Gestion de crise : trop peu ou trop d’État ?
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Ces quelques mois de pandémie ont mis en évidence quelques incohérences peu visibles en temps ordinaires. En effet, l’État, tel le roi de la fable, est apparu soudain dans une cruelle nudité. L’hôpital a manqué de soignants, de lits, de tests, voire d’établissements dans ces parties du territoire désormais qualifiées de déserts médicaux. Le pays lui-même a manqué d’industries pour produire des articles que, depuis des lustres, on se contente d’importer depuis la lointaine Chine, au nom d’un certain capitalisme sauvage, débridé, que ne manquent pas de conspuer nos modernes et insoumises ligues de vertu. Au nom de la rentabilité et d’infâmes profits, le pays aurait laissé partir les plus beaux fleurons de son industrie. Dès lors, les retours d’expérience sont rapides et, confondant hâte et précipitation, nombreux sont ceux qui parlent de rapatriements, de renationalisations, d’emprunts colossaux, de dette annulée, de renforcement des structures de l’État, etc. L’État a fait défaut, donc il faut plus d’État, tel est le viatique de ce pays avide de providence !
L’État a certes fait défaut, mais non parce qu’on lui voit les côtes et que sa maigreur fait frémir. Le défaut a eu lieu malgré l’embonpoint et les dépenses de santé, lesquelles sont parmi les plus élevées en Europe (elles se situent, comme en Allemagne, à 11,2 % du PIB). En apparence, d’autres, ailleurs, font mieux avec moins d’argent et de moyens. Dès lors, où va cet argent ? Où vont les impôts ? Chacun est légitime à poser de telles questions. L’argent serait-il mal employé, affecté à des dépenses inutiles ?
Le coronavirus a permis de familiariser les Français avec le mille-feuille chargé d’administrer la santé. Le rôle des agences régionales de santé est désormais un peu moins opaque, on les a vues actives surtout dans la production de procédures et de statistiques. Nombreux, en revanche, furent les médecins qui se sont plaints des freins administratifs. L’ARS du Grand Est ou de Nouvelle-Aquitaine ne compte pas moins de 800 fonctionnaires, lesquels manipulent rarement un stéthoscope mais sont inscrits au chapitre des dépenses de santé. Notre pays est abondamment administré, dans le domaine de la santé comme dans d’autres. De nombreuses entités ont fleuri au fil des décennies avec prérogatives, voitures de fonction et bureaux design, tandis que les soignants, les vrais, étaient à la recherche de masques, de respirateurs et de considération.
Derrière chaque petite main s’érige un fonctionnaire sourcilleux du respect des règles. Sans doute fallait-il tirer certaines choses au cordeau mais en tout il faut se garder des excès : on peut dire au boulanger comment améliorer ses méthodes de travail et respecter l’environnement mais pas le décourager de fabriquer du pain. En France, quantités de pains sont désormais importés, les artisans ont cédé la place aux centrales d’achat - de masques, notamment.
La part du PIB dévolue aux dépenses publiques s’élève à 55 %, c’est la plus élevée d’Europe. Il en va de même pour le taux de prélèvement (sources FIPECO). Produire en France dans ces conditions relève de l’exploit, surtout lorsque les syndicats s’ingénient en arguties pour faire fermer des usines.
« Le plus grand souci d’un gouvernement devrait être d’habituer peu à peu le peuple à se passer de lui », prétendait Tocqueville. À l’évidence, certains courants politiques ont éduqué le peuple dans l’autre sens, non sans oublier de majorer la fiscalité en conséquence. La crise du Covid-19 a révélé que l’État a la semblance d’une statue de Nabuchodonosor montée sur pieds d’argile. Ses mensurations sont telles que certains n’en perçoivent plus l’omniprésence et, dans une forme d’aveuglement ou de fascination, voire d’ignorance paradoxale du bien public, continuent d’en prôner la croissance. Puisse la crise initialiser une salutaire dynamique de réforme !
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