Gérard Larcher ne pense pas qu’à « l’extrême droite », mais quand il pense, c’est à « l’extrême droite » !

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Gérard Larcher, président du Sénat, est un gros matou matois et ça se voit. Jouant un jour patte de velours, l’autre griffue, et de son indéniable charisme, aussi – de ses ambiguïtés, tant qu’à faire, à la fois représentant de deux France, l’une d’en haut et l’autre d’en bas. Et jamais ne se lasse de sa partition de faiseur de rois. Bref, l’imam caché de cette droite donnée pour être de gouvernement, c’est lui.

Choisir, il n’aime pas. Mais trancher, il sait faire. D’où ces récentes sorties dominicales quand, invité du « Grand rendez-vous », émission télévisuelle estampillée CNews, Europe 1 et Les Échos, ce 7 novembre, à l’occasion de laquelle il paraît enfin livrer le fond de sa pensée : la lutte contre « l’extrême droite ».

Premier coup de semonce : « L’extrême droite propose de fracturer notre pays et de mettre au pilori une partie de nos concitoyens qui pensent différemment, qui sont d’origines différentes, qui ont une histoire différente. » C’est beau comme du Jacques Chirac ; ce qui n’est pas forcément un compliment.

Puis, autre sortie relative à cette même « extrême droite », Éric Zemmour, en la circonstance : « Il hystérise le débat, il divise, il fracture, alors qu’il faut rassembler. […] Il abîme la nation alors qu’il prétend la réhabiliter. Or, la France, ça ne peut pas être : haïssez-vous les uns les autres. » Voilà qui plaira certes à des adversaires politiques n’ayant que fiche de lui, tout en ne satisfaisant pas son propre camp.

Et ce petit hiatus, nonobstant… Quand Gérard Larcher affirme, dans la foulée, que « les femmes apportent beaucoup en politique », à qui pense-t-il ? À Anne Hidalgo ou Marine Le Pen, les deux seules candidates pour le moment officiellement en lice ? Un terrain plus que glissant pour le Raminagrobis du Luxembourg, sachant que lors du second tour de l’élection présidentielle de 2017, ses deux dauphins putatifs, Christine Boutin et Jean-Frédéric Poisson, appelaient l’une à voter pour Marine Le Pen pour faire barrage à Emmanuel Macron et l’autre, hostile au « cordon sanitaire » vis-à-vis du Rassemblement national, s’obstinait à ne pas donner la moindre consigne de vote, à l’instar d’un Jean-Luc Mélenchon.

Au-delà de ces péripéties électorales, et puisque du haut de son piédestal sénatorial, Gérard Larcher toise de haut les électeurs de droite, voyons qu’elle est sa définition de cette droite : « La droite, c’est la maîtrise des dépenses publiques, la valeur travail, la sécurité, la décentralisation… » Quoique suspecté d’appartenir à la franc-maçonnerie, ce que notre homme a toujours nié, nul doute que Gérard Larcher a dû sérieusement plancher sur un tel viatique réduit à de seules valeurs comptables sous pavillon de complaisance humaniste.

Car là, rien qui ne puisse véritablement se différencier de la feuille de route d’un Emmanuel Macron, champion toutes catégories des bourgeoisies de centre gauche et de centre droit, voulant que l’être humain soit réduit à sa seule dimension économique. Les marxistes du siècle dernier, ou même un Jacques Attali, déjà cerveau d’appoint de Nicolas Sarkozy, il y a quelques décennies, auraient sûrement cosigné ce triste bréviaire.

Quant à la situation actuelle, cet étrange aveu du même Gérard Larcher, à propos de cette « extrême droite » qui, Le Pen et Zemmour confondus, atteint plus de 35 % cumulés dans les sondages : « C’est un miroir que nous tendent des millions de Français, qui nous reprochent nos renoncements, notamment sur la question migratoire, l’insécurité et l’identité. » Mieux : « Il n’y aurait ni phénomène Le Pen ni phénomène Zemmour si nous avions mieux traité ces questions. »

Voilà qui pose, fût-ce en creux et à rebours, l’utilité de cette droite participant du « cercle de la raison », si cher à Alain Minc, prophète de la « mondialisation heureuse ». Car si cette même droite avait été à la hauteur de ses ambitions, il n’y aurait plus besoin de Le Pen ou de Zemmour. Sachant qu’elle ne l’a pas fait, à quoi peut donc bien servir un Gérard Larcher ? Poser la question, c’est y répondre.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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