Grèves de Noël : pas si miséreux, les contrôleurs veulent plus de cadeaux

Structurellement déficitaire, le régime spécial n’est pas financé par les cheminots mais principalement par le contribuable, notamment à travers une subvention annuelle de 3,3 milliards d’euros en 2022.
train suisse

Sous prétexte d’obtenir des avantages catégoriels, 3.500 contrôleurs de la SNCF gâchent le Noël de centaines de milliers de Français. Pourtant, les cheminots sont-ils vraiment à plaindre ?

À défaut de fête, les Français auront les boules. Le 17 décembre, déjà, un « mouvement social » des aiguilleurs avait compliqué les départs en vacances. Cette fois, en déclenchant une autre grève, un « collectif » rassemblant un peu plus d’un tiers des 9.000 contrôleurs de train va empêcher 200.000 de nos concitoyens de partir fêter Noël avec leurs proches. Prétexte de ce débrayage : un mélange de revendications sur les salaires et sur le déroulé des carrières, que résume cette déclaration du secrétaire général de la CFDT Cheminots, Thomas Clavel : « On attend une prise de conscience sur la condition spécifique des contrôleurs. » On en attendrait une aussi sur la condition spécifique des voyageurs...

Le salaire des contrôleurs n’est pas mirifique, mais pas misérable non plus : après 22 ans de métier, soit la moitié de leur parcours professionnels, ils perçoivent une rémunération fixe de 1.864 euros bruts, auxquels s’ajoutent environ 600 euros de primes, selon la SNCF – soit un total un peu supérieur au salaire médian en France. Par ailleurs, ils bénéficient de la sécurité de l’emploi, voyagent en train gratuitement ou à prix très réduit ainsi que leurs proches (ce qui n’est pas neutre, quand on voit les prix actuels)… et, surtout, lorsqu’ils prennent leur retraite, profitent du très confortable régime spécial de la SNCF.

Très comparable à celui de la fonction publique, il présente trois gros avantages pour ses affiliés : premièrement, un mode de calcul de la pension très favorable, basé sur les six derniers mois de salaire, en y incluant une grande partie des primes, gratifications et indemnités (pour mémoire, la pension des salariés du secteur privé est calculée sur les 25 meilleures années, dans la limite de 1.714 euros bruts par mois dans le régime de base, et sur l’ensemble de la carrière dans le régime complémentaire Agirc-Arrco).

Deuxièmement, le montant de la pension est garanti (au minimum 75 % du dernier salaire pour une carrière complète). Troisièmement, les cheminots ont la possibilité partir à la retraite dès 52 ans ou 57 ans, selon qu’ils font partie du personnel roulant ou sédentaire. Selon la SNCF, en 2018, le personnel roulant, auquel appartiennent les contrôleurs, liquidait ses droits à la retraite à 53 ans et 7 mois en moyenne.

D’autres avantages s’ajoutent à ceux-là, en matière de majorations familiales ou de réversion notamment.

Structurellement déficitaire, le régime spécial n’est pas financé par les cheminots, ni par le système de double cotisation assez opaque mis en place par l’entreprise publique, mais principalement par le contribuable, notamment à travers une subvention annuelle (3,3 milliards d’euros en 2022).

Le gouvernement se targue aujourd’hui de l’avoir « fermé » : en effet, les nouveaux cheminots recrutés depuis le 1er janvier 2020 ne sont plus sous « statut » et sont affiliés aux régimes des salariés du privé, CNAV et Agirc-Arrco. En réalité, le régime spécial, devenu « caisse de branche », continue de gérer non seulement les retraites des « anciens » embauchés par l’entreprise avant 2020, mais aussi les petits nouveaux – ce qui laisse craindre fortement que cette « fermeture » ne soit qu’un trompe-l’œil et n’aboutisse qu’à financer la caisse de retraite de la SNCF et ses avantages via une soulte de plus en plus importante versée par les régimes des salariés du privé (52 millions d’euros en 2022, selon la Commission des comptes de la Sécurité sociale). Un vrai cadeau de Noël !

