[HISTOIRE] 11 août 843, traité de Verdun : le début d’une rivalité millénaire
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Quelle triste journée que fut celle de ce 11 août 843. En cet instant, l’héritage du grand empereur Charlemagne fut brisé à jamais et furent semées les graines de la discorde ainsi que de la rivalité entre la France et son rival germanique pour les mille ans à venir. Ainsi, en ce jour funeste, le long déclin des Carolingiens commença et ne s'acheva qu’à l'aube du premier millénaire par l’ascension de la dynastie des Capétiens.
De l’apogée au crépuscule
Fruit d’un grand labeur, l’Empire carolingien fut forgé par Charlemagne. S’étendant des confins de la Germanie jusqu'aux montagnes enneigées des Pyrénées, cet immense territoire fut à son apogée lors de sa conception par le fils de Pépin le Bref. Néanmoins, il avait une faiblesse. En effet, ce dernier « était fragile car il était trop vaste. Il ne tenait que par le génie d’un homme », selon Jacques Bainville. Ainsi, après la disparition de l’empereur à la légendaire barbe fleurie en 814, son fils et successeur, Louis le Pieux, ne put que s’efforcer tant bien que mal de maintenir l’intégrité de ses possessions. Chose qui ne fut point aisée, car celui qui fut surnommé le Débonnaire fut déposé deux fois avant de remonter à nouveau sur son trône. À sa mort en 840, l’Empire carolingien entrevoit le crépuscule de son existence lorsque apparaissent trois héritiers qui provoqueront par leur acte la destruction de l’héritage de Charlemagne.
Division d’un empire
Comme la tradition franque le veut et comme cela s'était produit pour les Mérovingiens, les trois fils de Louis le Pieux - Lothaire, Louis et Charles - ont chacun droit à une part de l’immense empire de leur père. Cependant, un seul peut obtenir le titre impérial et la suprématie. Le mieux placé se trouve alors être Lothaire, l’ainé de la fratrie, qui obtient le soutien d’une grande partie des seigneurs de l’empire. Afin de contrarier ses plans, Louis et Charles décident de s’allier afin de contraindre leur frère au compromis. Défait à la bataille de Fontenoy en Puisaye en 842, Lothaire accepte alors de négocier l’avenir de l’Empire carolingien à Verdun en 843.
Après d'âpres discussions, une décision est enfin prise et acceptée par les trois frères : l’empire est divisé et morcelé. Charles le Chauve obtient la Francie occidentale, notre future France, tandis que Louis le Germanique reçoit la Francie orientale sur laquelle s’élèvera le futur Saint Empire romain germanique. Lothaire obtient le titre impérial ainsi que la Francie médiane, partant des États pontificaux en Italie jusqu’à la mer du Nord, et qui prendra plus tard le nom de Lotharingie (mot qui donnera celui de Lorraine).
Une vocation impériale héréditaire
Si la paix semble revenir, ce traité est en réalité un échec pour la chrétienté. L’Empire carolingien, qui devait succéder à celui de Rome, se trouve divisé en trois royaumes, dont un seul est la possession de l’empereur. Ce territoire finit même par disparaître en 869, lorsque Lothaire et ses fils passent à trépas, laissant ce royaume et le titre impérial être partagés entre les deux frères carolingiens subsistants.
Dès lors, une rivalité naît entre les deux futures nations française et allemande qui, inconsciemment, penseront toujours avoir le droit, le devoir et le destin de reformer l’empire de Charlemagne en s’emparant de l’entièreté de ses anciens territoires en Europe. Cependant, rares sont ceux, dans l’Histoire et parmi les prétendants aux titres, qui furent capables de cet exploit, comme Charles le Gros en 887, Napoléon en 1804 et même, très brièvement et brutalement, Hitler en 1942. Néanmoins, aucun de ces nouveaux empires ne survécut à leur créateur car, comme à l’époque de Charlemagne, chacun de ces royaumes « était fragile car il était trop vaste. Il ne tenait que par le génie d’un homme. »
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Traité de Verdun
11 commentaires
C’est parce que les trois fils du Rois Charlemagne ont été incapable de s’entendre et de s’accorder, que le Rois Charlemagne agonisant décide de couper en trois l’empire de France, dont la Capitale était Aix la Chapelle, qui se trouve en Allemagne, dans la région Allemande du Rhin Nord et la Vallée Ouest, l’équivalant de la région des Pays de Loire, qui a comme comme capitale Nantes ! Les deux grandes villes de la région du Rhin nord et la Vallée ouest, sont Duseldorff et Kologne ! Amitiés à tous Hervé de Néoules !
