[HISTOIRE] 5 janvier 1757 : l’attentat de Damiens contre Louis XV

©G.Garitan
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Le 5 janvier 1757, à Versailles, un attentat marque l'Histoire de France : Robert-François Damiens, un homme d'origine modeste, ose commettre l'impensable et l’innommable : s'en prendre à la personne du roi de France, le père du royaume, le lieutenant de Dieu sur terre, Louis XV. Cet événement, rarissime sous l'Ancien Régime, illustre alors la vulnérabilité d'un monarque en apparence tout-puissant.

À mort Louis XV !

Louis XV, surnommé le « Bien-Aimé » au début de son règne, voit son image s'abîmer, dans les années 1750. En effet, son impopularité croît en raison de l'échec de la guerre de Sept Ans (1756-1763), des dépenses somptuaires de la cour ainsi que de sa vie jugée immorale, avec ses nombreuses maîtresses. Cette méfiance envers le souverain nourrit ainsi un climat de frustration parmi certaines couches de la société, à l'exemple de Robert-François Damiens.

Né en 1715 dans une famille pauvre de l'Artois, Damiens mène une vie instable, passant de divers emplois de domestique à des périodes de vagabondage. Cette existence erratique nourrit en lui un profond mépris envers les privilégiés, et le roi, symbole suprême de cette injustice sociale, devient la cible de sa colère. Déterminé à frapper le monarque, Damiens s'infiltre alors à la cour de Versailles le 5 janvier 1757. Ce jour-là, Louis XV quitte le château pour rejoindre Trianon après avoir rendu visite à l'une de ses filles, malade. Profitant d'une ouverture, Damiens se jette soudainement sur le monarque armé d'un poignard. Le roi vacille alors, tandis que le dauphin et les gardes se jettent sur l'agresseur pour l'arrêter. Louis XV, blessé, est emmené en urgence dans ses appartements. Convaincu d'être à l'article de la mort, le roi demande un prêtre pour recevoir l'extrême-onction. Cependant, la lame n'a pénétré que superficiellement grâce à l'épais manteau que portait le souverain. Louis XV échappe donc à une issue fatale, mais l'attentat choque la cour et le royaume tout entier. Malheureusement pour Damiens, même si le roi n'est pas mort, il doit quand même répondre de sa tentative de régicide par le sang.

L'atroce supplice de Damiens

Emprisonné et interrogé sur ses motivations, Damiens donne des réponses confuses et contradictoires. Il ne semble pas animé par une haine personnelle envers le roi, mais par une frustration générale face à l'injustice et à la souffrance qu'il attribue à la politique royale. Lors de ses interrogatoires, il évoque le bien-être du peuple et critique les abus du pouvoir, mais sans présenter de revendications claires. Jugé coupable de régicide par le Parlement de Paris, Damiens est condamné à une peine d'une cruauté extrême, destinée à rappeler à tous la souveraineté absolue de la monarchie et le prix à payer pour ceux qui osent s’en prendre au roi. Ainsi, le 28 mars 1757, notre régicide est exécuté à l’âge de 42 ans en place de Grève, à Paris. L'exécution, détaillée dans les archives, se déroule alors avec une brutalité qui choque même certains contemporains : « ... Ce fait, mené et conduit dans ledit tombereau à la place de Grève ; et sur un échafaud qui y sera dressé, tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras de jambes, sa main droite, tenant en icelle le couteau dont il a commis ledit parricide [le roi est considéré comme le père du royaume et de ses sujets], brûlée de feu de soufre ; et, sur les endroits où il sera tenaillé, jeté du plomb fondu, de l’huile bouillante, de la poix-résine fondue, de la cire et du soufre fondus ensemble. Et ensuite son corps tiré et démembré à quatre chevaux, et ses membres et corps consumés au feu, réduits en cendre, et ses cendres jetées au vent. » Un supplice qui dura quatorze heures, de 4 heures du matin à 10 heures du soir : « Quatorze heures terribles », selon les mots du duc de Croÿ. Cependant, contrairement à Ravaillac, cette barbarie choque profondément le peuple et contribue à alimenter le mécontentement envers Louis XV, désormais surnommé le « Mal-Aimé ».

Un crime lourd de répercussions

L'attentat de Damiens révèle les fractures profondes au sein de la société française. Pour Louis XV, cet épisode lui ouvre les yeux sur son impopularité grandissante et la fragilité de son pouvoir. Mais au lieu de prendre cet avertissement comme un signe annonciateur des maux qui l’affligeront à la fin du XVIIIe siècle, la monarchie persiste dans son aveuglement. Ainsi, sans le savoir, Robert-François Damiens fut l’annonciateur de la tempête révolutionnaire qui emportera les Bourbons, une trentaine d'année plus tard.

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

15 commentaires

  1. « Un supplice qui dura quatorze heures, de 4 heures du matin à 10 heures du soir » Monsieur de Mascureau, la licence et le Master vous auraient-ils fait oublier l’arithmétique? de 4h à 16h, en voilà douze de passées. De 16 à 22, en voilà 6 de mieux. Il me semble donc que le supplice aurait duré 18h00, dans lesquelles sont peut-être inclus divers préparatifs, puis quelques mesures post supplice. L’affaire n’est pas claire!

  2. La grande Histoire racontée et commentée par un citoyen républicain du 21 ème siècle est orientée sans surprise , il convient de nous démontrer que la liberté étant passée sur des siécles de tyrannie nous sommes les heureux bénéficiaires d’un régime qui. Cause notre richesse et devrait nous satisfaire et nous rendre heureux, est ce bien le cas ?

    • Il est certain que notre bien-être s’est considérablement amélioré depuis Louis XV : Electricité, assainissement, vaccinations, antibiotiques, etc. notre niveau de vie est incomparable. Mais grâce à qui? les scientifiques. Les politiques n’ont fait que suivre, quand ils n’ont pas manoeuvré contre le progrès. Et de ce côté, aucun changement de nos jours.

  3. Bel article, mais incomplet : il y manque « l’affaire de l’Hôpital Général » (1749) et la disparition de milliers d’enfants, qui n’a jamais été élucidée. Il se peut que Damiens ait tenté l’assassinat, soudoyé par des « bonnes âmes » qui voulaient tirer au clair l’implications de quelques « puissants » dans cette affaire criminelle sordide.

  4. Autres répercussions sous le règne de Louis XV: le Traité de Paris (1763) laissa aux mains des Anglais, la Nouvelle-France et qui fera dire à Voltaire que ce n’était « que quelques arpents de neige ». De cela est née « La Province de Québec » dite ‘La Belle Province », chère à mon cœur, par proclamation royale. Mais cela est une autre histoire.

    • Chère aussi à mon cœur, pour y être allé la première fois il y a 37 ans et retourné ensuite à plusieurs reprises.
      Dernièrement cet été.

      J’aime ce pays même si je n’en connais que le Québec et l’Ontario (allez visiter la petite presqu’île du comté du Prince Édouard, sur le lac Ontario à Picton et Wellington, vin rosés locaux d’excellente tenue).

      J’aimerais tant y partir pour m’y marier avec l’hiver (sic).

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