Quant aux cadres dirigeants de la SNCF, ils ont accès à un régime interne d’entreprise dont le contenu n’est pas publié – mais que le Premier ministre Élisabeth Borne doit bien connaître, en tant qu’ancienne directrice de la stratégie de cette entreprise publique… On gardera nos plaintes pour d'autres Français.

Picture of Éric Letty
Éric Letty
Journaliste

Vos commentaires

28 commentaires

  1. Que les salariés de la SNCF bénéficient d’avantages financés par le contribuable, pourquoi pas, il en finance bien d’autres dont l’utilité reste à demontrer, l’immigration par exemple, véritable tonneau des Danaïdes. Et ne parlons pas des politicards-fonctionnaires, tout aussi parasitaires que l’immigration.

  2. La photo présentée en tête laisse un grand espoir : une rame pour train régional Flirt en gare de Montreux, direction Aigle. Pas de grève en vue, ni de retard annoncé !
    Comparaison n’est pas raison, mais en 1913, le trajet Vevey-Blonay coûtait 1 (un) franc suisse et mon père (sous-chef de gare) gagnait 100 CHF par mois. Le même trajet est aujourd’hui à 5,60 CHF et … il n’y aura plus de gare desservie sur la ligne dès le 31.12 ! Les salaires mensuels minimaux actuels étant supérieurs à 4000 CHF, soit 40 fois celui de l’époque, on voit que :
    – soit le prix des transports (x 5,6) est trop bas (aïe !)
    – soit le personnel est trop payé (aïe ! aïe !)
    et ceci d’un facteur 7 !
    Notre confort, dépendant de l’énergie bon marché (marchandises, aussi bien que déplacements et loisirs) a un coût que l’on a oublié, l’ayant fait payer à d’autres (Indiens, Chinois, et autres laissés-pour-compte, chez nous aussi). Je peux que penser que l’on va au-devant de temps difficiles dans lesquels il faudra faire preuve d’imagination, et déployer une énergie autre que celle venant du pétrole ou du gaz…
    Joyeux Noël à tous, c’est mon souhait.

  3. Il ne faut pas se laisser berner par cette propagande gouvernementale; qui préfère montrer du doigt, « oh les misérables, c’est honteux » !!! Les cheminots qui pourtant pendant des années ont réussi grâce à leur sérieux et leur technologie de pointe, à développer un moyen de transport qui est le seul à être sécuritaire, sans pollution et avec une rentabilité importante, en comparaison de ce gaspillage incommensurable des transports routiers, dangereux et polluants… Pendant ce temps, les déplacement de la macronie à plus de 700000 Euros et les payes des députés et ministres qui ne servent à rien mais nourrissent les petits copains !!! On en parle pas !!!! Alors Haro sur le cheminot…

    • Ce serait encore mieux si la sncf ne bénéficiait pas d’un quasi-monopole pour le transport des voyageurs, l’ouverture plus large à la concurrence offrirait un meilleur service pour moins cher

  4. Meme pendant les 2 guerres mondiales il y a eu une treve pour Noel. Mais les cheminots n’ont pas connu la guerre….(Seigneur pardonne leur car ils ne savent pas ce qu’ils font)

  5. Ce que je ne comprends pas, encore moins que la subvention annuelle du contribuable à la caisse de retraite spéciale aux cheminots, c’est la subvention annuelle du contribuable aux syndicats, (sauf erreur de ma part la CGT par exemple est subventionnée …..

    Les organisations syndicales ont touché plus de 83 millions d’euros en 2016, via le fonds de financement du dialogue social, dont près de 19 millions d’euros pour la CGT, d’après un rapport récemment publié.

    Pour moi un Syndicat doit être financé par les cotisations de ses adhérents.

    mais ce qui me sidère le plus est que ce sujet n’est jamais abordé ni commenté ni combattu.
    Merci à ceux d’entre vous qui pourraient nous éclairer sur ce point.

