[EDITO] Gabriel Attal vise l’Élysée : une ambition égoïste, froide et blessée

Capture d'écran Gouvernement
Capture d'écran Gouvernement

On le sait : le deuil du pouvoir est pour tout homme politique un exercice difficile, un détachement suprême, une petite mort, quel que soit le bilan de son mandat. C’est très net avec le couple François Hollande et Ségolène Royal. C’est plus évident, encore, avec Gabriel Attal. Dans un entretien fleuve au Point, il le clame sans vergogne : « J’ai une histoire à écrire avec les Français ! » Façon d’avouer qu’il se verrait bien calife à la place du calife. Auréolé d’un parcours express jusqu’à Matignon, cet enfant gâté de la Macronie a accumulé tous les pouvoirs, les a perdus en quelques heures et ne s’en console pas.

De Gaulle et Giscard avaient fait plus sobre...

Contrairement à Emmanuel Macron, qui a bondi du secrétariat de l'Élysée sous François Hollande jusqu’à la présidence pour deux mandats, Attal a vu ses ambitions brisées net par une dissolution décidée, sans qu’il ait eu son mot à dire, par le même Macron. L’homme qui avait créé Attal l’a jeté lui-même hors des palais de la République. Un accident de parcours qui ne passe pas. C’était évident lors de la passation des pouvoirs avec Michel Barnier. On se souvient de son discours interminable, convoquant ses valeurs, sa famille, son bilan et les dossiers qu’il a si bien gérés qu’il les confie à son successeur, sans oublier de lui tirer l’oreille. « Le dossier est sur votre bureau, Monsieur le Premier ministre », répétait Attal. Sous-entendu : tentez donc de faire aussi bien, puisque vous ne pourrez faire mieux. De Gaulle ou Giscard et son fameux « Au revoir » avaient fait plus sobre… Attal a pourtant passé moins de huit mois à Matignon, soit le deuxième mandat le plus court sous la Ve République après celui de Bernard Cazeneuve. Du haut de ses 73 ans, Barnier a donc remis à sa place le jeune trentenaire, faisant à nouveau saigner la blessure d’amour-propre du ministre limogé. En voilà deux qui ne partiront pas en vacances ensemble…

Désormais, c’est un grand brûlé au soleil du pouvoir qui préside aux destinées du groupe macroniste à l’Assemblée nationale. Un homme mû par la revanche et ce qu’il vit comme une injustice personnelle. Sa relation avec l’Élysée ? « Elle est nécessairement différente, maintenant que je ne suis plus Premier ministre », évacue-t-il. Attal en veut à Macron : en cela, il rejoint François Hollande qui estime, lui aussi, avoir été trahi par un Emmanuel Macron qui lui devait tout. Orgueilleux, frustré, piaffant, Attal prend l’allure d’une grenade dégoupillée dans le champ politique. Le voilà prêt à tout pour montrer qu’il existe, qu’il est incontournable et qu’il reviendra vite dans les fauteuils d’un pouvoir qu’il n’aurait jamais dû quitter.

Ambition froide

Ainsi, chaque camp peut craindre les ambitions blessées de Gabriel Attal : il utilisera le RN comme épouvantail - « Tout gouvernement qui aurait le RN pour béquille est condamné à chuter », dit-il au Point - et le NFP comme faire-valoir de sa grande responsabilité, alors même que la durée symbolique de son mandat le prive de tout bilan. Il utilisera le groupe Ensemble à l’Assemblée pour atteindre l'Élysée, quitte à mettre en danger le président de la République et l’unité de la Macronie. Enfin, les LR ont toutes les raisons de se méfier d’un ancien Premier ministre sommé de s’entendre avec celui qui l’a détrôné : Michel Barnier. « Rien ne pourra se faire sans nous, menace Attal. Et si nous parvenons à des compromis, alors ce sera : "Le Parlement décide et le gouvernement exécute". » Les mots claquent comme des ordres. Attal va jouer le chantage permanent, divisant ainsi ses troupes, avec une idée fixe : se placer avantageusement dans les sondages d’opinion dans la perspective des futures présidentielles.

Le plus jeune Premier ministre de la Ve République cumule ainsi, à 35 ans, un carriérisme d’airain, un esprit de querelle partisan et un ressentiment qui l’écrase. À côté de cette ambition froide, nulle place pour l’intérêt de la France et des Français, pour le souci des agriculteurs qu’il avait pourtant tenté de séduire et qui se méfiaient du personnage. Avec raison. Le jeune Premier ministre cachait alors son ambition personnelle. Elle apparaît aujourd’hui au grand jour. Amer, furieux, égocentrique, Attal ressemble à bien d'autres élus et paraît déjà très vieux, quand Barnier incarne pour les Français, à tort ou à raison, une lueur d’espoir. Sic transit !

