Guillaume Bigot : « On a repris le drapeau mais on a lâché l’idée de souveraineté nationale »

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Faut-il voir une droitisation de l'opinion suite à l'affaire du drapeau européen sous l'Arc de Triomphe ? Réponse avec Guillaume Bigot.

Le drapeau européen seul sans drapeau français sous l’Arc de Triomphe, il n’en fallait pas plus…
 
Il n’en fallait pas moins non plus. C’est tout de même le premier drapeau étranger qui flotte sur Paris depuis 1941, et surtout à cet endroit hautement symbolique. Il est donc normal que ce drapeau ait mis un peu le feu aux poudres.

C’est la première fois que toutes les nuances de droite se sont trouvées d’accord sur un sujet commun. Faut-il y voir un début d’évocation des limites du piège mitterrandien ? La droite, aujourd’hui, n’a plus peur de s’afficher sur un front commun avec le Rassemblement national.

L'idée que contient votre question est très paradoxale, à savoir que le principal piège aurait été tendu par François Mitterrand sur la thématique de l’immigration et du Front national qui avait, en quelque sorte, monopolisé le patriotisme.

Par conséquent, le piège serait finalement défait parce que, désormais, d’autres forces de droite, autres que le Front national, pourraient se réapproprier la nation ou la patrie. Ségolène Royal avait lancé cette mode d’avoir des meetings politiques présidentiels avec des forêts de drapeaux français. D’ailleurs, tous les partis, de droite comme de gauche, avaient imité ce phénomène, même Mélenchon en 2017. Macron avait un peu rompu cette unanimité cocardière en faisant brandir le drapeau européen en 2017 dans les meetings. Il est paradoxal de dire que la malédiction de François Mitterrand est rompue, parce que sa malédiction est surtout de rendre l’Europe inéluctable. Il disait d’ailleurs « je suis le dernier Président ». On pensait que c’était une marque d’arrogance de sa part, mais en réalité, dans son esprit, cela voulait surtout dire qu’il serait le dernier Président à détenir le pouvoir suprême en France. Il y a, désormais, un pouvoir au-dessus de Paris, c’est celui de Bruxelles. Cette affaire du drapeau, qui démarre en fanfare l'année politique 2022 comme vous l’avez souligné, rappelle qu’il y a tout de même une unanimité, même à l’extrême droite, autour de la question européenne.

Même le Parti communiste français et La France insoumise se seraient emparés de ces thématiques- là, alors que cela a été un repoussoir à gauche pendant des années. Faut-il y voir une droitisation de l’opinion ?
 
C’est effectivement quelque chose de cet ordre-là. On voit bien que l’institution la plus appréciée auprès des moins de 25 ans est l’armée. On a vraiment une bascule vers l’autorité et un retour à des valeurs traditionnelles. En revanche, la nation est tout de même, à l’origine, une création de la gauche. Je rappelle qu’au départ, la droite est monarchiste et n’est pas tricolore. Le tricolore, c’est le fait d’encercler le drapeau du roi par le drapeau de Paris bleu et rouge. Il y a un retour vers des valeurs traditionnelles, mais d’un autre côté, on ne peut pas être frappé par ce paradoxe et dire que tous les partis, le Parti communiste, La France insoumise , mais aussi le Rassemblement national et, bien sûr, Éric Zemmour se déclarent favorables à l’horizon indépassable européen. Si on revient au symbole tricolore de la France, de la souveraineté nationale et populaire, pratiquement tous les partis, et même ceux qui s’offusquent du fait que le drapeau européen flotte sous l’Arc de Triomphe (excepté celui de M. Asselineau), sont favorables à l’Union européenne comme horizon institutionnel indépassable. C’est vraiment très étonnant. On a repris le drapeau, mais on a lâché l’idée de souveraineté nationale.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

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