Geoffroy Lejeune : « Éric Zemmour fait déjà de la politique »
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Marine Le Pen aurait proposé à Éric Zemmour une place sur la liste du Rassemblement national aux élections européennes. Réaction de Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction de Valeurs actuelles et auteur, en 2015, d'Une élection ordinaire, livre de politique-fiction dans lequel il racontait l'accession d'Éric Zemmour à la présidence de la République.
Marine Le Pen aurait envisagé qu’Éric Zemmour soit candidat aux européennes.
Cette information est-elle crédible ?
Selon les informations que j’ai, on lui aurait proposé la 3e place. Cela peut être interprété de deux manières. Soit on considère que c’est une proposition alléchante, puisqu’il était sûr d’être élu député pour le Rassemblement national. Soit on considère que c’est un affront pour quelqu’un comme Éric Zemmour, qui est extrêmement connu, influent sur ses idées et talentueux dès qu’il s’agit de débattre.
C’est une figure politique importante dans le paysage depuis plusieurs années. Il a une lecture exactement inverse de celle apportée par les médias. Lui proposer la 3e place de la liste du Rassemblement national était, de la part de Marine Le Pen, lui dire « Je lui ai proposé, mais en étant sûr qu’il n’accepterait pas ».
Comment expliquez-vous l’impatience qu’auraient certains à voir Éric Zemmour se lancer en politique ? Est-ce parce qu’il serait le meilleur ou parce qu’on manque cruellement d’offre politique à droite ?
C’est un peu les deux. D’une part, il y a un déficit de personnages pour incarner ce qui est majoritairement souhaité par les électeurs de droite, c’est-à-dire une droite populiste, conservatrice, identitaire, aussi courageuse que l’est Éric Zemmour sur les sujets de l’immigration et de l’islam.
Il se dégage quelques personnalités qui, d’une manière ou d’une autre, incarnent un peu cet espoir-là. Elles peuvent porter un espoir crédible et sérieux à long terme pour la droite.
D’autre part, depuis quelques années, nos politiciens professionnels au pouvoir s’avèrent être des catastrophes.
Je prends un exemple récent et facile. François Hollande est énarque. Il a, toute sa vie, dirigé une collectivité locale et un parti politique. À la fin, il a été un mauvais président de la République, pas uniquement par ses résultats, mais aussi par sa manière de gouverner.
Les politiciens classiques et traditionnels n’ont pas forcément tout à apprendre aux autres.
Cette espèce de vague emporte toute l’Europe, voire le monde entier. On voit des gens émerger sur ce phénomène. Ce n’est pas la peine d’être dans les clous pour gagner une campagne électorale. Même si Macron était issu du système, il a réussi à gagner une campagne dans des conditions un peu nouvelles. On se dit donc qu’en France, tout peut arriver !
Des candidats comme Matteo Salvini, Bolsonaro au Brésil ou Trump sont bizarres, excentriques et surgissent de partout. Éric Zemmour, lui, connaît la politique depuis trente ans. Il la connaît beaucoup mieux que les politiques eux-mêmes. On ne retrouve pas beaucoup, dans la classe politique, cette clarté et cette cohérence que Zemmour a sur les sujets idéologiques.
Ce scénario n’est pas si idiot que cela.
Vous avez écrit, il y a quelques années, un livre où vous imaginiez qu’Éric Zemmour serait président de la République. La fiction pourrait-elle se faire rattraper par la réalité ?
J’avais remarqué, en 2015, qu’Éric Zemmour avait peur de l’engagement politique. Zemmour fait déjà de la politique. Il a une influence considérable parce qu’il a réussi à utiliser le mieux possible la posture d’intellectuel, d’écrivain, de polémiste et de chroniqueur en jonglant entre les publications écrites, notamment dans Le Figaro et dans les émissions télé. Il a continué à modifier les termes du débat public. C’est vraiment un phénomène !
En ce sens, il fait déjà de la politique. À l’époque, il était un peu réticent à l’idée de perdre cette position dominante qu’il a aujourd’hui grâce à sa fonction de journaliste.
Dans mon livre, il devenait président de la République. On pourrait comprendre qu’il se pose la question s’il avait des chances…
Je pense que, pour une place de député européen, de député ou de conseiller régional, il ne faut pas espérer que Zemmour s’engage en politique parce qu’il n’a pas grand-chose à gagner.
Le Zemmour de 2015 avait peur de l’engagement politique. Le Zemmour de 2019 serait-il prêt, potentiellement, à faire le grand saut ?
À l’automne 2018, lors de la sortie de son livre, il a vraiment vu que, pour la première fois, il avait eu des attaques beaucoup plus violentes que d’habitude. Il s’est vraiment fait assassiner. On a tenté de le mettre au banc de la respectabilité et de le jeter avec les infréquentables.
Il a également vécu un boycott qu’il n’avait pas vécu jusqu’à présent, notamment sur le service public. Tout cela l’affecte. Le traitement qui lui a été réservé au moment de la sortie de son livre Destin français change la donne. La question, pour lui, aujourd’hui, est « Que faire de ma position et comment servir mes idées ? »
Je crois que, pour l’instant, il continue à mieux servir ses idées en restant là où il est. Un poste de député européen à Bruxelles pendant cinq ans pour voter des textes qui sont transposés en France par le Parlement national n’apporterait pas grand-chose. Il a mieux à faire en restant là où il est.
Lorsqu’il ne décline pas les propositions immédiatement, lorsqu’il ne dément pas avoir été approché par le Rassemblement national ou avoir envisagé une liste avec Marion Maréchal, il nous donne l’impression que ce n’est plus un tabou pour lui aujourd’hui.
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