Picture of Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

62 commentaires

  1. Il est temps pour les Français(es) d’arrêter d’envoyer à la tête de l’Etat, PR ou PM, des gamins n’ayant aucune envergure politique

  2. M. Baudriller, juste comme souvent.
    Le masque tombe. Enfin il se révèle au public tel qu’il est intrinsèquement. Je crois qu’il a déjà perdu, mais on ne sait jamais avec les électeurs.

  3. Le Pays a beaucoup plus besoin d’un Trump à la française que d’un beau jeune homme présentant bien mais n’ayant rigoureusement aucune envergure. Dans le genre nous aurons bientôt donné 8 ans à un pseudo jupiter qui aura fait mourir la France à petit feu.

  4. Il a eu une heure de gloire son combat contre l’abaya (immédiatement remis en cause).
    C’est bien mais c’est peu.

    • Un « combat » ? Ou plutôt de la com ?
      C’est un très bon communicant, il ne sait faire que cela. Comme sa mise en scène avec la botte de foin servant de pupitre, entouré des agriculteurs qui attendent toujours les belles promesses….

  5. Dans cette fange des compromissions (pour garder des places), espérons que les Français n’oublieront pas le jeu des chaises musicales qui ont écarté de facto la représentation par le RN de 11 millions d’électeurs. Qu’ils n’oublieront pas non plus que Monsieur Attal a fait partie des artisans qui les ont bafoués sans état d’âme pour des raisons fallacieuses qui ne se justifient en rien. Qu’il le veuille ou non, le RN est aux portes du pouvoir. Aux Français de concrétiser l’essai.

  6. Ces jeunes gens extrêmement compétents, qui ne savent rien, parce qu’ils n’ont pas même la modestie de vouloir apprendre. L’échec, et même l’échec répété, est un apprentissage nécessaire. Peut-être dans 25 ans ?

  7. D où sortent ils tous ces nouveaux en politique, ambitieux mais incompétents, incultes et sans connaissances aucunes du passé de notre pays qui fût grand; ils ont la bave aux lèvres et le mors aux dents.

  8. Il fut Premier ministre éphémère après avoir été bref ministre de l’éducation nationale et avoir été ministre du budget une courte année. Sans parler de ses rapides postes de secrétaire d’état à l’enseignement, aux comptes publics et d’avoir été rapidement porte parole du gouvernement. Gabriel Attal a 35 ans, c’est un homme pressé, il a atteint le siège de deuxième homme de l’état à peine quelques temps après la disparition de son dernier bouton d’acné. C’est remarquable. La seule chose à remarquer c’est son âge juvénile. Parce que pour ce qui est de son action, on retiendra du bref premier ministre un discours sur une botte de foin. Et rien d’autre. Pour paraphraser Claude François, ça s’en va et ça revient.

    • Il n’est jamais resté plus de 6 mois à un même poste.
      Comment mettre en place une véritable politique de fond ?
      Il est aussi inutile que les autres, seule sa petite personne compte.

    • Sur une botte de paille , juste pour mieux flouer , > le monde agricole ,un peu aussi avec le complicité plus moins lourde du président de la FNSEA , simultanément très riche industriel agro alimentaire

  9. Quand on voit le cirque pour constituer le nouveau gouvernement, l’état d’esprit d’Attal on se rend compte que le devenir de la France n’est qu’accessoire par rapport à leur propre ambition, évidemment la politique c’est un métier et comme dans tous les métiers certains s’intéressent plus à leur carrière qu’à leur travail, mais en politique on s’intéresse plus à sa carrière pourtant beaucoup sont fonctionnaires et ne risquent pas d’être au chômage, ils reprendront leur place c’est tout, leur orgueil en aura souffert certes.

  10. L’ambition et la compétence, cela fait deux. On a déjà eu des exemples avec Fabius,
    Juppe et bien d’autres… ce qui explique la situation de la France aujourd’hui.

  11. Attal est un arriviste, l’homme des coups. Sa motivation, parvenir au sommet. Et ne pas hésiter à exploiter les coups les plus tordus. Le front républicain d’entre deux tours, son bébé machiavélique. En son absence, l’ordre des choses aurait été respecté, la France ne serait pas dans cette désastreuse errance. Si les français ont de la mémoire et du bon sens, il ne risque pas d’être élu Président. En arrière plan, il est une copie conforme de Macron. Il utilise les mêmes ficelles. Il blablate, c’est lui, c’est moi le meilleur.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Un vert manteau de mosquées

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois