[HISTOIRE] 10 août 1539 : Villers-Cotterêts, vers l’unité linguistique

françois Ier

La France ne s’est pas construite seulement à l’aide d’une religion ou d’un régime politique. En effet, notre culture et notre langue ont été aussi le ciment qui a permis aux nombreux peuples qui composaient notre pays à travers les siècles de faire nation. Ce premier pas vers une unification linguistique eut ainsi lieu le 10 août 1539, à Villers-Cotterêts, grâce à la volonté du grand roi François Ier.

 

Une mosaïque de langues

Malgré son unification politique sous la forme d’un grand royaume chrétien, la France a été le théâtre d’une longue cohabitation entre plusieurs peuples parlant une multitude de langues : breton, langue d’oc, langue d’oïl, etc. Sans parler du latin, qu’utilisait le plus souvent l’Église dans ses actes et offices. Si tous ces dialectes avaient bien sûr leur propre beauté toute régionale, il concouraient à un imbroglio juridique et administratif dans tout le royaume. En effet, il pouvait être compliqué de faire appliquer un règlement écrit dans une autre langue, dans une région parfois soumise à une autre juridiction traditionnelle et locale, transcrite dans un langage différent. Par exemple, le dialecte dit « françois », issu du nord de la France et de la région parisienne, était surtout utilisé par la noblesse et la cour royale.

 

Une unification linguistique

 

Cependant, au fil des siècles, la royauté capétienne s'affermit et tend à vouloir imposer son pouvoir et sa volonté à tous les sujets de France. Pour y parvenir, François Ier décide que les actes de justice soient rédigés, pour faire court, en français. Cette directive, qui sera enregistrée au Parlement de Paris le 6 septembre 1539, prit ainsi la forme d’une ordonnance édictée par le roi à Villers-Cotterêts au cours du mois d'août 1539 (entre le 10 et le 25). Parmi les 192 articles composant ce texte, certains sont encore aujourd’hui en vigueur, dont ceux qui font la réputation de ce texte sur l’imposition du français dans tout le pays : « Et afin qu'il n'y ait cause de douter sur l'intelligence desdits arrêts, nous voulons et ordonnons qu'ils soient faits et écrits si clairement qu'il n'y ait ni puisse avoir aucune ambiguïté ou incertitude ne lieu à demander interprétation […] Et pour ce que telles choses sont souvent advenues sur l'intelligence des mots latins contenus desdits arrests, nous voulons d'oresnavant que tous arrests, ensemble toutes autres procédures, soient de nos cours souveraines et autres subalternes et inférieures, soient de registres, enquestes, contrats, commissions, sentences, testaments et autres quelconques, actes et exploicts de justice, ou qui en dépendent, soient prononcés, enregistrés et délivrés aux parties en langage maternel françois et non autrement. »

 

Un texte juridique et administratif

Cependant, ce serait un grand raccourci que de dire qu’à partir de 1539, toute la France se mit à parler et à utiliser la langue française. En effet, cette ordonnance n’interdit pas l’utilisation des langues locales dans la bouche de ceux qui la pratiquent. Elle ne fait que donner la priorité au français en matière juridique et administrative. Par exemple, selon l’article 51, les registres des paroisses doivent être obligatoirement tenus et ne peuvent plus être transcrits en latin mais en français : « Aussi sera fait registres, en forme de preuve, des baptêmes, qui contiendront le temps et l'heure de le nativité, et par l'extrait dudict registre, se pourra prouver le temps de majorité ou minorité, et sera pleine foy à ceste fin. »

 

Malgré cette ordonnance, il faudra attendre encore de nombreuses années pour que le français finisse par s’imposer par habitude dans toutes les strates de la société et dans toutes les régions. Du reste, de nos jours, certaines langues régionales ont survécu et sont apprises aux nouvelles générations, comme le breton ou le basque. Des langues dont la pérennité ne menace nullement le français, à la différence du langage inclusif, qui s’infiltre et s’impose peu à peu, notamment dans les milieux universitaires - wokisme aidant.

 

Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

20 commentaires

  1. Il y a 300ans mes ancêtres ne parlaient que le patois occitan. A 75 ans je le comprends et peux le parler après réflexion. Mes parents le parlaient avec les gens de leur génération . Mes grands parents n’utilisaient que très rarement le français , et d’ailleurs , deux sur quatre étaient illettrés.

  2. Monsieur de Mascureau, que n’avez vous été mon professeur d’histoire dans les années 55/60… au lieu et place des nullités qui s’y sont succédés et dont je ne me rappelle même plus les noms…!!!

