Gala des pièces jaunes : symbole de l’affaissement général du niveau musical ?
Ce n’était pas forcément mieux avant, mais il est sûr que c’est pire aujourd’hui, tel qu’en témoigne le programme du Gala des pièces jaunes, millésime 2025, tenu à Paris, ce jeudi 23 janvier.
Ainsi, pour sa troisième édition, la sauterie en question rassemble Burna Boy, l’une des voix de l’afro-beat, genre par rapport auquel le rap ferait presque figure de musique de chambre, John Legend, chanteur de R'n'B (ce dernier est globalement au rythm and blues originel ce que Lidl est à Fauchon) et Katy Perry, sorte de Jeanne d’Arc américaine partie bouter Donald Trump hors de la Maison-Blanche ; ce, avec le succès qu’on sait. Mais ce bonheur ne serait pas complet si Aya Nakamura, la Castafiore de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de 2024, n’avait été de la fiesta, ainsi que plusieurs « stars » de la K-pop sud-coréenne, sous-R'n'B encore plus vomitif, dont Rosé, J-Hope, Taeyang et G-Dragon. Déjà, rien que les noms…
Bref, une « programmation rutilante », nous annonçait Télérama. Pas faux, tant il est vrai que tout ce qui brille n'est pas d'or.
Les musiciens classiques boudés par les médias
Après, soyons justes, il y en a tout de même trois qui sauvent l’honneur : le violoncelliste Gautier Capuçon, le pianiste Lang Lang et la soprano Pretty Yende, même si, le lendemain du raout, médias et réseaux sociaux ne font guère état de leur participation. Malgré tout, voilà qui illustre au moins le grand avantage de cette musique qu’on dit « classique » : c’est que jamais elle ne se démode. Il y a d’ailleurs fort à parier que le trio continuera une longue carrière, tandis que les autres n’auront été que les reines d’un soir.
En 2023, pour la première édition de ce gala, tout cela n’avait pourtant pas trop mal commencé, avec les prestations des sympathiques Mika et Vianney, aux voix certes pasteurisées, mais qui connaissent au moins leur métier. Mais surtout, il y avait Michel Polnareff, qui nous fit un temps oublier le reste du plateau, dont Lisa, une Thaïlandaise officiant au sein du même Blackpink, ou encore le rappeur américain A$AP Rocky, sûrement plus attiré par l’odeur du billet vert que celle des pièces jaunes.
Le syndrome des Enfoirés ?
En 2024, il y a encore eu une sorte de petit sursaut de dignité, avec la prestation d’Ibrahim Maalouf, l’immense trompettiste libanais qu’on sait. Une erreur de casting, peut-être.
On notera que les manifestations du bizness humanitaire ont toutes connu la même pente fatale, tels les traditionnels concerts des Enfoirés. Déjà, en 2011, le défunt Jean-Louis Murat, éternel trublion de la chanson française, affirmait que ces derniers sont la parfaite incarnation d’un « système dégoûtant », épinglant au passage les artistes qui y participent : « Les jolis cœurs, les plus-généreux-que-moi-tu-meurs, je n’y crois pas du tout. La vraie générosité, elle est silencieuse. Ça ne doit pas devenir un élément de promotion. » Dans la foulée, Eddy Mitchell, autre ronchon emblématique, déclare, la même année : « Je suis un chanteur professionnel, je ne vais pas chanter avec un footballeur. Ou alors, on fait Les footballeurs font les restos. Pourquoi pas ? Ou Les icônes télé font les Restos du cœur, avec Mimie Mathy, mais le mélange, je ne comprends pas. Tout le monde veut chanter, ça paraît tellement simple et facile, et tout le monde chante comme des pinces ! »
Qu’est devenu la chanson française ?
De fait, si cette fête à neuneu illustre à merveille la baisse générale du niveau musical de nos artistes et celui de leurs homologues étrangers, il ne saurait expliquer le phénomène. Il est d’autant plus criant, en France, que nous avons été riches d’un vivier de chanteurs à nul autre comparable. De Georges Brassens à Léo Ferré, de Bernard Lavilliers à Jacques Higelin, de Michel Delpech à Claude François, de Claude Nougaro à Francis Cabrel, de Michel Sardou à Serge Reggiani ; et encore... on en oublie.
Leur point commun ? Il s’agissait de carrières pensées sur le long terme par les maisons de disques. Les musiciens qui les accompagnaient venaient du jazz et les arrangeurs chargés de mettre en forme leurs chansons étaient de véritables génies, tels Michel Colombier ou Jean-Claude Vannier. Certes, les télés-crochets existaient déjà, tel Le Petit Conservatoire de Mireille. Mais elle, au moins, sut dénicher une Françoise Hardy. Aujourd’hui, de Star Academy en À la recherche de la nouvelle star, ne sortent que des produits formatés, prêts à consommer et à vite jeter. Le niveau a tellement baissé qu’on tient désormais une Juliette Armanet pour la nouvelle Véronique Sanson ; c’est dire.
Le constat d’un musicologue américain
Dans Rock & Folk, le musicien Bertrand Burgalat, patron du label Tricatel qui fêtera ses trente ans dans quelques mois – excusez du peu – et, par ailleurs, président du Syndicat national de l’édition phonographique – excusez, une fois encore, du peu –, cite ces mots du musicologue américain Bob Lefsetz, quant à l’avenir de la musique de son pays pour l’année qui s’annonce. Ils sont à savourer, car tout y est dit : « Les rockers classiques continueront de mourir. La country va s’étendre et s’étendre, c’est le nouveau hip-hop, mais l’élite du Nord qui contrôle les médias continue de la prendre de haut, haïssant les mêmes personnes qu’elle croit ignorantes et qui ont voté pour Trump. De plus, à l’heure actuelle, les artistes country, contrairement à ceux de la pop, ne dépendent pas des hits, ils bâtissent des carrières, et les carrières sont éternelles. Ceux qui vendent des billets dans les clubs et théâtres sont complètement différents de la pop qui domine le Top 50 de Spotify. Malgré tout le battage médiatique pour cette dernière, les gagnants sur la route savent jouer de leurs instruments et ne dansent pas sur un disque dur. […] La formule magique est juste en face de nous : les nouveaux groupes devraient être forcés d’écouter les Beatles pour l’obtenir. Car non seulement les Beatles pouvaient écrire des chansons mémorables, mais ils savaient aussi chanter. »
Rien à ajouter. Ce qui est vrai là-bas l’est aussi ici. Sauf qu’il nous manque peut-être l’équivalent de leurs chanteurs de country.
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40 commentaires
Pourquoi s’étonner alors que la responsable en titre, une certaine Brigitte, se pense géniale ? Il ne suffit pas pour l’être d’avoir épousé un président qui tombe en désuétude. Il faut aussi du talent…et là…..!
On en oublie … au moins un, Serge Lama !
Tous les « artistes » présentés sont appréciés du couple Elyséen je le suppose, lequel est aussi loin de la Musique que de la politique française !