Les gamins de Pantin n’iront pas à l’Élysée

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Et encore une polémique dont nous avons le secret en France. Le Parisien nous apprend que les portes du palais de l’Élysée resteront fermées cette année au conseil municipal des enfants de Pantin (Seine-Saint-Denis). Une « tradition » qui remonte, non pas à René Coty, mais à François Hollande. En 2014, ce dernier avait ouvert son palais aux gamins, sans doute parce qu’il est gentil et aussi, peut-être, pour faire plaisir à un copain du Parti socialiste : Bertrand Kern, qui arracha cette ville en 2001 aux communistes.

Il paraît, toujours selon Le Parisien, que les enfants, qui avaient écrit leur petite lettre au Président, ont reçu une réponse "glaciale" du cabinet présidentiel. Sans doute une lettre dans le plus pur style administratif dont la France, comme pour les polémiques, a aussi le secret de fabrique : "La résidence officielle du chef de l’État" n’est ouverte "qu’en de très rares circonstances". En gros, revenez pour les Journées du patrimoine et, mieux encore, visitez virtuellement le palais par le truchement du site Internet de l’Élysée.

Pour justifier la décision, les services de l’Élysée invoquent le besoin de tranquillité du Président et de la première dame. Effectivement, imaginez une ribambelle de mouflets en train de s’extasier devant des portraits hauts comme deux étages d’immeuble et tombant, tout d’un coup, devant Brigitte Macron, encore en nuisette, faisant faire ses besoins au chien Nemo. Il se trouverait bien un sale gosse pour immortaliser la scène avec son portable. Sauf que ces visites se limitaient aux salles de réception. Les lieux de travail et les appartements privés restaient évidemment interdits à la visite.

Bien sûr, les enfants sont déçus et les étoiles dans les yeux fondent en larmes. "Emmanuel Macron a pris une mauvaise décision", déclare même un citoyen pantinois de 10 ans, avec l’aplomb d’un opposant invité au 20 Heures. C’est fou, la précocité de ces nouvelles générations ! Là, on commence à faire pleurer dans les chaumières : le monsieur, il a pas voulu qu’on vienne et pourtant, rapporte le quotidien, "j’aurais adoré lui serrer la main", mais "on nous a dit qu’il était trop occupé". On peut comprendre les enfants.

Cette triste histoire – il y a plus triste, quand même, par les temps qui courent – nous amène quelques réflexions. Pourquoi les enfants de Pantin plus que d’autres ? Parce qu’ils avaient demandé les premiers ? Et le principe d’égalité, on en fait quoi ? Alors, si tous les conseils municipaux d’enfants de France (35.000 communes) devaient passer à la queue leu leu à l’Élysée pour leur parcours initiatique citoyen, Emmanuel Macron serait obligé de recruter du monde pour faire la visite. Bruno Le Maire, par exemple, qui s’y crut peut-être un jour… Un truc à déménager la présidence ailleurs où il faudra, alors, plus tard, aussi organiser des visites car, comme le déclare le maire de Pantin, le palais du chef de l’État "n’appartient pas au président de la République mais à tous les Français". Bref, on n’est pas sorti de l’auberge.

Autres remarques. Est-on obligé, dès l’école primaire, d’inculquer, d’une certaine manière, à des mioches le principe de privilèges acquis d’avance ? Nos copains y sont allés donc on y a droit... Les politiques sont-ils obligés de pousser les enfants devant la mitraille médiatique pour exploiter ensuite, avec la grosse artillerie de la polémique, la situation. "Cela donne l’image d’un monarque républicain intouchable qui ne plaît pas", a déclaré Bertrand Kern.

Cela dit, sous la monarchie, tout sujet pouvait en principe accéder au roi. Il suffisait de se présenter chapeauté, l'épée au côté. En plus, ça faisait marcher le petit commerce à l’entrée du château de Versailles, où l’on pouvait louer les accessoires. Leurs descendants vendent aujourd'hui des cartes postales. Plusieurs milliers de personnes (entre trois et dix mille) y passaient chaque jour. Emmanuel Macron devrait peut-être y réfléchir...

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 10/09/2024 à 8:58.
Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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