Le droit successoral français n’a pas changé. Si les enfants se partagent la succession, il ne peut rien rester. Le droit d’aînesse seul permettait de conserver une succession de génération en génération. C’était au temps d’Abraham (Jacob et Esaü).
« Si les enfants se partagent la succession, il ne peut rien rester. » Après que l’Etat se soit amplement servi au passage.
Certains s’arrangent avec le « droit » de succession ,avec le nez creux et anticipatoire : Ainsi, dans les deux familles à peu près argentées de ma branche maternelle, sur 3 enfants nés au tournant du siècle précédent, l’un, le plus jeune a hérité de tout (maison de couture et atelier detapisserie en ville moyenne bourguignonne, côté maternel maternel) ; Chez l’autre coté (paternel de maternel) c’est l’ainé, pourtant décédé en déportation, sur 5 enfants, qui a concentré pour sa descendance l’intégralité de l’entreprise familiale de bâtiment-travaux publics et le joli manoir corps de ferme de 12 pièces + dépendances en support..
Comme disait Maître Folace « … on ne peut pas demander plus aux Volfoni qu’aux (petits) fils de Charlemagne » !
Il faut dire qu’à une certaine époque pas si lointaine mais désormais révolue, ce genre d’allusion historique dans un film populaire parlait à la majorité des Français…
L’empire romain était bien plus vaste et bien plus divers que celui de Charlemagne et il a duré plusieurs siècles. Ce n’est donc pas son étendue qui a empêcher l’empire carolingien de perdurer.
C’est essentiellement dû à la tradition franque : les souverains y étaient propriétaires fonciers de leur royaume dont ils disposaient à leur guise et devant obligatoirement être partagé entre leurs héritiers. ce qui n’est pas un facteur d’unité, surtout quand il s’y surajoute le pouvoir de l’Eglise de Rome et le début de l’émiettement féodal. Charlemagne se nommait lui-même «Empereur gouvernant l’Empire romain, roi des Francs et des Lombards», mais il n’était pas prévu que cet Empire lui survive. Il ne le fit brièvement que sous Louis le Pieux, unique survivant des héritiers impériaux, avant d’être démantelé à la génération suivante.
En effet, j’avais un doute sur l’alibi de l’étendue. Et l’empire russe, alors ? Et l’empire de Gengis Khan ? Je pense plutôt à l’esprit querelleur des francs…
« Dès lors, une rivalité naît entre les deux futures nations française et allemande qui, inconsciemment, penseront toujours avoir le droit, le devoir et le destin de réformer l’empire de Charlemagne …». Ceci me paraît plutôt hâtif. La notion de « nation » n’émerge véritablement que lors de la Révolution Française, près de neuf siècles plus tard, et la nation allemande ne prend corps qu’avec le deuxième Reich, en 1871, mille ans après le traité de Verdun. Entre deux, des conflits de royaumes à empire ou autres royaumes, duchés et principautés, et je n’ai jamais lu qu’un des quelconques rois, princes, empereurs ou autres potentats ait eu l’ambition de reconstituer l’Empire de Charlemagne / Karl der Große.
Non, il me semble que la notion de « nation » naît avec Clovis et non à partir de la Révolution Française. Au temps de Charlemagne, le droit d’aînesse n’existait pas mais a été imposé par les capétiens.
Vaste débat sur lequel on planchait déjà en 1970 à sciences po avec René Rémond; Je penche en effet pour une notion bien plus précoce: Basques, Corses, Bretons, Irlandais n’ont jamais été un conglomérat de tribus/Comtés/seigneureries..