[Grand entretien] Boualem Sansal : « L’islam a gagné et ne cessera pas de gagner toujours plus. Il est définitivement implanté en France et en Europe. »

Boualem Sansal

Que penser de la situation en Iran ? En Algérie (son pays), où se rend Élisabeth Borne ? Et la France, alors ? Faut-il y redouter l'islamisme ou l'islam ? Les réponses sans concession de l'écrivain Boualem Sansal.

Gabrielle Cluzel : Commençons par l'actualité : on vous sait très inquiet de la question islamiste. Quel regard portez-vous sur les événements en Iran, sont-ils propres à vous réjouir ?

Boualem Sansal. Le fait est remarquable et il faut saluer les Iraniennes pour leur immense courage, comme il faut dénoncer le fait que les Iraniens se taisent. J’aurais voulu les voir enlever leurs chèches et se couper les cheveux et la barbe. Le véritable ennemi de la femme est l’islam, qu’elles sont par ailleurs les premières à défendre, mais il est aussi et surtout l’homme, qui par ailleurs aime tant être le bras séculier de l’islam pour les punir. Tant que les combats des femmes resteront les combats des femmes, l’injustice qui leur est faite restera le fondement de l’ordre général. Je suis triste de voir, encore une fois, les femmes seules dans leur combat pour se libérer de cette double oppression : celle de l’islam et celle des hommes.

 

G. C. Pendant que des femmes iraniennes manifestaient, la Commission européenne faisait une nouvelle fois la promotion du hijab via une campagne publicitaire. N'est-il pas étrange de voir l'Europe se voiler quand l'Iran se dévoile ?

B. S. La Commission croit faire de la pédagogie en produisant des mantras écologiques du genre : « Banalisez un problème et il disparaîtra de l’ordre du jour » ; « Plus on débat d’un problème, plus vite les gens s’en lassent et plus vite ils passeront à autre chose » ; « Traitez votre pire ennemi en ami cher qui vous veut du bien et vous le guérirez de sa folie ».

Popularisons de notre côté des contre-mantras du genre : « Ignorons la Commission, elle finira par se taire et disparaître. »

Maintenant que les dégâts sont là, horribles et irréparables, il faut désigner un coupable et le poursuivre. Je me demande qui, à ce stade, est plus nocif pour cette Europe puérile qui s’oblige à tant de fausses vertus : l’islam ou la Commission ? Ou les peuples moutonniers programmés pour suivre n’importe quel loup déguisé en berger ?

Moi, je suis d’avis qu’on interdise l’islam et la Commission et qu’on sanctionne durement les moutons.

 

G. C. Qu'avez-vous pensé de la réflexion de ce député de La France insoumise, Louis Boyard, renvoyant dos à dos ceux qui imposent le voile là-bas et ceux qui veulent l'interdire ici, en les accusant d'être tous ennemis de la liberté ?

B.S. Monsieur Boyard, qui sait ce qui est mieux pour la femme, devrait s’obliger à nous l’apprendre : faut-il interdire ce qui rabaisse la femme ou interdire ceux qui veulent interdire ce qui la rabaisse ? La liberté, est-ce la liberté de ne pas prendre parti entre ceux qui imposent déjà depuis des siècles et ceux qui souhaitent timidement d’envisager la possibilité d’interdire, et seulement dans l’espace public, et seulement quand trop c’est trop ?

 

G. C. Comment expliquez-vous que les féministes françaises soient si peu offensives sur ces thématiques, voire que certaines d'entre elles aient les yeux de Chimène pour les islamistes (parmi les 113 signataires de la tribune, au printemps dernier, pour le burkini « En mai, mets ce qu’il te plaît », figuraient Caroline De Haas et Alice Coffin) ?

B. S. Les féministes françaises sont des féministes de salon, des bourgeoises raffinées touchées par l’ennui. On peut leur suggérer un petit séjour en Iran, en Algérie ou tout à côté, dans les territoires perdus de la République ou à Molenbeek : elles verront de leurs yeux ce que leurs consœurs, si elles sont encore vivantes, endurent au quotidien. Mais le risque est qu’elles soient touchées par le syndrome de Stockholm et courent rejoindre Daech.

