en même temps de leur exploitation. S’ils cèdent un peu trop vite, il n’auront fait que gagner quelques années de sursis, alors qu’il faut sauver et ramener à sa vraie place notre agriculture.

  10. Le « joli coup » de Attal n’est pas autre chose que la bonne vieille technique du « diviser pour régner ». Si Monsieur Bayle est surement une personne hautement respectable, il semble évident que le gouvernement n’a eu aucun mal pour lui faire prendre des vessies pour des lanternes. J’ai l’impression que cela sera une toute autre affaire avec le patron de la FNSEA ainsi qu’avec les autres paysans.
    Si Macron croit que cette histoire est terminée il se fiche le doigt dans l’oeil.

  11. Attal comme les prédécesseurs vient de tomber dans la mare aux cochons, Bayle c’est fait enfumer, lorsqu’il y a accord il y a signature entre les 2 parties, là rien des paroles toujours des paroles, que fait-on de l’Ukraine ? que fait-on du Mercosur ? que fait-on de l’accord avec la Nouvelle Zélande où les copains de monsieur Attal ont voté à Bruxelles ? rien de nouveau, que du bal bla, l’examen du cul des vaches n’est pas réussi, il viendra peut être en rattrapage ?

  12. Si le premier ministre voulait vraiment rassurer le monde agricole, il n’aurait pas du se faire accompagner de Christophe Béchu qui ne peut s’empêcher de voler la vedette à Marc Fesneau.

  13. Gazole : annuler une hausse, ce n’est pas une baisse. Le revenu du paysan n’augmente pas, on empêche qu’il ne baisse davantage. De plus, l’Etat compense, c’est donc un nouvel impôt pour tout le monde. Enfin, certains auront vu des vaches de près.

  14. Quand un énarque s’attaque à un adversaire multiforme, il choisit toujours le maillon faible. Dans le cas de M. Attal, en plus il assure au passage sinon sa popularité mais au moins son courage. Bravo, ça c’est de la communication.

  15. … « Joli coup… » ?
    Ça ressemblait à tout sauf à un joli coup !
    Ça ressemblait à un enterrement de 1ère classe !

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