[HISTOIRE] 19 janvier 1956 : déjà, le « Front républicain » et… déjà Le Pen
Si le terme de « Front républicain » est désormais associé aux récents combats politiques en France, son origine remonte néanmoins à un épisode clé de l’histoire la IVe République : les élections législatives de janvier 1956 après la dissolution provoquée le 1er décembre 1955 par le président du Conseil Edgar Faure, qui espérait ainsi obtenir une majorité plus large. Cette dissolution était une première depuis... 1877. Dès l'annonce de cette dissolution, quatre chefs de parti (le socialiste Guy Mollet, le radical Pierre Mendès France, le gaulliste Jacques Chaban-Delmas, président des Républicains sociaux, et François Mitterrand, président du petit parti charnière l'Union démocratique et socialiste de la Résistance) lancent un appel au « Front républicain ». Ce « Front républicain » vise à opposer un bloc face, d'une part à la droite (démocrates-chrétiens du MRP et CNIP), d'autre part à la résurgence d'une certaine extrême droite. En effet, dans un contexte de discrédit du régime, un mouvement surgit à droite de l'échiquier politique : le poujadisme, du nom de son fondateur Pierre Poujade. Le 19 janvier 1956, après une campagne électorale éclair, 52 députés poujadistes font leur entrée à l'Assemblée. Parmi eux, un certain Jean-Marie Le Pen. Sans le savoir, ce jeune parlementaire de 27 ans amorçait une carrière politique qui marquera durablement l’histoire politique de la France.
L'émergence du mouvement poujadiste
Dans les années 1950, la France traverse une modernisation rapide qui bouleverse son économie et sa société. L’industrialisation, l’urbanisation et l’essor des grandes surfaces provoquent une profonde mutation, notamment dans les zones rurales. Ces transformations s’accompagnent d’une pression fiscale croissante, perçue comme un fardeau par les petits commerçants et artisans. C’est dans ce contexte que Pierre Poujade, un libraire-papetier de Saint-Céré, dans le Lot, fédère ce mécontentement. En 1953, il lance un appel à la résistance fiscale, après un contrôle qu’il juge abusif, et fonde l’Union de défense des commerçants et artisans (UDCA). Orateur charismatique, Pierre Poujade attire de grandes foules grâce à son franc-parler. Il ne mâche pas ses mots, fustigeant la classe politique et les élites intellectuelles dans chacun de ses discours : « Nous sommes gouvernés par une bande d'apatrides et de pédérastes […] il vaudrait bien mieux pour nous gouverner un vrai commerçant, un bon métallo, un bon charcutier. Ils ne seraient pas polytechniciens, mais sains de corps et d'esprit... Nous sommes au bord d'un gouffre encore plus effrayant qu'en 1940, et si nous avions des vertèbres, nous devrions donner à la France un gouvernement de gens qui aient des gueules de Français […] Cela dépend de vous, il faut faire un État fort. » Les propos de Poujade et de ses affidés ne passent pas inaperçus auprès des autres forces politiques. Très vite, le mouvement est accusé de racisme, de fascisme et d’antisémitisme, notamment à cause de ses déclarations contre Pierre Mendès France. Pierre Poujade, surnommé par ses adversaires « Poujadolf », récuse ces accusations en affirmant : « Il ne faut pas confondre fascisme, racisme, antisémitisme et patriotisme. Nous ne sommes pas le reste, mais nous sommes des patriotes et nous le sommes seulement, mais nous le sommes entièrement. »
Jean-Marie Le Pen s'affirme
Il n'empêche, les discours virulents, à la fois patriotiques et populistes, permettent à Poujade de gagner en popularité dans les campagnes et les petites villes, mais aussi d’attirer des figures diverses, parmi lesquelles un jeune étudiant en droit breton et ancien parachutiste : Jean-Marie Le Pen. Ce dernier, marqué par son expérience militaire en Indochine et engagé dans la défense des valeurs traditionnelles, trouve dans le poujadisme une plate-forme idéale pour s’affirmer politiquement. Ainsi, celui qui n'est pas encore le Menhir rejoint les rangs de l’Union et Fraternité Française (UFF), le parti politique créé par Pierre Poujade en 1955. Jean-Marie Le Pen est investi candidat du mouvement dans la première circonscription de Paris. Ce jeune orateur ambitieux, porté par l’élan poujadiste, se distingue par sa détermination et sa capacité à capter les frustrations d’une partie de l’électorat. D'emblée, il s'affirme comme un orateur né.
Triomphe et déclin des poujadistes
Le Front républicain ne parvient pas à endiguer totalement la montée des poujadistes. En effet, malgré l’obtention, pour cette alliance, d’une majorité relative à l’Assemblée nationale (192 députés, à stricte égalité avec la droite MRP et CNIP, 150 communistes), qui permettra au socialiste Guy Mollet de devenir président du Conseil, le 1er février, l’UFF obtient un score tout à fait honorable : 52 députés. Un score obtenu grâce au mode de scrutin proportionnel en vigueur, avec 2,483 millions de voix, soit 11,6 % des inscrits. Jean-Marie Le Pen devient alors l’un des plus jeunes députés de France. Lorsqu’il entre à l’Assemblée nationale, aux cris de « Sortez les sortants ! », il symbolise à la fois la montée d’un nationalisme populaire et l’émergence d’une nouvelle génération politique.
Cependant, le triomphe des poujadistes est de courte durée. En effet, leur manque d'expérience ainsi que l’absence de programme structuré affaiblissent rapidement leur crédibilité. Ainsi, lors des élections législatives de novembre 1958, qui visaient à élire les députés de la première législature de la Ve République, le mouvement est balayé. Néanmoins, Jean-Marie Le Pen, qui quitte le mouvement, réussit l'exploit de se faire réélire, sous l'étiquette CNIP, malgré le rétablissement du scrutin uninominal majoritaire. Il restera député jusqu'en octobre 1962, lorsque le général de Gaulle décidera de dissoudre l'Assemblée nationale, mais ne sera pas réélu. Commença alors, pour Jean-Marie Le Pen, une traversée du désert politique, si l'on met à part la direction de la campagne présidentielle de Jean-Louis Tixier-Vignancour en 1965, jusqu'à la création du Front national en 1972.
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Un commentaire
J’ai bien ri à la lecture du discours de Poujade d’une brûlante actualité…. dès l’ouverture.