 

G. C. Pendant que l'apprentissage de l'arabe fait son entrée à l'école primaire française, celui de l'anglais, propre à supplanter le français, arrive en Algérie. Pourtant, les Algériens semblent toujours aussi friands de visas français ?

B. S. Pour comprendre l’Algérie, les lectures du premier et du deuxième degré ne suffisent pas, il faut aller au degré 7 et plus.

Pour résumer, il faut savoir que les Algériens du premier collège sont encore colonisés ; la France, c’est leur maman, ils veulent qu’elles les traite comme ses enfants chéris : recevoir d’elle des cadeaux, des câlins, des dispenses, des distinctions prestigieuses, des sièges, des sinécures. Certains rêvent de recevoir le même extraordinaire traitement que la France impériale a offert à l’émir Abdelkader, elle l’a reconnu comme héros et grand ami de la France, elle lui a offert tout ce qu’elle avait de médailles, de titres et de pensions exceptionnelles qui ont été reconduites pour ses descendants jusque dans les années 2000, et plus que tout, elle l’a écrasé de respect, d’admiration, d’amour. Son action en faveur des chrétiens persécutés en Syrie lui a valu les plus grandes reconnaissances du monde entier (entendez occidental). Voilà de quoi rêvent nos petits capitaines, nos brillants marchands à la sauvette et nos futurs demandeurs d’asile. Ne l’ayant pas obtenu, ni par les sourires, ni par la corruption, ils s’attaquent à ce qui fait la France : sa langue, sa culture, sa laïcité, son art incomparable de la liberté. Finalement, perdre la guerre et être colonisé est nettement plus profitable que gagner la guerre et être obligé de quémander à genoux des visas et des bourses pour ses enfants ainsi que l’immunité diplomatique pour qu’ils puissent s’amuser comme au bled.

Macron n’a pas compris tout ça. Dans son analyse, il a été jusqu’au degré 5. Ce n’est pas suffisant.

 

G. C. Lorsque Emmanuel Macron est allé à Alger, on a dit qu'il comptait user des visas comme monnaie d'échange pour le gaz. N'est-ce pas un peu paradoxal, là aussi, de constater que l'Algérie conspue volontiers la France et l'accuse de tous les maux et en même temps n'a rien de plus pressé que d'y envoyer ses enfants ?

B. S. Au degré 5 de l’analyse, Macron n’avait pas tous les éléments pour bien jouer à la pleurniche avec les faux anciens combattants d’Alger. Il s’est proprement fait rouler dans la farine. Ici, on a compris avant lui qu’il ne venait pas pour offrir ce qui était attendu de lui - de la repentance, de l’allégeance, des réparations - mais pour avoir la promesse que la France ne serait pas oubliée cet hiver dans le plan de partage du gaz de Hassi Messaoud et Hassi R’Mel, découverts par la France en 1956. Il sera obligé, maintenant, de venir à Alger avec des cadeaux toutes les semaines, jusqu’à la défaite de l’Ukraine ou de la Russie ou du monde. Son deuxième mandat est mal parti, il se terminera dans « le bruit et la fureur » chers à Mélenchon. Je lui proposerais bien une solution, mais ces choses ne s’écrivent pas.

 

G. C. Récemment, sur Sud Radio, vous avez fait remarquer qu'il y avait actuellement 3.000 mosquées en France, contre 10 autrefois. Il n'est pas certain que les Français aient envie que leur pays se couvre d'un vert manteau de mosquées comme, jadis, d'un blanc manteau d'églises, pour reprendre les mots du moine Glaber, mais n'est-ce pas inéluctable ? Le problème n'est-il pas plus migratoire que religieux ? Ou, dit autrement, n'est-il pas vain de tenter de contrer l'islamisme si, en amont, on ne fait rien pour contenir les arrivées massives, sur notre sol, de populations en provenance de pays musulmans ?

