Guillaume Bernard : « Les contestataires de la réforme font sembler d’oublier qu’il y a un chantage à l’immigration si la réforme n’est pas faite »
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Guillaume Bernard donne son analyse face à la contestation sociale. Il voit une exaspération, une désespérance dans le pays qui dépassent la seule question des retraites.
Le bras de fer se poursuit entre le gouvernement et les syndicats. Suite à la réforme des retraites, le pays est bloqué depuis plusieurs jours.
Le gouvernement peut-il sortir victorieux de cet affrontement ?
La réforme des retraites est l’occasion de la protestation, mais elle n’est pas le seul objet. Lors des manifestations du 5 décembre, différentes catégories ont manifesté, je pense notamment aux pompiers, qui n’étaient pas directement liés à la question des retraites.
À la protestation s’ajoute l’exaspération dans le pays. La désespérance fait qu’une majorité de Français sont opposés à Macron. Pour autant, ces revendications disparates se juxtaposent, mais ne sont pas forcément convergentes. Par conséquent, Macron et son gouvernement ont de fait, une majorité relative cohérente. J’ai le sentiment que l’Exécutif va essayer de passer en force, peut-être pas sur la totalité de son projet qu’on ne connaît d’ailleurs pas encore dans les détails, mais plutôt sur les principes généraux.
Les syndicats essaient de se refaire une santé, alors qu’ils ont totalement été absents des Gilets jaunes qui se sont constitués hors syndicats et hors partis politiques. Or, il est évident qu’ils ne sont pas représentatifs. Ce n’est pas parce que la réforme Macron est injuste sur un certain nombre de points, je pense en particulier aux mères de famille, que les revendications catégorielles de la SNCF ou de la RATP deviennent légitimes par un coup de baguette magique.
Le haut commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye s’est fait rattraper par une responsabilité potentiellement gênante. Il gérait, bien qu’en qualité de bénévole a priori, une école de formation d’assurance. Les assureurs font, je le rappelle, partie des gagnants de cette réforme.
Cela fragiliserait-il le gouvernement ? Cela remet-il en cause la présence de Delevoye dans le gouvernement ?
Symboliquement, c’est un élément important. Nous sommes en présence d’une classe politique qui veut lutter contre la fraude fiscale. On a d’abord eu Cahuzac. Ensuite, François Bayrou veut lutter pour la moralisation de la vie politique et il se fait rattraper par les histoires des assistants parlementaires. Et maintenant, Delevoye justifie une réforme des retraites, sans aborder d’ailleurs sur la question essentielle de la natalité et de la démographie, et travaille pour le monde de l’assurance.
Cela donne consistance à ce que Jérôme Sainte-Marie appelle « le bloc élitaire ». Le bloc populiste qui est en face est éclaté. C’est ce qui fait la force du bloc élitaire. Il a une consistance et une cohérence doctrinale, alors qu’en face il n’y a que des éléments disparates. À mon avis, une seule solution est envisageable. Ceux qui vivent l’insécurité économique, culturelle, sociale, physique et matérielle regardent leurs intérêts communs. Cela nécessite la persistance et le maintien du corps social au-delà d’intérêts catégoriels. C’est à mon avis, le seul moyen pour que le bloc populiste puisse véritablement se constituer. Cette alliance dépasserait une simple opposition à Macron et ferait corps pour quelque chose.
Malgré ce symbole de Delevoye qui va faire les gorges chaudes des réseaux sociaux, il est évident que cela ne va pas bloquer le gouvernement dans ses arguments rationnels et techniciens.
Visiblement, ce bloc populiste se fera sans une partie de la droite. Il semblerait que la côte de popularité d’Emmanuel Macron remonte en flèche chez les sympathisants de droite.
Qui sont ces soutiens de Macron venant de la droite ? La droite du porte-feuille ou celle du parti de l’ordre ?
Ce sont ceux qui soutiennent la réforme. Car il existe bien une nécessité de la réforme. Les contestataires de la réforme ne prennent absolument pas en considération l’élément démographique. Ils font semblant d’oublier qu’il y a un chantage à l’immigration.
Si la réforme n’est pas faite, tous ceux qui profitent et qui ne sont pas touchés par la crise économique, sociale et culturelle préfèrent défendre leurs intérêts plutôt que l’intérêt du corps social. C’est là où les populistes, les conservateurs au sens réactionnaire du terme, pourraient trouver une cohérence à leurs discours, à condition de ne pas vouloir flatter les intérêts catégoriels de la RATP, de la SNCF ou de tous ceux qui, dans le fond, ne prennent pas suffisamment en considération l’enjeu démographique. Sans ce dernier, le système par répartition ne peut pas tenir.
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