Génération fantôme
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« Après avoir passé plusieurs mois confinés, à sacrifier nos libertés et la construction de notre avenir, sans nous poser de questions : nous suffoquons. Nous, étudiants, avons dû lutter, seuls, chacun de notre côté pour simplement continuer à vivre. Et pourtant, vous vous adressez rarement à nous. Avez-vous oublié vos 20 ans ? C’est déjà difficile de se construire et de se projeter dans une société divisée et en crise. Il devient impossible de continuer à donner un sens à notre existence. » Lucile Bregeon a 21 ans. Cette étudiante en troisième année de licence de communication à Angers vient d’écrire une lettre au président de la République pour l’alerter de la grande détresse des étudiants.
Et les témoignages de cette génération ne manquent pas sous le #etudiantsfantomes, entre solitude et démotivation, grande précarité (certains ont perdu leurs petits boulots de serveurs, et tous les restaurants universitaires ne sont pas restés ouverts), exiguïté des logements, temps sur les écrans, et surtout absence de perspectives et de lien social. Dans ce climat « carcéral », certains expliquent ne plus s’habiller le matin et travailler depuis leur lit, d’autres ne peuvent se payer qu’un repas par jour… « La place des étudiants, c'est au resto U, pas aux Restos du cœur », insistait Stéphane Troussel, le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, sur Franceinfo.
Le décrochage est devenu une réalité, même s’il est difficile à mesurer tant que les partiels de janvier ne sont pas encore passés. « Ceci n’est pas un appel irrationnel, c’est le cri de détresse d’une génération en péril. Nous sommes 2,73 millions d’étudiants, représentant la société de demain. Nous devrons reconstruire la France, l’Europe et le monde », poursuit Lucile dans sa lettre. Mais ces adultes de demain se sentent abandonnés. « On parle beaucoup des bars et des restaurants, dénonce-t-elle, mais on a l'impression qu'on va rouvrir [les universités] après eux ! » regrette-t-elle.
L’heure est grave
Acculés au désespoir et sans voir la lumière au bout du tunnel, certains tentent de mettre fin à leurs jours. Tel cet étudiant en master de droit à Lyon qui s’est défenestré, samedi 9 janvier, et dont le pronostic vital est engagé. Mardi 12, une autre étudiante lyonnaise a tenté de se jeter par la fenêtre. Finalement, elle a été prise en charge et ses jours ne sont pas en danger. « On est 1 étudiant sur 5 à avoir eu des pensées suicidaires récemment, 30 % à présenter des états dépressifs et anxieux. » tweet Mona sous le #etudiantsfantomes.
Interpellée sur le sujet à plusieurs reprises dans l’Hémicycle lors des questions d’actualité au gouvernement, ce mercredi, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation Frédérique Vidal répond : « On n’a jamais vécu une situation de cette sorte. […] Notre objectif est désormais d’accompagner le retour des étudiants dans les établissements. Le Premier ministre avait souhaité un deuxième semestre le plus normal possible ».
C’est aussi ce qu’espèrent Théodore Babarit et Benjamin André, deux étudiants qui ont réalisé cette vidéo qui tourne sur les réseaux sociaux et invite le gouvernement à adapter les protocoles aux milieux universitaires. « Un ordinateur ne remplacera jamais un professeur » et « L’humain est un être social », rappellent-ils. Puissent-ils être entendus, il en va de la santé des étudiants et de la qualité des enseignements.
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