B. S. L’illusion est là : croire que le problème est surtout migratoire. Un flux de cette intensité, comme on l’observe en Europe, est un immense problème mais il n’a rien à voir avec la religion ; il a à voir avec la délinquance, l’insécurité, l’économie, le social, le politique. Le phénomène religieux ne lui doit pas grand-chose. La bombe islamique a explosé dans des pays où les émigrés musulmans se comptaient sur les doigts de la main (pays scandinaves), dans des pays où les musulmans présents n’étaient aucunement contraints dans l’exercice de leur culte (Grande-Bretagne, Allemagne, USA, Canada…). Il a explosé dans les pays musulmans où l’islam était déjà roi en sa demeure, où la charia était appliquée à la lettre et où il n’y a jamais eu de phénomènes migratoires bouleversants.

La bombe islamique est une bombe à retardement qui trouve son origine dans l’abolition du califat en 1924. L’islam ne se conçoit pas sans le calife qui est le représentant vivant du prophète sur Terre. Comme le christianisme ne se conçoit pas sans saint Pierre. Ce blasphème suprême a provoqué une colère inextinguible, accentuée par la colonisation de toutes les terres d’islam par les Européens. De là sont nés des mouvements politiques et religieux qui ont conduit aux luttes d’indépendance pour libérer les terres d’islam occupées par les chrétiens, au rétablissement de l’arabe, langue sacrée du Coran, et au retour à l’islam des origines, et la reprise de la mission prophétique première de l’islam : islamiser le monde. Sans calife, sans une institution genre Vatican, les musulmans font chacun à sa manière, utilisant comme en économie ce qui fait son avantage comparatif : la prédication, la politique, la science, l’économie, l’agit-prop, le djihad, le terrorisme, la démocratie, l’entrisme, etc. Tous ces moyens sont utilisés en Europe, région permissive par excellence. Y participent pour l’essentiel les Européens eux-mêmes, par laxisme, par ignorance, par wokisme, par intérêt, etc.

 

G. C. Les dernières élections - présidentielle et législatives - ont montré, à l'endroit de ces sujets, une prise de conscience d'une petite moitié du corps électoral. Osons la question : pour vous, est-il déjà trop tard, l'hydre islamiste est-elle déjà inexorablement implantée dans notre pays ou une solution politique est-elle encore possible ?

B. S. Selon moi, l’islamisme n’a pas d’avenir, car il est plus idéologique que religieux. Trois raisons à cela. Les musulmans, dans leur immense majorité, le refusent et donc ils ne le serviront jamais, sinon marginalement. Les islamistes sont eux-mêmes en train d’évoluer, ils préfèrent la politique, les élections, l’entrisme, le business. Deuxième raison, la démocratie française s’est montrée plutôt résiliente, pour utiliser un mot à la mode. Elle passe peu à peu de la résistance passive à la résistance active. Troisième raison, le souverainisme reprend du poil de la bête, les Français en ont marre de leurs mauviettes qui n’ont pas le courage de décider en toute souveraineté et qui ont été élus pour ça.

En revanche, l’islam a gagné et ne cessera pas de gagner toujours plus. Il est définitivement implanté en France et en Europe, à la fois comme islam de France et d’Europe, protégé par les lois de la République et de la Commission, et comme islam en France, protégé par la oumma mondiale et les États musulmans qui, maintenant, disposent de tous les moyens pour châtier les contrevenants.

De quoi sera fait cet islam ? À mon avis, il sera salafiste, possiblement dangereux si on lui refuse la reconnaissance de l’islam comme religion d’État, l’annulation des lois en faveur de l’homosexualité, de l’adoption, etc.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 10/10/2022 à 10:55.
Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

40 commentaires

  1. Entièrement d’accord, Boualem Sansal nous alerte depuis des années sur les dangers et les menace de cette religion , et nous n’entendons pas , nous refusons de l’écouter , nos dirigeants préfèrent pactiser avec les Frères musulmans et les Salafistes , et on entend en boucle tous les jours , il s’agit d’une minorité , l’immense majorité …
    Les majorités attendent sagement que les minorités fassent le travail , au besoin par la violence.

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