Grèves TGV : retour aux pires galères !
« Le pire n’est jamais sûr » : on connait le dicton. Hélas, on n’est jamais sûr, non plus, d’avoir connu le pire. Donc, il se peut qu’il soit encore à venir…
Ainsi, en matière de grève ferroviaire – une spécialité à la française –, celle de 1995 était restée dans toutes les mémoires comme une galère indépassable. On (je veux dire « les vieux ») se souvenait des hordes de Français, et particulièrement de Parisiens, usant durant des semaines leurs semelles sur le pavé. Et puis, il y a eu décembre 2019 et la grève dure contre la réforme des retraites. « Du jamais-vu depuis 1995 », ont titré les journaux. Après une grosse année de gilets jaunes et avant une grosse année de Covid-19. Coût, pour l’entreprise, de ce décembre noir : un bon milliard d’euros.
Bon, on dira que la grève à la SNCF et la galère des usagers (qu’on se garde toujours d’appeler des clients), c’est un peu comme Noël en décembre : incontournable. C’est pour cela qu’a été votée, le 21 août 2007, sous le gouvernement Sarkozy donc, la « loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs ». Elle fait notamment obligation aux personnels qui participent directement à la circulation des trains (conducteurs, aiguilleurs, contrôleurs) de déposer une « déclaration d’intention individuelle » (DII) s’ils souhaitent rejoindre un mouvement de grève, cela, deux jours avant qu’il ne débute.
Comme le rappelle, ce lundi, Le Parisien, l’objectif est simple : « Donner à la direction de la SNCF une photographie précise des forces disponibles les jours de grève afin d'informer en amont les voyageurs sur le trafic attendu. » Mieux que les annulations de dernière minute qui rendaient fous les passagers, les annonces concernant le trafic sont maintenant diffusées la veille. Ainsi, « il y a tout juste un an, durant les près de cinquante jours qu'aura duré le mouvement social contre la réforme des retraites, le plus long dans l'histoire de la SNCF, les Français ont vécu au rythme des annonces de trafic ».
Tout serait donc pour le mieux côté « usagers » ? Pas vraiment, car l’ouverture à la concurrence des lignes de TGV, le 12 décembre dernier, pourrait bien entraîner un retour aux pires galères.
En effet, « parce que TGV était un monopole public, la direction a toujours considéré que c'était un service public », dit le secrétaire national adjoint de la CFDT Cheminots au Parisien. Or, cette ouverture des lignes TGV à la concurrence met, de fait, un terme au monopole public. Dès lors, « la DII ne devrait plus s'appliquer ». Certes, cela ne concerne pas les TER et les Transiliens pour lesquels la situation reste inchangée, mais « TGV se retrouve dans la même situation que les cheminots de Thalys ou d'Eurostar. Ouverts à la concurrence, ils ne sont pas soumis aux DII. Il y a un trou législatif », dit un autre syndicaliste.
Contactée par le quotidien, la SNCF botte en touche : « SNCF Voyageurs, en tant qu'entreprise chargée d'une mission de service public, répond à des règles particulières en matière de droit de grève. » Et alors ?
Les syndicats, eux, sont vent debout. Furieux, déjà, que la DII ait été étendue à une douzaine de catégories supplémentaires, passant des 32.000 cheminots concernés initialement à 88.000, sur les 152.000 que compte l’entreprise. « C'est le cas des agents de sûreté, dont on a du mal à comprendre en quoi ils sont indispensables à la circulation des trains », dit le représentant CFDT. C’est vrai, empêcher que les gens ne s’y fassent agresser, racketter et violer, on ne voit guère à quoi ça sert…
L’affaire est dans les mains des juristes. Les syndicats, eux, y voient une aubaine : en contraignant les cheminots à se déclarer individuellement, la DII cassait un peu la pression ; y échapper leur rend leur pouvoir de nuisance.
Une fois de plus, ce sont les usagers qui trinqueront.
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