Gilets jaunes : une guerre de l’image sous l’Arc de Triomphe
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La présidence, l’extrême gauche et les gilets jaunes originels s’affrontent dans une bataille de plans de communication en haut des Champs-Élysées depuis deux jours. Le vainqueur aura la maîtrise symbolique du terrain, c’est-à-dire une influence déterminante sur l’image que nous nous faisons du mouvement.
Commençons par l’extrême gauche, qui joue au Grand Soir. Ça fait cent ans qu’elle l’attend, sa révolte du prolétariat contre le capitalisme belliciste. Elle en appelle aux Communards, à la Révolution française, et tant pis si ces deux mouvements d’un patriotisme forcené ont mené une guerre totale contre l’envahisseur. Sur le champ de bataille de l’Arc de Triomphe, à défaut de bourgeois à rééduquer en camps de travail, elle fait la peau aux policiers, aux CRS et aux gendarmes mobiles. Sur les murs de l’arche symbolique des victoires de nos ancêtres les grognards, nos paysans conquérants de l’Europe dont descendent les Français ruraux d’aujourd’hui, les insurgés d’opérette ont barbouillé leurs slogans étiques : « Vive le vent, vive le vent, vive le vandalisme », « Abba l’État, les flics et les fachos », « Les gilets jaunes vaincront » et, plus loin, « L’extrême droite perdra », avec le A de l’anarchie omniprésent. Comme la « convergence des luttes » d’extrême gauche tente de détourner la révolte fiscale à son profit, les gilets orange des syndicalistes SNCF s’agitent dans l’émeute et le gribouillage « Justice pour Adama » s’ajoute aux profanations.
L’émeute, les incendies, les saccages, les pillages de la racaille de banlieue qui profite de l’occasion pour se constituer un pactole sur eBay profitent à la communication du gouvernement, qui repose principalement sur la décrédibilisation du mouvement. Emmanuel Macron doit se prendre pour Margaret Thatcher face aux syndicats de mineurs, alors qu’il s’oppose à une quasi-révolte de famine. Il s’est montré ce matin, à l’Étoile, et chez les commerçants de l’avenue Kléber, derrière un rempart de services de sécurité inquiets, valises de kevlar à la main. En oubliant un peu les huées de la foule tenue à l’écart, on remarque de curieux « gilets jaunes » qui font la claque au premier plan.
Et les vrais gilets jaunes, dans tout ça ? Eh bien, ils ont compris qu’il faudrait livrer la bataille de l’image pour rester maîtres de leur mouvement. On a donc vu, sous l’Arc de Triomphe, un carré épais de manifestants accroupis autour du Soldat inconnu, le poing levé, "La Marseillaise" à l’unisson, faire rempart de leurs corps autour de la flamme tandis que les affrontements éclataient autour d’eux. Le crétin qui a piétiné la tombe en écartant les bouquets a été attrapé au collet et corrigé d’importance. À l’occasion, un brave s’élance sous les coups des émeutiers pour en extraire un policier et le tirer à l’abri. Ailleurs, dans la journée, on filme le rangement des terrasses de café en urgence tandis que les révolutionnaires professionnels s’avancent, on entre dans l’immeuble en flammes du Crédit lyonnais du boulevard Haussmann pour en sortir les habitants en attendant les pompiers. Première victime du plan de communication des gilets jaunes : le secrétaire d’État Laurent Nuñez, venu sur le plateau de BFM TV incarner la défense de « l’ordre républicain », pris de court en direct par les images des manifestants protégeant la flamme au son de l’hymne national.
La profanation de l’Arc de Triomphe est une conséquence du laissez-faire imposé par le ministère de l’Intérieur à des forces de l’ordre sommées de servir de défouloir afin de servir les images du chaos au journal de 20 heures. Les gilets jaunes originels, Français normaux, bons citoyens, s’efforcent de reprendre la main sur leur révolte fiscale. La communication la plus bruyante doit changer de camp.
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