  6. quand on rentre à la SNCF comme roulant on sait que l on aura des horaires décalés Il faut savoir accepter les inconvénients comme les avantages ils ne sont pas contents de leur sort il fau changer de travail et arrêter d embêter systématiquement les français a chaque période de vacances scolaires

  7. Il est bon de le rappeler de temps à autre : les régimes spéciaux de retraite, déficitaires parce que les cotisations ne suffisent pas à couvrir les avantages servis aux bénéficiaires, ne se maintiennent que parce que les déficits sont couverts, légalement, par le régime général. Soit en réduisant les petites retraites du privé.

  8. Que font-ils de plus que la majorité des Français ? RIEN, sinon beaucoup moins !
    Faut-il leur rappeler que nous ne sommes plus aux balbutiements des vénérables machines à vapeur, où le travail était aussi pénible que celui effectué dans les mines de charbon.
    Qu’ils pensent à ces centaines de milliers de femmes « techniciennes de surface ! » qui font un admirable travail, sans en avoir la moindre reconnaissance….et combien d’autres !
    Un jour arrivera messieurs où vous ne serez plus protégés par votre stupide statut, la sentence alors tombera, votre licenciement.

  9. Je viens de voir un contrôleur nanti, garer sa Mac Laren. C’est stupide cette réflexion tout autant que votre article, témoin d’une méconnaissance du sujet et certainement d’une ideologie. Vous oubliez quelques petites choses telle que la fusion de la caisse de prevoyance(secu des cheminots) avec le régime général. La SNCF fleuron Français a été détruite depuis 50 ans par les politiques de droite au nom de la libre concurrence etc.

    • Parlons-en de la concurrence. Ma petite fille mettait jusqu’à 5 heures pour aller de Tarbes à Toulouse parce que certains contrôleurs refusaient de faire passer les trains de la concurrence, et on n’a pas entendu dire qu’il y ait eu des sanctions.

  10. La France est devenue un jeu de la roulette dont l’expression générale est  » rien ne va plus ». Si l’on comprend bien ce sont les contribuables qui paient les déficits de cette entreprise à la dérive depuis plusieurs années. Donc les employés crachent dans les mains de ceux qui leur permettent d’exister, les français, en utilisant le droit de grève et c’est récurent depuis des décennies.
    Les usagers vont devoir utiliser le droit de grève en boycottant les rails, hélas la solidarité en France on connaît pas et ça continuera à Pâques.

  11. En même temps, comme dirait l’autre à l’Élysée, il faut les comprendre.
    Le contrôleurs sont en première ligne contre les incivilités des grogneurs qui à cause des cheminots attendent leur train en grève…
    C’est le serpent qui se mord la queue.
    Sans compter qu’ils sont aussi les cibles faciles de tous ces resquilleus venus d’ailleurs, si vous voyez ce que je veux dire.

  12. Grève de la sncf , grève des médecins qui exigent 50€ la consultation mais qui refusent leur installation dans les déserts médicaux, et la meilleure ..en 2010 grevés des foutebaleur Français lors du mondial 2010 …on l’avait oublié celle là … » your welcome , you leaving in France »

  13. Bonjour à tous et joyeux Noël,
    Question :
    Malgré toutes les perturbations engendrées, un service Public, forcément payant pourrait au moins être à l’équilibre dans tous les domaines sans forcément rechercher la rentabilité .
    Serait-ce trop demander qu’au moins il fonctionne parfaitement ? Le découpage réputé astucieux pour absorber les dettes est une échec patent …
    Nos ingénieux tacticiens ne comprennent jamais les leçons par manque de recherche des responsabilités et surtout, aucune sanctions financières ou pénales ne sont jamais prononcées ( elles prennent déjà des lustres pour un accident) !
    La vie est belle pour tous les dirigeants de ces Empires .
    Bonne journée, cdlt Cjj.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L’extrême gauche est une gangrène qui tient les universités françaises
Gabrielle Cluzel sur CNews
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois