Guerre en Ukraine : et maintenant ?

Les partis pris sans nuance résistent même au constat aveuglant des responsabilités russes dans le drame actuel qui se joue en Ukraine.
CHARS UKRAINE

Depuis bien des années, j’ai du mal à comprendre l’hystérisation antiaméricaine que révèlent nombre de commentaires, surtout quand ils émanent de personnes qui globalement sont de mon bord politique. Les partis pris sans nuance résistent même au constat aveuglant des responsabilités russes dans le drame actuel qui se joue en Ukraine.

Sans doute une revue historique rapide des décennies récentes fait apparaître les responsabilités occidentales, américaines surtout, dans la lente détérioration d’une situation qu’un peu plus de considération pour les états d’âme russes aurait peut-être pu apaiser. Il n’aurait pas été risqué d’admettre clairement que l’Ukraine n’était pas un candidat à l’entrée dans l’OTAN. Au vu de ce qui se passe maintenant, on peut douter que cela aurait suffi à éviter le conflit, mais à tout le moins, cela aurait enlevé une excuse à Vladimir Poutine.

Par contre, je ne partage pas le sentiment que l’Occident a raté l’occasion, dès la chute du mur, d’arrimer la Russie. Les esprits n’y étaient pas préparés. Évidemment, il est facile, plus tard, de se dire qu’il est dommage que ce n’ait pas été tenté. Mais il faut se souvenir de l’ambiance de l’époque. On sortait de presque un demi-siècle où l’Occident, heureusement protégé par l’OTAN, craignait une invasion soviétique, donc russe, et où les États de l’Est européen étaient sous tutelle communiste, donc russe. Bien trop tôt pour faire confiance à un État qui, de toute son Histoire, n’avait jamais connu la démocratie. Les pays nouvellement libérés et craintifs ont souhaité adhérer à l’Alliance qui paraissait le seul protecteur crédible contre une menace trop fraîchement évanouie pour être oubliée ; et on peut les comprendre. Les accepter n’était pas non plus illégitime. Et ce n’est pas ce qui se passe maintenant qui peut le leur faire regretter.

Non, l’OTAN n’est pas en état de mort cérébrale, comme le disait il y a peu notre Président visionnaire. Que l’on considère cela comme un bien ou un mal, l’Alliance est au contraire relancée, et c’est M. Poutine qui en est l’initiateur. On ne parlera plus de s’en retirer avant longtemps ; en tous cas pas avant qu’une alternative crédible existe, comme le simple bon sens y invitait depuis des années. C’est le prix que paye l’Europe pour avoir été incapable de constituer un système d’alliance fort, qui aurait pesé parmi les éléments d’appréciation de la situation élaborée par les Russes. Et là, en outre, nous avons été assez bêtes, M. Biden en premier, pour annoncer que bien entendu nous ne ferons rien.

On peut gloser longtemps sur les fautes, responsabilités, grandes ou petites, des uns et des autres qui jalonnent le processus de lente détérioration des relations qui a amené à la situation actuelle. Mais, même quand on a prôné, comme moi, une politique compréhensive mais prudente de rapprochement avec la Russie, on ne peut pas exonérer le maître du Kremlin. Il se moque du monde lorsqu’il prétend que l’Ukraine était une menace pour son pays. Son langage vitupérant les « nazis et drogués » au pouvoir à Kiev, appelant à la révolte contre les autorités du pays, est un copier-coller des incantations habituelles des dictateurs passés et présents. L’apparatchik communiste réapparaîtrait-il sous le masque du dirigeant ferme mais éclairé ? Se serait-on trompé sur l’homme ?

Et maintenant ? Je ne pense pas que les Russes aillent au-delà et s’attaquent à des pays de l’OTAN dont la faiblesse militaire, irrémédiable à très court terme, pourrait leur valoir des succès initiaux flatteurs ; cependant, les conséquences à terme seraient incalculables, et ils n’ont pas la capacité économique de soutenir une lutte majeure dans la durée. Mais je me suis déjà trompé en pensant que seule la région est de l’Ukraine, après la Crimée, intéressait Moscou. Espérons !

L’Ukraine, quant à elle, est dès à présent vaincue. Elle n’est pas de taille. La « grande fermeté » des Occidentaux se traduit comme toujours par des discours et des mesures financières et économiques qui auront, peut-être, une certaine efficacité dans des mois, voire des années, donc bien trop tard pour jouer un rôle dans la « crise » actuelle ; avec des contrecoups sur nos sociétés. Entre-temps, le conflit aura été localisé ; c’est-à-dire que, comme toujours dans ces cas-là, la victime aura été abandonnée à son sort. Peut-être au moins nous, Français, nous déciderons-nous enfin à construire vite un outil de défense efficace.

En attendant, voilà une affaire qui vient à point nommé pour M. Macron. Prenant le relais du Covid qui s’essoufflait, elle va lui permettre d’effrayer les Français en noyant leurs soucis électoraux nationaux dans l’évocation de risques supérieurs. Que ceux qui croient que Tartarin est le chef qu’il faut dans la tourmente le suivent. Ce n’est pas mon cas.

Vos commentaires

61 commentaires

  1. A gauche ils parlent en permanence de pluralité de tolérance ils se prétendent républicains démocrates sauf qu en réalité ils sont tolérants a condition de penser comme eux et c est récurrent

  2. Après l’écrasement russe, la Tchétchénie s’allie à Poutine en allégeance et amène des troupes en Ukraine – Que va-t-il être décidé pour les Tchétchènes immigrés en France, sorte de « cinquième colonne » ?

  3. Certes c’est un point de vu intéressant, mais on ne peut nier l’exil de plus 1,5 million d’Ukrainiens russophones en Russie depuis que les gouvernements ukrainiens ont décidé d’Ukrainiser notamment la partie est et sud de leur territoire. Nous vivons l’épilogue d’une guerre civile que les média occidentaux n’ont pas voulu relayer. Maintenant, il nous faut protéger ces réfugiés et travailler avec force au retour de la paix. Celle ci sera soit russe soit américaine.

  4. Excellent article. Une question : qui dans le paysage politique français est-il le mieux placé pour défendre la France ? Il serait interessant que l’auteur propose des pistes pour avoir une défense efficace.

  5. Mon général, le problème est que l’Occident oublie les promesses qu’il a faites ou cherche à les faire oublier, y compris par la force, mais surtout par la manipulation, alors que la Russie a gardé sa mémoire, et pour cause, et cela depuis 30 ans. Ne nous étonnons pas qu’elle se soit organisée pour sa défense. Nous récoltons ce que nous avons semé. Le mensonge ne triomphera jamais car la vérité ne supporte pas d’être enterrée, elle finit toujours par apparaître.

  6. Je me suis contenté de dire en termes mesurés pourquoi les propos du général Dubois me paraissaient naïfs voire stupides .
    Mon commentaire a été supprimé .
    BV rejoint il le camp des censeurs ?

  7. Mon général, encore une fois je suis pleinement en accord avec vous. Agacé par les trop nombreuses prises de position expliquant, voire excusant l’invasion russe et critiquant de manière hystérique l’OTAN, j’allais me désabonner de « Boulevard Voltaire ». Votre mise au point me rassure et je reviens sur ma décision. La méconnaissance des fondamentaux de la Défense, l’aveuglement partisan et les illusions sur nos capacités de défense font prendre à certains des positions aberrantes !

  8. D’accord avec vous Mon Général, je n’ai certainement pas l’intention de suivre Tartarin.

  9. Vous avez du mal à comprendre l’hystérisation anti-américaine… mais que dire de l’hystérisation anti-russe?
    Chassons l’hystérisation et regardons l’histoire. Elle permet de comprendre la décision de Poutine, d’ailleurs explicité dans son discours du 24.
    Quant aux accusations, que l’OTAN balaie devant sa porte…

  10. Voila qui éclaircit un peu le débat. Mais la situation est infiniment plus complexe, car s’y mêlent le problèmes d’accès à la mer, à l’eau douce et la rivalité avec la Turquie dans cette région (comme avec le Danemark pour la Baltique). On est loin d’avoir discerné toutes les dimensions de cet imbroglio dont les Chinois attendent patiemment la conclusion. En attendant, méfions-nous des actions sournoises type Wagner.

  11. Quand tout était négociable avec difficultés rien n’a été fait. Alors Poutine joue son va-tout. Il peut tenter de prendre Odessa, Marioupol. Mais pour sortir de la Mer Noire il doit passer par les Dardanelles et le Bosphore tenus par les Turcs qui sont ses ennemis séculaires. Poutine doit faire ami ami avec eux car ils sont dans l’Otan. Pendant ce temps les Azéris turcophones sont contents ils peuvent massacrer les Arméniens. Poutine ne lâchera rien, ses successeurs non plus, c’est vital

  12. Ce qui aurait dû être fait n’a pas été fait, il faut assumer. L’Ukraine devait rester un état neutre, tampon, fédéral, non adhérent de l’UE. Un pacte de non agression réciproque entre la France et la Russie à condition que celle-ci respecte la neutralité de l’Ukraine et des pays baltes. L’herbe était alors coupée sous le pieds de Poutine. Au lieu de cela l’Ukraine veut rentrer dans l’Otan et maintenant dans l’UE. Ben voyons! La Russie a besoin de l’accès à la Méditerranée!

  13. Général Dubois, où avez vous vu une démocratie ? En France ? Il y a de quoi en rire sinon en pleurer, car notre démocratie est partie morceaux par morceaux et dépecée par qui ? Notre Chef des Armée qui nous enlève peu à peu toute nos richesses et notre liberté, alors ne parlez pas de démocratie, il n’y en a plus.

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