Gilets jaunes : gare à la sacralisation du « pays réel » !
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C’est une récurrence dans les discours et analyses actuels sur le mouvement des gilets jaunes : il représenterait « le pays réel » en guerre contre les élites. La vérité des êtres et des choses contre le mensonge d’État. La sainte jacquerie, résurgence d’un passé révolutionnaire que la France (mais laquelle ?) continue de sacraliser : « Les aristocrates à la lanterne ! »
Question : qu’est-ce que « le pays réel » et, s’il existe, qu’est-ce alors que « le pays irréel » ? Qui sont les nouveaux aristocrates ? Faut-il croire qu’il n’y aurait rien entre une caricature comme BHL (voir ici-même l’édito de Jany Leroy) et les clients des Restos du cœur ou les émeutiers de La Réunion ?
Ce qui fait l’admiration – parfois extatique – de certains devant les gilets jaunes, c’est la spontanéité du mouvement. Dans le chaos serait la vérité, l’intelligence, le cœur et l’esprit, la tête et les jambes. Les bras aussi, puisqu’on nous dit que ce sont là "les travailleurs". À comprendre sans doute que les autres – ceux qui n’occupent pas les carrefours et les ronds-points – ne font rien, qu’ils sont des parasites sociaux qui sucent la sueur des pauvres.
C’est ce qu’on leur dit, d’ailleurs, les contraignant à exhiber au moins le gilet couleur citron – et pourquoi pas une étoile jaune ? –, nouveau laissez-passer de nos contemporaines barrières d’octroi.
Le danger de ces bouffées de colère, quand bien même on les comprend, c’est l’effet d’entraînement. La psychologie des foules, celle qui débride et pousse aux exactions. C’est l’arrivée inévitable des casseurs, des pillards ; alors, gare aux foules, titillées par des politiques à la ramasse, qui s’en vont la fourche à la main et se sentent légitimées pour casser du bourgeois ! D’où les premières condamnations qui sont tombées et la décision du préfet de La Réunion d’instaurer un couvre-feu.
Ironie de l’histoire et de l’Histoire, fable sociale qui tient en un nom : le préfet s’appelle Amaury de Saint-Quentin. Il n’y est, certes, pour rien, mais avec cela, tout est dit…
En effet, comme l’analysait François Lenglet, lundi matin sur RTL, "il y a dans ce mouvement la révolte du rat des champs bien plus que celle du rat des villes". C’est un fait, « l’activité économique se concentre dans les grandes villes françaises ». Ainsi, "les treize agglomérations de plus de 500.000 habitants rassemblent une petite moitié de la population, mais les trois quarts de la croissance, ainsi que 82 % des emplois créés ces dernières années". Résultat : « Les villes petites ou moyennes sont désormais complètement à l’écart des autoroutes de la croissance », avec le déclassement et la perte des services publics qui accompagne le phénomène.
La France de Macron est avant tout la France des villes. Partout, dans notre nouveau monde, le pouvoir économique et social appartient aux villes et « le clivage villes/campagne est devenu la clé de lecture des mouvements sociaux et de toutes les élections ». C’est vrai aux États-Unis, en Italie, en Turquie, en Hongrie, en Pologne, en Grande-Bretagne… Rats des champs contre rats des villes, pauvres contre riches, bons et méchants, purs et impurs, pays réel et pays légal…
Macron cristallise la rancœur parce qu’il est trop jeune, trop diplômé, trop belle gueule, trop sûr d’être dans le vrai. Dans les micros qui se tendent, on déverse sa haine, et elle n’est jamais bonne conseillère : « Il sort de l’ENA, il est né avec une cuillère en or dans la bouche », « C’est lui le roi, en fait il se prend pour le roi », « Oui, c’est un Président des riches ».
Des "leaders" émergent ici et là auxquels on offre une tribune, comme une certaine Laëtitia Dewalle, porte-parole des gilets jaunes du Val-d’Oise, qui déclare : « Nous n'avons qu'une seule revendication, c'est de mettre en place un référendum afin que monsieur Macron puisse légitimer sa position de président de la République »(sic).
Et une fois Macron à la poubelle, qu’est-ce qu’on fait ?
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Emmanuel Macron
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