  3. Comme le souligne très justement l’un des commentateurs, la langue orientale prend de plus en plus le pas sur notre langue qui pourtant restait, utilisée par beaucoup de pays dans l’édition de leurs lois, tant le français est précis dans ses termes. Mais le plus choquant reste que depuis le « brexit », Mme Von Der Léyen persiste à utiliser cette langue Shakespeare plutôt que celle de Molière qui a droit de place dans cette Institution imaginée par… Ch. De Gaule…
    Mais peut-être que dans peu de temps, l’exotisme conduira a l’utilisation d’une langue plus orientale ?… c’est dans le domaine des possibilité…

  4. Lors de ces jeux O le jour de l’ouverture les bateaux mouche descendants la Seine portaient les noms des pays en anglais. .
    EN FRANCE à PARIS . Pierre de Coubertin est enterré une 2ème fois.

  5. Ce fut un de nos plus grands rois ,s’il ne s’était entêté à vouloir récupérer son héritage italien qui le conduisit dans les geôles de l’Espagnol; il faudra que les Français, du plus humble aux plus riches payent une rançon colossale; le pire étant de devoir laisser l’Héritier en otage; celui-ci en gardera un traumatisme profond…

  6. L’unification linguistique de Villers-Cotterêts, s’effacera avec celle de Marseille et sa nouvelle langue.

  7. Et que dire des nouveaux arrivants qui, au bout de 10, 20, 30 ans et plus, ne parlent toujours pas notre langue ? Au XIXème siècle on a été intransigeant avec les enfants pour qu’ils ne parlent qu’en Français et aujourd’hui les autorités tolèrent que des étrangers vivent sur notre sol tout en ignorant, ostensiblement, notre langue !

    • J’ai connu des « expatriés » aux FFA ( Allemagne; civils de l’Armée française), présents là depuis 1949 pour certains, qui n’avaient toujours pas fait l’effort d’apprendre la langue allemande au bout de…35 années de présence sur place ! Ils vivaient entre eux. Quel bel exemple !

  8. François premier, la renaissance de notre pays avec l’unité linguistique, c’est également l’unité linguistique qui a permis de créer l’Allemagne ua 19ème sciècle. C’est l’impossibilité d’unité linguistique qui empêchera l’Europe de devenir une fédération. Une confédération serait la solution la plus pertinente mais ce n’est pas la voie suivie par l’UE.

  9. Il avait bien raison notre roi. Qu’est-ce qu’une nation, sinon un peuple, une langue et une religion disait Renan

  10. Il arrivera au français ce qui est arrivé aux langues régionales inlassablement persécutées, dont la mienne, le flamand (langue des Francs mâtinée de saxon), elle disparaître dans la mélasse basic-english et woke. Ce n’est pas une consolation, mais qu’on me permette de ne pas pleurer.

    • Rien ne s’oppose à l’enseignement des langues régionales dans chaque région de France et de Navarre ! Renseignez-vous, peut-être existe t’il des clubs qui enseignent le Flamand ! J’espère bien que vous aurez tort et que le Français ne disparaîtra pas car, pour ma part, j’en pleurerais….

  11. Cette unité linguistique s’est faite sur le dos des langues dites régionales (Alsacien, Breton, Basque, Catalan, Basque, Occitan—).
    Alors qu’il était parfaitement possible d’utiliser une langue commune à côté des autres, le jacobinisme s’est employé (et continue d’ailleurs) à tuer une importante richesse de notre pays.
    Ainsi à l’heure où F. Mistral (qui écrivait en occitan de Provence) recevait le prix noble de littérature, les instituteurs punissaient les enfants de Provence surpris à parler dans leur langue.

    Plus récemment,un journal comme La Setmana s’est vu refusé les subventions habituelles car il était écrit en occitan.

  12. Ce fut certainement un acte utile et efficace. Mais on doit s’interroger sur ce que pourrait être l’équivalent aujourd’hui, par exemple en imposant l’anglais aux peuples européens pour des raisons d’unité et d’efficacité bien sûr. La disparition des identités locales, souvent via les langues, mais pas seulement, est-elle si désirable ?

      • L’UE que les anglo-saxons ont quitté d’ailleurs. L’heure est elle arrivée de s’inquiéter d’une langue prédominante dans l’UE alors que chaque jour la langue Arabe devient petit à petit de plus en plus utilisée part les habitants utilisant cette langue et qui chaque jour sont plus nombreux?

    • L’anglais s’est déjà imposé, même au delà de l’Europe, et les identités locales survivent. Les langues vivantes sont appelées à devenir des langues mortes. La mort d’ une langue est elle un drame pour l’humanité ?

      • Dans les années 60 on essayait de nous apprendre l’Esperanto, qui n’était pas si mal que ça..

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